Le narrateur endure les vacances d'été, sur la côte normande, avec Anna sa femme, et ses deux enfants, des jumelles, qu'il appelle « les filles », sans jamais les différencier.
Des occupations répétitives, pas du tout culturelles, sans l'espoir d'une découverte.
Ce vide l'effraie.
Il ne se plaint pas mais on comprend entre les lignes, qu'il s'ennuie à mourir.
Il prend l'habitude d'aller visiter une voisine, Alice, une femme âgée, qu'il a aidée à porter ses courses un jour, et qui l'a retenu. Ces visites deviennent rituelles. Un lien curieux, mais fort, les enjoint de se rencontrer de plus en plus souvent.
Alice vit seule avec sa sœur dans une grande propriété, avec toutes sorte d'objets sacrés,des documents intéressants, beaucoup à raconter, et, semble-t-il, une confession à faire.
Alice est la fille du photographe Victor Berthier, ami de Breton, Max Ernst, Levi-Strauss,et d'autres artistes : ils ont embarqué en 1941 pour les Etats-Unis( avec Alice, encore enfant) ont vécu là-bas plusieurs années, dont une partie sur un plateau du Colorado, où vivaient des Indiens Hopi, dont ils ont partagé quelque peu l'existence. Cette cohabitation ne se fit pas sans heurt ni tragédies.
Le narrateur est passionné par cette étrange vieille dame et ses souvenirs, au risque de vivre dans le conflit avec sa femme, déconcertée par ce qui n' a rien d'une liaison classique.
Claudie Gallay ( dont je devais lire les « Déferlantes », mais je n'ai trouvé que ce roman là), pratique une manière d'écriture « blanche », très travaillée. Des phrases courtes détaillant des gestes simples ( rouler du tabac, tapoter un objet, lever la main) qui deviennent sous sa plume autant de singularités, voire de signes à interpréter.
Cette écriture interroge de près les cinq sens: ce l'on voit, entend , touche, ressent... lorsque l'on est vraiment attentif au temps qui passe.
Les rencontres et sorties des protagonistes sont décrites comme autant de cérémonies, dont on attend quelque révélation . Et je vous rassure : Alice a vraiment quelque chose à dire !
D'autres personnages font leur apparitions au travers de documents lus par le narrateur : ce sont plusieurs de ces Indiens Hopi dont l'existence fut bouleversée par l'intrusion de représentants d'une civilisation étrangère. Des représentants qui convoitent leurs objets sacrés, en lesquels ils voient des merveilles d'esthétique. Personne ne sortira indemne de ce choc de cultures.
Le titre est tiré de l'épitaphe inscrit sur la tombe d'André Breton, « je cherche l'or du temps » au cimetière des Batignolles. Jolie métaphore pour revendiquer que le temps ne soit pas de l'argent...
La récente vente aux enchères des objets de Breton a certainement inspiré ce roman.
Au final, beaucoup de qualités d'écriture mises en œuvre par l'auteur, et un intérêt documentaire certain, donnent un livre intéressant mais tout de même assez ennuyeux quoiqu'il se lise sans aucune idée d'abandon et que l'on saute peu de pages.
Que se passe-t-il pour qu'Alice en fin de compte reste une vieille dame assez désagréable et pas vraiment pathétique en dépit des événements tragiques qu'elle porte en elle et ne parvient pas à nous faire totalement partager?
Pourquoi le narrateur n'a-t-il pas assez d'épaisseur?
Tout ce qui a trait à la famille du narrateur, Anna et les « filles » irrite un peu car ce domaine reste faible, alors qu'il devrait fonctionner comme une force d'opposition face à Alice-le narrateur.
Si ce narrateur avait été célibataire, le récit eût été plus vigoureux.
L'auteur n'atteint pas tout à fait son but. Les phrases qu'elle voudrait chargées d'émotion, et comme en suspens, tombent un peu à plat. Ici ce sont les témoignages des Indiens qui emportent le plus l'adhésion( peut-être parce quelles sont racontées de façon plus simple et plus forte?), et certaines scènes, telle la danse du serpent sont vraiment belles.
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