Christian Bourgois, 2008. ( titre original « Feathered ») 227 pages
Deux lycéennes de 18 ans quittent leur Illinois natal : Anne et Michelle vont au Mexique pour les vacances de printemps. Elles sont proche de leur examen de fin d'études secondaires, et ce voyage doit signifier leur entrée dans la vie adulte, même s'il ne dure que cinq jours.
Michelle n'a pas eu de père. Sa mère ne trouvait personne à son goût et s'est fait inséminer artificiellement. Elle semble avoir choisi le spermatozoïde dans un catalogue de vente « pour mille dollars, je sais qu'il a les yeux verts et qu'il est violoncelliste ».
La jeune fille ne cache pas qu'elle souffre de la situation, répétant souvent qu'être la fille d'un spermatozoïde ne laisse aucun cours à l'imagination, mais semble socialement adaptée. Elle est heureuse de quitter enfin une maman omniprésente,sur protectrice, certaine qu'il va enfin lui arriver quelque chose.
A peine arrivées à Cancun, le soleil et la mer les éblouissent, mais pas l'atmosphère bruyante qui règne dans cet hôtel, un lieu fait exprès pour le bronzage la baignade et la drague. La station balnéaire touristique n'a rien de dépaysant.
Les deux amies acceptent la proposition d'un homme d'âge mûr, qui se prétend historien et archéologue. Il propose de les emmener au temple de Chichèn Itza. Là-bas, dans un décor impressionnant, se dresse une pyramide, où les anciens Mayas sacrifiaient des jeunes filles vierges pour offrir leur cœur à un dieu du même genre que le Quetzacoatl des Aztèques. Approcher d'un peu plus près une civilisation si différente de la leur serait la moindre des choses...
Ainsi, elles seraient venues au Mexique pour se cultiver, faire des découvertes, et pas seulement se regarder bronzer...
Anne craint l'homme : elles ne le connaissent pas, et n'auraient pas dû accepter la proposition. Les mères leur ont répété sur tous les tons de ne suivre aucun inconnu, même de bonne mine et avec les yeux bleus. D'ailleurs lui-même les raille en les qualifiant d'imprudentes!
Et pourtant, les voilà parties en voiture avec cet individu...
Ses propos sur les sacrifices et coutumes de vie des Mayas ne tardent pas à terrifier Anne.
L'homme est peut-être fou?
Ou simplement pervers?
Tandis que Michelle, au contraire, est de plus en plus heureuse jusqu'à boire les paroles de l'inconnu. Cette évolution contraire des sentiments des deux amies va les mettre en danger, car elles se désolidarisent, et se séparent ; Anne reste en bas de la pyramide, anxieuse, tandis que Michelle grimpe avec légèreté vers le ciel à la suite de son mentor.
Le roman est court, efficace, plein de détails réalistes, qui mettent en valeur les personnages: personnalité exaltée de Michelle son mysticisme ingénu, le désarroi croissant d'Anne. Le portrait au vitriol de la mère de Michelle fait sourire. Certains personnages-clefs restent ambigus aussi longtemps qu'il le faut pour nous tenir en haleine, et le tour que prend le récit ne cesse de surprendre jusqu'à la fin.
Le récit est écrit de deux points de vue alternatifs -Anne à la première personne- Michelle à la troisième.
Les adolescentes se trouvent prises au piège. Pour profiter de leur séjour, elles sont forcées de prendre quelques risques. On comprend qu'Anne soit effrayée et se jette dans la gueule du loup, alors qu'elle croit y échapper et que Michelle cède au désir de visiter une pyramide avec un bel inconnu. Toutefois l'adolescente est en pleine contradiction, voudrait vivre des aventures hors du commun, dont elle regrette qu'elles soient interdites aux femmes, mais en même temps elle est prête se sacrifier à un dieu pour donner un sens à sa vie!!
Le récit fait signe au « Serpent à plume » de Lawrence, cité plusieurs fois dans le récit. En effet, dans ce roman ( publié vers 1930), l'écrivi anglais DH Lawrence y mettait en scène une femme voyageant au Mexique, qui, tentée par deux beaux jeunes gens qui s'identifiaient aux dieux mayas et aztèques, sacrifiait avec eux à des cérémonies rituelles. Mais cette héroïne, deux fois plus âgées que nos adolescentes, et aventureuse sans être folle, ne mettait en danger ni ses jours ni sa vertu.
Toutefois les deux filles ne connaissent pas ce texte, et le lecteur, lui, se demande ce que pense Laura Kasischke de Lawrence, qui cherchait dans les rituels des ancien mayas une possibilité de régénération de l'homme spolié par la déshumanisation de l'ère industrielle.
Mais je n'ai pas de réponse à cela.
Simplement, cet ouvrage plein de suspense et au ton juste, est un bon moment de lecture.