Cette nouvelle célèbre que l'on peut trouver aussi dans l'intégrale des « Nouvelles » publiées chez Stock, raconte l'histoire d'un faux écrivain, gigolo et homosexuel raté.
L'infortuné Raoul Duquette, 26 ans. Il s'adresse au lecteur avec beaucoup d'auto-suffisance, mâtinée d'ironie et de dérision. Le garçon se moque de lui-même tout en se prenant au sérieux, et l'ambiguïté du ton est telle qu'on ne sait jamais jusqu'à quel point.
« Réellement, je ne crois pas à l'âme humaine, je n'y ai jamais cru. J'ai la conviction quel les gens sont comme des valises ;remplies de choses diverses, elles sont expédiées, jusqu'à ce qu'enfin, l'Ultime Porteur les jette dans l'Ultime Train, et qu'elles roulent au loin dans un bruit de ferraille... »
Le narrateur se tient dans un petit café pas cher, à Paris dont il décrit la clientèle, et les allées et venues du serveur avec autant de brio que ses états d'âme et ses sentences farfelues.
« Croyez-vous que chaque endroit ait son heure du jour, pendant laquelle il prend vie? Ce n'est pas là tout à fait ce que je veux dire; c'est plutôt ceci : il semble qu'en réalité il y ait un moment où vous sentez que vous arrivez par hasard sur la scène, à la minute exacte où vous y étiez attendu : tout est préparé, en suspens... »
Sur un coin de table, il écrit de petites phrases qu'il sait être assez mauvaises, parce qu'un jour il a repéré un dessous de main sur lequel était écrit « je ne parle pas français », phrase qui, comme la madeleine de Proust, fait déferler des réminiscences.
Ce détail a fait remonter en lui des souvenirs d'enfance sous la forme d'une blanchisseuse noire qui le caressait régulièrement, en échange d'une pâtisserie. La première « qui ne parlait pas français ».
la deuxième ce fut une jeune anglaise « Mouse » de laquelle il s'est vengé de l'humiliation que lui faisait subir son ami Dick, qui le trait comme un « fox-terrier » .
Il précise son ambiguïté sexuelle avec un autoportrait « petit mince peau olivâtre, yeux noirs aux longs cils... petites dents cariées... on m'a dit « vous avez des mains à faire des pâtisseries fines... je suis assez charmant, grassouillet, presque comme une fille.. »
Avant de nous conter par le menu, son histoire avec les deux Anglais, il commence son autobiographie et se met en scène dans un petit appartement à un cinquième étage, censé devenir écrivain sans y croire plus qu'à présent. Il fait des dettes, tâche de se produire dans des endroits à la mode, réussit à publier des textes aux noms évocateurs « Fausse monnaie » ; « Erreurs de porte »...
C'est un texte assez loufoque, Raoul s'y met en scène tantôt comme écrivain, nous gratifiant d'histoires qu'il invente ( parfois il demande au lecteur si le texte lui plaît), tantôt comme narrateur de sa propre vie, mélangeant fiction et réalité ainsi que le présent et le passé, et les différentes époques du passé, les pensées et les actions, le tout forme un monologue savamment décousu, tantôt cocasse tantôt triste, vif, et elliptique , en tout cas très original.
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