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11 août 2006 5 11 /08 /août /2006 12:48

  Cette nouvelle est incluse dans le recueil " Les Armes secrètes"


Vous pourrez aussi la lire séparémenr dans la collection de poche Folio- 2 euros

 

 

       Bruno est le biographe de Johnny saxophoniste de jazz, suicidaire et victime d’hallucinations. C’est le récit de l’impossible dialogue entre le critique  et l’artiste, et de tous les malentendus  qu’ils endurent.

 

«  Ce que je pense est au-dessous du plan où le pauvre Johnny essaie d’avancer avec ses phrases tronquées, ses soupirs, ses rages soudaines et ses pleurs… il est la bouche, lui, et moi l’oreille…tout critique, hélas est le triste aboutissement de quelque chose ».

 

L’artiste lui, se situe toujours dans les commencements.

 

Cependant Bruno va tenter d’appréhender la quête musicale de Johnny  avec des mots que ce dernier ne pourra que critiquer. Cet entretien infini et impossible prend place dans la vie quotidienne de Johnny, vie déréglée, précaire, chaotique, pleine de drogue d’alcool et de séjour psychiatriques avec de fréquent changement de compagne de vie, comportements de destruction   il détruit parfois son saxo quand il ne l’abandonne pas plus ou moins volontairement  sans pouvoir le retrouver; on doit toujours lui procurer un nouvel instrument à la dernière minute ; parfois il joue très bien mais s’éclipse avant la fin du concert ou de l’enregistrement, parfois il refuse de jouer etc… tous ces détails peu surprenants d’ailleurs sont consignés et  répétés par Bruno, qui ressent les évolutions de  la création difficile que Johnny  ressent comme ratée.   En écho le biographe évoque parfois en deux ou trois phrases de dérision sa propre vie bourgeoise et bien réglée.

 

Placer ses histoires dans la réalité quotidienne la plus banale et y faire pointer l’étrange ( parfois l’on  peut opter pour le surnaturel mais rien ne l’entérine à priori) qui envahit progressivement tout le paysage, est un des secrets de la réussite de l’auteur et de l’attachement immédiat que l’on éprouve à la lecture de textes qui ne sont pas d’une lecture facile si l’on veut  y porter toute l’attention qu’ils méritent.

 

Ici l’élément « fantastique » ce sont les impressions de Johnny ses voyages dans un imaginaire qu’il éprouve comme réel et  que la musique lui a apportée (décalages et distorsions dans  sa perception de la temporalité). Bruno tente de traduire ses propos confus en un langage de critique musicale « politiquement correct » :

 

« Johnny a abandonné le langage hot- en vigueur jusque dans les années 40-parce que ce langage violemment érotique était trop passif pour lui. Chez lui le désir s’oppose au plaisir et l’en frustre parce que le désir le pousse à aller de l’avant, à chercher  et l’empêche de considérer comme des audaces les trouvailles de jazz traditionnel …

 

De telles phrases provoquent le fou rire, l’irritation ou la colère du créateur  qui lui ,n’a pas de démarche rationnelle ni de conception esthétique, ne sachant qu’une chose : que sa musique lui a changé la vie pour le pire surtout, rarement pour le meilleur :«  sûr de quoi, dis-moi un peu, alors  que moi, pauvre diable pestiféré j’avais assez de conscience pour sentir que le monde n’était qu’une gelée, que tout tremblait autour de nous et qu’il suffisait de faire un peu attention, de s’écouter un peu de se taire un peu, pour découvrir les trous ».

 

Johnny a un avantage et un inconvénient sur la plupart des  artistes : il ne s’est jamais pris pour un personnage important, n’est pas entré dans le jeu de ses admirateurs. Il leur a résisté.

 

 Dans cette résistance pourtant, on  soupçonne que Johnny n’a pu éviter le piège : il est entré dans le jeu de Bruno, négativement, jouant les artistes maudits à sa manière,  faisant tout pour gâcher son art..

 

 Ainsi résiste t’il à son biographe, maladroitement mais non sans se faire un peu entendre jusqu’à ce que Bruno finisse par douter réellement de lui : Johnny n’est qu’un pauvre type, faillible et même pas bon musicien, un pauvre diable, une victime lâche et souffreteuse.

 

Puis Bruno se reprend :  la musique de Johnny est géniale, bien sûr, « un jazz qui se situe sur un plan apparemment désincarné où la musique se meut enfin en toute liberté comme la peinture délivrée du représentatif peut enfin n’être que peinture…cette musique que J’aimerais pouvoir qualifier de métaphysique, Johnny semble vouloir l’utiliser pour s’explorer lui-même pour mordre à la réalité qui lui échappe un peu plus tous les jours »

 

Sans parvenir à donner de lui en tant qu’homme une image avantageuse.

 

   Ces deux personnes n’en font qu’une, finit-on par penser : c’est l’écrivain lui-même qui  se débat avec ses intuitions qu’il doit se résoudre à rédiger non sans les déformer, non sans se trahir. C’est la vie qu’il mène imaginairement comme personnage, en face de sa réalité bourgeoise et bien réglée qui compte si peu pour lui qu’il l’évoque de temps à autre avec une  ironie désenchantée. L’existence de Johnny  dans laquelle il  tente d’intervenir est bien plus réelle. Et lorsque Johnny meurt, faute d’être juste, le livre de Bruno a quelque chose d’un achèvement.

 

Dans ces conditions, le créateur et celui qui tente d’interpréter sa propre pensée n’est jamais le même et jamais tout à fait un autre.

 

 

 

On vérifie cette intuition dans la nouvelle suivante qui donne son titre au recueil «  Les Armes secrètes » : un homme qui vient de rencontrer une jeune femme qui compte pour lui, commence à ressentir les intrusions d’une conscience qu’il ne connaît pas et qui prend partiellement  de la place au point qu’il ne peut plus le repousser. Cette conscience appartenait au précédent amant de la jeune femme lequel n’était pas précisément un ami…

 

 

 

 

 

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