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25 août 2006 5 25 /08 /août /2006 21:00
TOUS les feux le feu . 1966 .
 Nous avons huit nouvelles : le titre fait référence aux deux nouvelles en contrepoint qui s’annulent l’une l’autre dans une incendie.
 
Toutes les nouvelles jouent sur deux séries qui s’opposent et se rejoignent : deux vies, deux personnages, deux espaces, 2 récits différents
 
 
L’Autoroute du sud.
 
Cette nouvelle a été adaptée au cinéma par Ettore Scola sous le titre «  Le Grand embouteillage ».
 
Le changement de vie : des automobilistes immobilisés sur une autoroute recréent une société, forment une communauté, reproduisent une organisation sociopolitique. Le personnage principal dit «  l’ingénieur de la 404 » représente le point de vue dominant.
Bientôt les personnages sont identifiés à leurs véhicules. «  Dauphine » « Taunus » ( c’est le chef) « simca » . Où en référence à leur âge : «  les vieux de la DS » ou à la religion «  les bonnes sœurs de la 2CV »
 
Des événements essentiels se produisent de ceux qui contribuent à souder une communauté : des décès ( le suicidé de la caravelle) ; des repas, ; des échanges de véhicules/domiciles.
 
Le cadre devient anachronique lorsque survient la première neige sur cette autoroute de retour de vacances. On commence à assurer la circulation des biens grâce à « La Porsche », dont le propriétaire a des relations avec l’extérieur au départ et de ce fait organise une activité commerciale au sein du groupe.
 
 Le temps subit des distorsions importantes puisque plusieurs saisons se succèdent en vingt-quatre heures qui sont vécues comme de longues périodes de temps.
 
Et puis, le « bouchon » cesse, les autos repartent, la vie recommence : les occupants des véhicules veulent croire que c’était un rêve sauf l’ »ingénieur de la 404 » qui croit bien avoir procréé.
 
2) La Santé des malades.
 
L’humour noir y est prédominent, davantage encore que dans la précédente : Il s’agit aussi d’une situation courante mais pathologique. Les membres d ‘une famille entretiennent la vie de leurs morts par discours lettres et pensées. Les vivants sont les vrais morts. Dans cet univers carcéral, quitter la mère, c’est mourir : (Ceux qui ont quitté la maison familiale succombent à des accidents) Alexandre le fils, ayant terminé ses études, a pris un avion pour Buenos Aires où l’attend une bonne situation. L’avion s’écrase sans survivants…
L’agencement ingénieux du récit c’est de le débuter sur Célia qui va mourir puis de faire un long flash-back sur Alexandre.
On a caché à maman ( diabétique, dépressive) la mort d’Alexandre qu’elle n’aurait pas supporté de savoir. Garder le mort en vie pour la mère, se révèle un avantage : Charles prend la place de son frère plus brillant …et mort. Maintenant il faut lui dissimuler la mort de Célia dont les malaises et le passage de vie à trépas sont évoqués entre parenthèse ou par petites phrases rapides pour laisser place au grand jeu : comment maintenir une morte de plus en vie pour maman ?
Les filles se racontent à l’envi «  la vie des morts » qu’elles inventent pour en faire le récit à maman. Il y a aussi ces lettres innombrables que les vivants doivent écrire pour en faire la lecture à maman et qui remplacent les visites que les morts remettent toujours à plus tard grâce à d’ingénieux prétextes. C’est aussi ce que fait l’écrivain avec ses personnages pour le lecteur. La création littéraire est souvent montrée dans ces situations apparemment sans rapport.
C’est un thème fréquent et on l’exploite pour montrer que le « disparu » dont on veut cacher le décès par égard pour quelqu’un  n’est mort pour personne surtout pas pour les mystificateurs, très heureux de maintenir sa présence ! On se souvient du film «  Good Bye Lenin » où c’est la chute du mur de Berlin qui est cachée à la mère  dont la santé chancelante ne pourrait le supporter… à grennd renforts de moyens audio-visuels sophistiqués ; plus récemment, on pourrait aussi évoquer le film de Julie Bertuccelli «  Depuis qu’Otar est parti » qui exploite le même thème avec autant de talent que Cortazar me semble t’il.
 
La pointe qui clôt le récit est l’une des meilleures jamais trouvées.  L’une des filles survivantes reçoit une lettre d’Alexandre ( écrite à l’intention de maman par son frère sa sœur ou elle ) la lettre d’un mort qui s’adresse à une morte puisque maman elle aussi s’est éteinte, rendant inutile la comédie qu’ils se jouaient . Mais comment vivre si les morts doivent être vraiment morts ?
Aussi la jeune femme qui reçoit la lettre se demande spontanément : «  comment annoncer à Alexandre la mort de maman ? »
 
 
3) Réunion : le narrateur de l’histoire est supposé être Che Guevara non nommé, mais parfaitement reconnaissable.
En 1958, ils prennent le pouvoir à Cuba, renversant Battista avec Castro ( «  Luis dont personne ne peut porter le masque »). L’accent est mis sur l’enthousiasme révolutionnaire dû à la jouissance de faire la guerre, de risquer sa vie,  comme un jeu, à la solidarité au sein du groupe. Des thèmes peu pratiqués jusque là par Cortazar mais qui témoigne  d’une époque où l’auteur amalgame esthétisme et dénonciation sociale et envisage la littérature comme un acte révolutionnaire. Toutefois, des idées, un programme éthique sérieux, est revendiqué. Méditation sur le « quatuor « La Chasse » de Mozart en contemplant des feuilles d’arbres, un lyrisme qu’ à priori je n’aurais pas  prêté à Guevara mais la nouvelle est inspiré de son livre « passage de la guerre révolutionnaire ».
 
4) Mlle Cora
 
Plusieurs monologues et dialogues se succèdent sans transition, ponctuation ni incises et reviennent de l’un à l’autre. Les locuteurs ne se présentent pas de sorte qu’on a l’impression de surprendre des bribes de pensées ou de conversation.
Un adolescent hospitalisé se rapporte la relation qu’il a avec son infirmière Mlle Cora en le commentant. Elle fait de même. Ils se répondent imaginairement sans s’entendre. La communication est d’une nature particulière puisque les paroles qu’ils ont échangées ne sont qu’évoquées. Et peut-être ne se sont-ils rien dit en réalité.  Secondairement, on lit aussi des paroles et des transcriptions de pensées attribuables à d’autres personnages : des chirurgiens dont l’un est lié à Mlle Cora, la mère de l’adolescent…
Cette manière de transcrire le discours donne lieu à des ambiguïtés
Intéressantes.
Mais je ne vois pas la nécessité de faire mourir l’enfant : ceci n’a rien à voir avec le but recherché : témoigner d’une certaine forme de communication.
 
5) L’île  à Midi. Vie monotone Ennuyeuse, autre vie entrevue par un hublot : fantasme. Il arrive si vite qu’il en meurt. Impression que l’avion n’est pas tombé par hasard mais par l’effet de la volonté du narrateur.
 
6) Directives pour John Howell est une variation sur le « Paradoxe du comédien » . Fiction jeu et réalité. Où l’on est un autre personnage. Doubles l’acteur improvisé et le principal. Rice est le vrai nom du personnage et Howell celui de l’acteur. L or qu’ils se rejoignent à la fin, on pense qu’ils se prennent l’un pour l’autre et pourraient se détruire.
 
 
 
7) Tous les feux le feu
Deux histoires en contrepoint. Comme chez « Mlle Cora », les paroles de deux personnages.
A) A Rome, un empereur, mari jaloux , une femme , un gladiateur séduisant que le jaloux va sacrifier.
B) De nos jours, un ménage à trois, même histoire, même déroulement. Les deux histoires prennent le relais l’une de l’autre sans transition apparente mais le parallélisme est évident. Les victimes se succèdent dans le même ordre : le jaloux, le troisième qui n’en peut mais. Et l’incendie qui éclate dans chaque histoire fait flamber les deux récits ensemble et mourir les personnages restants.
8) L’Autre ciel.
 
Les deux hémisphères. Deux lieux, deux vies pour le narrateur qui s’ennuie à Buenos Aires, et, chaque fois qu’il emprunte le passage Guèmes, se retrouve à Paris avec Josiane, menant une existence passionnante à la poursuite du fantôme de Lautréamont. Cf la citation en exergue.
Rue Vivienne, le quartier où vivait l’auteur des « Chants » , il retrouve Josiane, quand il se lasse de son épouse à Buenos Aires. Ce pourrait être une histoire qu’il se raconte mais il la présente comme vraie : au-delà du passage de Guèmes, c’est l’univers du fantasme : Josiane est une prostituée amie, elle est plus excitante que l’épouse ( Schéma classique…) et autour d’elle rôdent des personnages ambigus haut en couleurs plus ou moins hors-la loi. L’existence magique commence donc à Paris, toujours à la nuit tombante, dans des bars mal famés ; un serial killer hante le coin. Il a tué des femmes, et ne peut être que Maldoror, suivant l’étroite communication que le narrateur entretient avec les « Chants ». Josiane et lui croisent plusieurs fois un individu qui leur paraît louche et intéressant à la fois. Ce pourrait être le tueur, ou un observateur fasciné une sorte de double du narrateur : et bien sûr, il est Isidore Ducasse, non nommé mais reconnaissable ce qu’on dit de lui ressemble au peu que l’on en sait, dans la fiction. Et un jour, le tueur est pris, et l’étrange individu disparaît. Ne faisait-il qu’un avec le tueur ?
Puis c’est toute l’histoire qui s’effiloche : Josiane quitte le quartier, le narrateur doit renoncer à son rêve éveillé…
la rencontre de Cortazar avec Lautréamont est fort intéressante. Si l'on ne devait lire qu'une seule de ces nouvelles, on pourrait peut-être choisir celle-là.
 
Lisez  aussi l'article du Dr Orlof que je viens de trouver ! Passionnant...
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