Un jour de 1850 sur une plage de Nouvelle-Zélande débarque Ada, jeune femme célibataire au visage livide, aux lèvres minces et serrées, aux impeccables bandeaux de cheveux noirs très « Bovary » : « Son cou sortait d’un col blanc rabattu, ses cheveux, dont les deux bandeaux noirs semblaient chacun d’un seul morceau tant ils étaient lisses étaient séparés sur le milieu de la tête par une raie fine , qui s’enfonçaient légèrement selon la courbe du crâne… »Tressés sobrement sur l’arrière de la tête en un chignon ondé.
Célibataire et mère d’une fillette de six-huit ans, Flora. Célibataire et muette. Depuis le « Médecin malgré lui » on sait que derrière le mutisme y’a plein de non-dit.
Muette depuis toujours mais pas sourde. Elle sait communiquer par gestes avec Flora.
Muette, mère et célibataire mais plus pour longtemps. On l’a expédiée aux îles pour épouser Stewart, colon anglais qu’elle ne connaît pas encore. Elle l’épouse et ne le connaît pas davantage. Il a tout l’air d’être impuissant. Il ne s’occupe pas non plus du piano qu’Ada, interprète accomplie, a emmené dans ses bagages. Elle se le fait transporter par Bairnes, un autre colon, bien installé, tatoué, et qui fraye avec les habitants.
Les indigènes. Ah, mon Dieu ! Comme ils ont bien campés ! A les voir je me croyais entrain de feuilleter «Tout l’univers » ce magazine auquel on m’avait abonnée à la grande école pour mon édification culturelle.
Et la Nature, donc ! Les vagues, les déferlantes, les forêts spongieuses, les grands arbres, les Eléments… Bairnes a ce côté un peu sauvage auquel une Victorienne ne saurait résister bien longtemps. Même et surtout si elle a la trempe d’Ada. Stewart vend le piano à Bairnes, lequel en profite pour proposer à Ada de le lui rendre en échange d’un commerce sexuel sous couvert de leçons de musique. Timide au début, elle ne tarde pas à desserrer son corset. Le héros a des pectoraux rebondis, des bourrelets de graisse aux hanches, les fesses avachies. On pense devoir y saisir un message de la réalisatrice « Non je ne sacrifierai pas à la facilité, je vous montrerais l’homme naturel avec tous ses défauts et non ces images de magazines de pub ». ça se défend, n’empêche je ne suis pas convaincue. Les beaux mecs existent ailleurs que dans les magazines de pub. On en voit dans le métro l’air de rien, on en voit partout. Ada, elle, n’a pas le choix. Il n’y a que cet homme là dans les environs, donc elle prend. Peut-être en pince t’elle pour les tatouages ? L’homme au visage à pelure d’orange n’en manque pas. Elle regagne son piano touche par touche, et finit même par débaucher son propre mari que l’on croyait « Findus ». Il faut dire que là-bas la Démesure règne : lorsque les enfants de l’école de Flora montent un spectacle de Barbe Bleue aidés par leurs institutrices, les spectateurs ( à moitié « Sauvages ») prennent le spectacle au sérieux et envahissent la scène malmenant un peu tout le monde, en hurlant des messages incompréhensibles. Message de la réalisatrice : « Dans ce monde élémentaire les passions se déchaînent » Ada est amoureuse de Bairnes son mari devient jaloux et lui tranche un doigt le majeur de la main droite . Ce doigt là à quoi peut-il servir en priorité ? A frapper des touches A faire une touche ? Où encore… ? Bref notre héroïne quitte la NouvelleZélande avec son majeur en moins et son amant en plus. Elle envoie son piano valdinguer par-dessus bord, et manque se noyer avec. On en rajoute façon pathos. Retour à la vie. Bairnes lui a acheté un nouveau piano, elle apprend à parler toute seule et donne des concerts avec un doigt métallique : « ça me singularise » dit-elle. Le film en aurait bien besoin.