25 septembre 2006
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Les années 80 se terminent : à l’école que fréquentent mes enfants, un
petit garçon s’appelle Dylan. Je demande à sa mère si c’est à cause du chanteur qu’elle l’a ainsi nommé.
« Quel chanteur ? » me répond-elle avec stupéfaction.
Je me sens intimidée. Alors lui dis-je, à voix basse, vous avez pensé à Dylan Stark le valeureux soldat sang mêlé pendant la guerre de Sécession, héros que
l’infatigable Pierre Pelot reconduit vaillamment sur plusieurs romans historiques ?
Non, celui-là elle ne le connaît pas non plus. Elle m’explique quelque chose à propos d’une bande dessinée...
C’est une époque troublée. Mon fils aîné veut absolument un blouson de 600 fr qu’on ne peut pas payer et sans lequel il ne lui est manifestement plus possible de
vivre. Il porte des tee-shirts noirs avec pour décor de sinistres individus qui boivent dans des crânes, ou des signes obscurs. On croit y reconnaître la croix gammée. Il ne porte pas l’uniforme
spécifique « hard rock » peut-être le souhaite t’il ? mais un foulard gris sombre semé de têtes de mort. Je l’ai gardé pour m’en couvrir la tête à l’occasion d’une manifestation contre le port du
voile islamique. La circonstance a manqué.
Le son qui envahit le premier étage est signé Metallica, Anthrax, Scorpions, les Kinks et Judas Priest (ces derniers ont sans doute pris leur nom dans une chanson
de Dylan mais la musique n’a rien de commun). Ceux-là nous paraissent très agressifs mais d’une façon primaire.
Moi je continue à écouter Dylan dans mon coin. Chaque membre de la famille est pourvu d’un walkman, bientôt les lecteurs de CD arrivent.
Un scribouillard excité, dans Télérama, me convainc de me procurer les Bootlegs et c’était un bon legs en effet pour ce qui est du premier disque. Assez de bonnes
chansons pour faire un disque de « protest-songs » supplémentaires tout aussi bonnes que les premières. Cela nous ramenait aux débuts. Le même journaliste réussit à me faire acheter dans la
foulée Oh Mercy, malgré le titre qui ne me disait rien de bon. Et j’ai regretté cet autre achat.
Tout au plus dans ce « Oh Mercy » me suis-je fait la réflexion à propos d’ « Everything is broken » où le chanteur répète « broken » avec
insistance en énumérant une somme considérables de choses qui auraient subi ce dommage, que c’était la voix de Dylan qui était « broken » ; elle l’était de fait et pour la première fois je
l’entendais ainsi. L’homme avec qui il avait travaillé pour ce disque avait œuvré pour que cette broken voice soit entourée d’un son et d’une atmosphère qui, sans vraiment masquer la
défectuosité, la rendent plausible. Le résultat c’est que le chanteur avait l’air d’enregistrer à cent pieds sous terre dans un caveau avec une voix d’outre-tombe. Lui donner l’esthétique d’une
sorte de fantôme, c’était sûrement le pari de Daniel Lanois ( dont Dylan parle beaucoup). Et ce n’était pas une mauvaise idée. Daniel Lanois avait sûrement ressenti le côté unheimlich. Sauf que
Dylan gâche l’entreprise parce que ses textes puent la bondieuserie et la morale à bon marché. Et ce sera presque toujours comme cela à l’avenir, quoique les journalistes ou certains fans
aveuglés aient pu prétendre.
« Good as I Been To You » un album de chansons folkloriques avec juste la guitare. Ce n’est pas mal, sauf que Dylan a perdu sa voix, qui était déjà bien
fragile. Il y a des gens que ça émeut, moi pas.
La toute dernière, la comptine « Frog Went-A-Courting » m’enchante. Je me dis aussi que la dernière phrase « If you want any more, then sing it
yourself » est le chant du cygne.