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14 octobre 2006 6 14 /10 /octobre /2006 08:39
RDV-16.jpgL’implicite ménage à trois :

Deux hommes très liés que tourmente une homosexualité latente : l’un a une amie dont il impose la présence à l’autre. Elle   leur sert de rempart et /ou prétexte …le thème est illustré tragiquement dans le « Château d’Argol » ,  premier roman de Julien Gracq.
Le thème est également présent dans « Le Roi Cophétua »traité d’une manière plus distanciée. Delvaux le reprend dans «  Rendez-vous à Bray » : ce qui ressort des flash-back , souvenirs de Julien, c'est que Jacques voulait partager Odile avec Julien. Ce dernier refuse les compromis. Alors Jacques lui « offre » une nuit avec sa maîtresse, la mise en scène étant orchestrée pour qu’il   se rende à La Fougeraie, croyant y rencontrer Jacques. A prendre lentement conscience que le rendez-vous sera différent de ce qu’il attendait,  
Le jeune homme n’a d’autre choix que jouer le jeu prévu. Un jeu qui se présente sous la forme d’un rituel initiatique finalement   insatisfaisant. Jacques se rappelle à lui par les cadeaux qui lui sont présentés, un nocturne composé pour lui, des photographies disposées avec goût, un repas dont les ingrédients sont ses plats préféré, et une femme avec qui il sera seul en apparence seulement puisque Jacques ne peut cesser d’être présent à son esprit.
Mort ? Vivant ? Rôdant aux alentours ? Maître du jeu en tout cas.

 
L’élément musical : c’est la musique et d’une manière générale toutes les harmoniques, qui unit Jacques et Julien et font que Julien accepte de jouer le jeu que Jacques invente pour lui. Jeu, dont Jacques apparaît comme non seulement le maître d’œuvre mais le voyeur d’un spectacle qu’il a lui-même imaginé. 
 
André Delvaux a mis en scène un personnage réellement musicien pour que compte l’écoute de divers morceaux de musique : de la musique classique, mais aussi des comptines( celle que Julien entend chanter par la petite fille de sa logeuse avant de quitter Paris), des énumérations de noms propres faites avec Jacques autrefois, qui scellaient leur amitié , de la musique populaire( Julien la jouait dans les cinémas) qui les sépare, Julien étant seul à l’aimer..
 Toutes ces musiques, outre les nombreux flash-back, nous renseignent sur les pensées de Julien davantage qu’une voix off.
Ce choix témoigne de la volonté du réalisateur de s’affranchir du texte de référence ( la nouvelle de Julien Gracq). Les aller et retour entre les pensées de Julien et  sa situation actuelle sont habilement distribués : la demeure de La Fougeraie, la mystérieuse jeune femme , l’absence de Jacques, prennent  une force obsédante.
 
 
 
 La  présence d'un récit d'apprentissage.

A revoir le film dont la mise en scène est très sophistiquée, on en apprécie toujours autant la beauté plastique mais le charme mystérieux de la première fois s’évapore au profit d’une  nouvelle appréhension du film comme  porteur d’une violence à quoi on n’avait pas prêté attention. D’une violence forte et d’un réalisme imprévu.
Les relations de Julien avec son entourage sont très conflictuelles : presque tous ses souvenirs avec Jacques et Odile se terminent par des scènes ; Julien se voit conspué par Jacques de sacrifier son talent à jouer du piano dans les cinémas ; il accepte  de donner un récital chez les Hausmann, de grands bourgeois qui ont une allure «  clan Verdurin » et repousse les avances de la maîtresse de maison avec un humour froid avant d’envoyer à la tête du maître de maison le verre de champagne qu’il lui tend et les billets de banque ( non dissimulés dans une enveloppe).
C’est une dimension « roman d’éducation » qui   est absente   du récit de  Julien Gracq.
L’ouverture du film nous montre Julien entrer dans l’imprimerie où l’on réalise la revue musicale pour laquelle il travaille et se faire admonester par le directeur de la revue. Qui lui reproche de ne pas faire la guerre de n’avoir pas d’opinions politiques, de ne pas savoir écrire un article, et de chercher à dévoyer Jacques «  Vraiment monsieur Nueil a le temps de vous voir ? » phrase qui a aussi le mérite d’introduire le premier doute dont on se souviendra par la suite sur le peu de vraisemblance du prétendu rendez-vous.
 
Julien ne participe pas au conflit parce qu’il vient d’un pays neutre mais avec son accent allemand, il ne sait trop pour qui on le prend et doit passer son temps à se justifier de ne pas faire la guerre : comme Jacques s’est engagé avec enthousiasme «  est allé à la guerre comme à une fête » Julien cherche, pour chaque interlocuteur, à se disculper d’être resté là à «  faire de la musique ».   
 Des évocations de Julien  on aurait tort aussi de ne pas relever  les scènes comiques : Odile ( Bulle Ogier) debout avec une assiette pleine de victuailles, tentant vainement de porter quelque aliment à sa bouche tout en relevant d’une main malhabile la bretelle de sa robe décolletée.

 
  Conclusion : 
A la deuxième projection je  perçois moins le « réalisme magique » et davantage de réalisme tout court. Je m’intéresse plus spécialement à l’ambiguïté des personnages et des situations, au comique, et à l’ironie, et  trouve moins étrange l'atmosphère. L’extrait de Fantômas est assez comique. Comment ces vielles histoires pourraient-elles encore nous inquiéter ? Et la façon dont Bulle Ogier raconte les épisodes ( en se trompant) amuse aussi.
Julien est un jeune idéaliste qui doit perdre ses illusions, il évoque presque autant Julien Sorel que Julien Gracq.
 
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