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18 juin 2009 4 18 /06 /juin /2009 22:44

Rodolphe tient un blog dans la catégorie « pêche chasse tradition et nouvelles technologies »
Il échange des conseils pratiques avec des hommes, vit d'une rente  et de spéculations boursières vaseuses. Mais sur le Net, sa  tâche est de rechercher des informations pour une bande de délinquants spécialisés dans le pillage et dévalisage des grandes maisons bourgeoises.
 Emeline du blog Miss Eve  est  intarissables sur ses amies friquées et les propriétés qu’elles occupent.
Il devient un pilier de ce blog,  et découvre qu’elle n’invente rien.
 Habilement, il lui fait raconter ce qu’il veut savoir : les adresse exactes des ces femmes, comment fonctionnent les systèmes de sécurité, s’il y a des chiens, les habitudes des propriétaires, quand ils se cassent, et pour combien de temps, les objets possédés qui risquent de valoir le coup d’une visite.
Il a rancardé ses complices. Ils  ne savent pas encore  dans quelle mesure ils vont pouvoir opérer, et s’il aura un pourcentage.
En attendant,  Il s’est dit Après tout  je pourrais bien me taper Miss Eve alias Emeline si elle en vaut la peine... elle ne demande que ça, non?


  
Il lui a envoyé sa photo:  en tenue de chasse, dans une forêt, au crépuscule. L’a arrangée. Avec un chapeau et un rien de poil de barbe de trois jours, comme ça se fait maintenant. Emma n’a rien envoyé du tout.   Tant pis s’est dit Rodolphe, gare Saint-Lézard c’est à deux pas de chez moi.
Quinze heures à L’Oiseau-mouche : l’heure du déjeuner sera passée. Une petite consommation fera l’affaire si la dame lui sied.  Sinon, elle peut aller au diable.
Il a noté qu’elle tiendrait un gros roman, «  Rendez-vous » d'Angot. Rodolphe lui, aura  le Figaro du jour.
 

 


 

Xanthium intervient sur le forum Démobloguigne : Politique-société-culture-et plus-si-affinités.
Il a conversé avec Emma devenue Hermine pour l’occasion. Ils ont  entamé une correspondance déjantée. Sur le forum, Emma ne savait pas si Xanthium était un homme ou une femme.Par mail elle a su qu’il était mâle.
Elle a été soulagée d’apprendre qu’il ne savait pas vraiment le latin. Il a  une année de Droit raté, deux d' Art Plastique, et du journalisme dans toutes les rubriques possibles et imaginables.
 Xanthium, c’est pour pointer qu’il appartient à l’espèce « mauvaise herbe. Je suis d’la mauvaise herbe braves gens. Il lui envoie régulièrement des  textes dans quoi il déploie une activité narrative intense, décousue,  avec  dix huit  fautes de frappe dont il est fier : ce sont les siennes, elles reviennent régulièrement et lui donnent un style incomparable.  Il n’y a pas eu de gêne. Ils se sont envoyés leurs photos et  ne se déplaisent pas trop en image. Emma a eu soin de choisir un cliché ancien. Le rendez-vous est  à 16 heures  au Départ, rue du Rocher de Moïse.
Emma  n’espère pas  faire d’une pierre trois coups. Mais un, peut-être.
    La bloggueuse aux trois rendez-vous est arrivée  Gare Saint-Lézard, en face du Monument aux Morts à onze heures.

 

Léon s’est fait porter malade au collège, ça lui arrive, personne ne s’étonnera.
C’est moche et pas romantique, la gare St Lézard, cependant pour Emma  la grande ville  a du charme.
Ils  ne savent pas trop leurs âges. Léon–Lionel s’est rajeuni de six ans et Emma n’a pas abordé le sujet, mais il sait qu'elle a une progéniture, d'au moins vingt ans,
Léa, sa grande fille très casse-pied.
 Emma et Léon se sont échangé des photos  : lui est tourné presque de dos devant une fenêtre ouverte, vêtu d’une sorte de vêtement flottant ; Emma a envoyé une photo de face mais pas récente.
C’est qu’ils ne veulent pas avoir l’air de draguer.
Emma a précisé qu’elle était auburn ( elle s’est refait un henné convenable sur ses cheveux bruns ) elle a soigné son maquillage ; porte un tailleur pantalon noir ; outre ces précisions elle sera reconnaissable au roman «  Rendez-vous » de Christine Angot, qu’elle tiendra  contre sa poitrine.  Elle vient de le dévorer et  se le récite en boucle. Léon sera en jean et chemisette ; lui aussi aura un roman dans les mains. Ce sera «  l’omelette au sucre » de Philippe Arroud-Vignaud qu’il fait lire à ses élèves. Léon  estime que  c’est bien pour se reconnaître à coup sûr. Personne ne risque de se trouver en même temps que lui, à son âge, avec ce petit bouquin pour les mômes en face du Monument aux Morts.
   

 

Emma n’a pas pu fumer puisqu'elle a pris le train et la voilà durement stressée.


  Il est dix heures trente, elle pense à la vague description que Lionel a faite de lui, en grillant des Lucky Strike. Il sera grand avec un polo bleu ( grand ça veut dire combien ? Les hommes sont  tellement vantards!) et un jean : il aurait pu mettre une chemise !   
Elle essaie de se rappeler quel livre il doit avoir entre les mains mais ce n’est pas un titre qu’on remet aisément ; c’est un livre qu’on fait étudier aux élèves. Les Lettres de Son Moulin ?
Dans son grand sac à main elle a coincé Rendez-vous ; si Lionel n’a pas bonne mine, pas question qu’elle l’aborde et lui donne les moyens de la reconnaître.

Devant le Monument quelques hommes attendent. Un grand gaillard avec un nez semi-Cyrano, la mine ennuyée, vêtu d’un pull informe et de souliers empoussiérés.  Le pull disgracieux n’empêche pas d’apercevoir une brioche qui pointe. Un autre homme exténué en imperméable qui regarde sa montre de plongée (il n’est même pas onze heures…) ; celui-là est mince mais il n’a pas trois poils sur le caillou. Un cartable. Ouais un cartable, ça pourrait être ça. Le troisième c’est quasiment monsieur Bidochon. Tous les trois ont en main des livres de poche avec des titres peu évocateurs, même le Bidochon. Quand on dit que les hommes ne lisent pas… mais voilà que Bidochon s’approche d’elle et Emma prend le large à grands pas ... elle se retrouve dans la rue d’Amsterdam et entre dans une "turquerie" . C’est du moins le nom qu’elle croit pouvoir donner à ce  petit boui- boui bruyant et enfumé. Elle se traite de sotte. Le Bidochon ne pouvait être Lionel, et peut-être voulait-il seulement savoir l’heure. Les autres, après tout… elle commande un kebab et commence à grignoter sans entrain.  

 

 

Léon est arrivé à la gare avec une heure d’avance , « l’Omelette au sucre » sous le bras, et s’est dit que cette omelette c’était pratique pour la reconnaissance mais ne le mettait guère en valeur.
Comment a t’il pu imaginer qu’il oserait aborder Emeline avec l’Omelette au sucre ? Sans compter le reste de sa personne à quoi il n’attribue pas trop de crédit.
Après un stage d’observation au Relay H. il a acheté  un Chandler, Le Passager de la pluie, et  se sent un peu plus à l’aise.
Arpentage de la gare et des rues avoisinantes.
S’approche de l’endroit susdit à onze heures pile. Plusieurs femmes sont là ; elles ont toutes le même gros bouquin «  Rendez-vous » avec elles. L’une a  des cheveux presque rouges trois mètres cube de fond de teint, un air égrillard, et un surpoids évident : si c’est l’idée qu’Emeline se fait de l’élégance ! À la campagne, je veux bien… La seconde pourrait avoir quatre-vingt ans, c’est une charmante petite dame fragile et enjouée  mais Emeline pourrait-elle l’avoir trompé à ce point ? Puis la troisième ; très maigre totalement dépourvue d’appâts, longs cheveux grisâtre qui dégoulinent de façon terne ; sans âge.
Bon, se dit Léon qu’on en finisse, je ne peux pas  aborder l'une de ces trois là !  mais qu’est-ce qu’elle ont toutes avec ce « Rendez-vous » ?
  Léon a trouvé refuge dans la rue d’Amsterdam, un petit restau turc : il a commandé un kébab et s’étonne d’avoir faim. ..   

 

 

 

 

A quinze heures, Emma entre à l’Oiseau mouche ; il n’y a pas un homme. Rien qu'un gros chat noir, et des lycéennes qui papotent avec morosité devant des tasses de café froid. Emma attend en vain. Il est bientôt seize heures. Rodolphe ne viendra pas.


 Elle quitte le débit de boissons, traverse la rue du Rocher de Moïse, et entre au Départ après avoir abandonné «  Rendez-vous » dans une poubelle de la gare : ce roman elle ne peut plus l’endurer ; elle  aurait bien aimé faire attendre son troisième correspondant mais n’a pas eu le courage.
D’ailleurs, elle ne croit qu’à la possibilité de se réchauffer avec un peu de thé.  A peine assise, un serveur se précipite vers elle, prétend être Xanthium. Emma regarde avec stupéfaction ce soupirant qu’elle n’avait pas imaginé dans un tel accoutrement. Je croyais que. Le supposé Xanthium mordille nerveusement son crayon et arrache plusieurs pages à son calepin. En réalité, il est demandeur d’emploi et occupe des emplois improbables et intérimaires depuis une bonne petite éternité.
Emma ne l’a pas loupé. Les chômeurs et les intérimaires  ne manquent jamais leurs rendez-vous.
Charles reçoit un message à dix-neuf heures. La Jeanne a besoin de moi je serais absente trois jours quelle poisse bises emma. 
 

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commentaires

A
Oui, j'espère qu'il y a une looongue suite! J'ai commencé à m'attacher aux personnages et je me demande comment ça va évoluer tout ça. J'aime bien ton humour dans ce récit.
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<br /> Je commence à écrire la suite. Mais je n'ai toujours pas d'ordinateur! je me connecte un peu au hasard...<br /> <br /> <br />
D
Bonjour Dominique, quel talent! Cela serait amusant de réécrire tous ces grands classiques de la littérature française. Il y a de quoi faire! La suite, la suite. Bonne journée.
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