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26 octobre 2006 4 26 /10 /octobre /2006 09:24
Je me sens ridicule. La raison pour laquelle aucune copine n’est jamais venue à la maison m’apparaît dans toute sa flagrance.

Dans ma chambre, Nelly ne regarde ni les livres ni les disques, elle s’installe à côté de mon bureau, le dos à la fenêtre, ouvre  son album de bandes dessinées, et me donne à faire des exercices d’anglais qu’elle a sélectionnés dans le manuel. Je me dis que c’est à moi de l’intéresser à mes pénates, mais rien ne vient la distraire de sa BD.

Ma mère entre avec une table roulante à deux plateaux sur lesquels sont présentés un kugelhof et  un quatre-quarts, deux types de gâteaux qu’elle a coutume de confectionner, deux pots de confiture, une carafe de jus d’orange ; Nelly s’écrie aussitôt qu’elle n’en prendra pas, secouant vivement la tête, même pas ironique, on sent que son honneur est en jeu.
Je me vois obligée de refuser à mon tour, espérant sauver quelque chose de la relation amicale que je souhaite entretenir avec Nelly. Rien ne sera sauvé, et de plus, ma mère qui ne m’a jamais été très favorable, se voyant refuser la seule chose qu’elle sait encore me donner (de la nourriture), se vengera plus tard par des persécutions de plus en plus impitoyables.
Peu après, Nelly décide de s’en aller, je la raccompagne au métro pour retarder le tête-à –tête avec ma mère, et je comprends qu’elle faisait une enquête sur la famille, pour le compte de «  Lutte Ouvrière ». L’aurais-je saisi clairement que j’aurais refusé, mais la visite de Nelly à la maison, je préférais la percevoir comme une étape propice à une future relation amicale.
Toutefois Nelly me fait part d’une observation personnelle : ce vieux monsieur qu’elle a aperçu dans le séjour ne peut être mon père, il n’est sûrement pas ingénieur, et elle ne l’imagine même pas en train d’occuper une fonction salariée ; il est beaucoup trop âgé pour tout cela. «  Il ne faut pas croire tout ce qu’on te raconte » me dit-elle, et elle me livre son hypothèse : ce serait un vieux monsieur isolé qui aurait accepté de partager sa pension de retraite avec ta mère et ses enfants en échange d’une vie familiale. « Il ne fait pas forcément partie de la famille ; il faut te renseigner. »
Jamais je n’ai osé imaginer une pareille chose, mais cela  a tout l’air d’une parole vraie ; à compter de ce jour je n’appellerais plus cet homme que « mon beau-père » à part moi ; à tel point que sur-le champ, j’oublie comment j’ai pu le tenir pour mon père, l’appeler papa. Ce souvenir restera occulté.
A Nelly, je demande ce qu’il en est de son père à elle. Elle répond qu’il est mort sans plus de commentaire et je comprends qu’elle n’admettra aucune question.
Seule une amie pouvait me livrer des considérations aussi pertinentes et honnêtes sur ma prétendue parenté ; cependant je n’étais rien pour elle... 
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