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16 novembre 2006 4 16 /11 /novembre /2006 12:22
Fen--tre-sur-cour.jpg Rear Window
film de 1954.
D’après un récit de William Irish
Un reporter photographe habitué à chasser les images d’un bout à l’autre du monde se retrouve subitement immobilisé avec une jambe plâtrée.
Bientôt il ne pensera même plus à marcher, n’en aura plus envie : il regarde par la fenêtre.
Pendant plusieurs jours croit-il , il a regardé des images sans les voir ou en a vu sans regarder, et ne les a pas retenues. Lorsque sa fiancée (Grace Kelly) vient lui rendre visite, elle le trouve d’humeur massacrante et en profite pour lui signifier que tout cela ne serait pas arrivé s’il avait eu un emploi sédentaire plus calme. S’il veut l’épouser il devra renoncer à cette vie. James est plus encore contrarié de cette repartie. Le couple se querelle.
La nuit suivante, James, plus attentif à la fenêtre, a commencé à regarder ce qu’il voyait. De son poste d’observateur, il repère bien d’autres fenêtres ouvertes ou fermées : la cour de l’immeuble et les appartements qui lui font face. Par sa fenêtre, il a plongé le regard sur une autre fenêtre ouverte et aperçu dans un lit une femme qui ne se lève plus, immobilisée par une quelconque maladie : à son attitude, il devine qu’elle appelle son époux sans cesse lequel se déplace vers elle, visible d’une fenêtre contiguë. Ce spectacle requiert son attention, qui présente quelque rapport avec sa situation : lui aussi doit répondre aux appel d’une femme, qui vient le voir tous les jours et souhaiterait rester la nuit.
Le spectacle devient fascinant en dépit de son contenu banal car James est, comme nous, en position de spectateur (le film propose une constante mise en abyme) . L’espace est quasi-magique qui le sépare de la scène, la sensation de pouvoir qui le prend, illusoire : saisir tout un monde comme s’il le créait. Car ce monde s’est étendu à toutes les autres fenêtres et son regard passe d’une intrigue à l’autre. De plus, il se sert de ses jumelles d’explorateur, et nous donne à voir tel ou tel personnage en format agrandi.
Les voisins d’en face : un couple tranquille et attentif à leur petit chien chétif qu’ils chérissent comme un enfant. Une femme seule qui se désespère bruyamment. Une danseuse, apparemment jolie, qui change de robe et d’amant tous les jours ; un musicien alcoolique qui joue du piano dans sa chambre et pleure dans sa cuisine ; des jeunes mariés très actifs. Un chant s’élève à intervalle régulier dont on cherche à identifier la provenance.
Lorsque l’un des protagonistes disparaît du cadre de la fenêtre pour s’enfoncer dans la pièce, ou la quitter , James attend qu’il reparaisse à la fenêtre contiguë. Suspense. S’il ne reparaît pas assez vite pour qu’il puisse l’observer, il faudra inventer ce qu’il est devenu, terminer la scène.
Aucun de ces spectacles ne devrait à priori retenir l’attention si ne s’était mis en place un dispositif qui relève du théâtre ( un peu) et du cinéma bien davantage car si les personnages sont réels , on ne saisit pas toujours le sens de leurs paroles, on doit interpréter leurs gestes, ils demeurent éloignés, vus à travers une vitre, une lentille de jumelle, sinon toujours dans le cadre d’une fenêtre fût-elle ouverte.
La chanteuse, non identifiée, restera une voix off.
Cinéma ou théâtre ? Il s’est passé quelque chose chez le couple qu’il espionnait tout d’abord : à la fenêtre où apparaissait une femme alitée, le lit est à présent vide…serait-elle partie en voyage (cure ? Sana ?).
Le soir arrive, James a encore congédié sa femme : les fenêtres s’allument comme autant de feux de rampe. L’époux de l’absente fait toute sorte de préparatifs qui vont bientôt paraître étranges. James Croit voir non sans émotion un corps sans vie. Il imagine le même corps découpé après avoir vu un sac poubelle. Puis l’époux en habit, une valise à la main comme pour partir. Tout cela peut paraître normal mais James soupçonne qu’il se débarrassait de la personne charmante et dominatrice qui le rivait à la maison.
Bientôt l’idée qu’il devrait intervenir s’impose à James. Il cherche et trouve des indices qui confirment sa crainte ou son désir : le chien bien aimé du couple sans enfant s’acharne auprès d’un monticule de terre dans la cour et cherche à déterrer quelque objet. Un peu plus tard il succombe à un poison mystérieux.
L’intervention de James sera dangereuse pour lui. Il lui faut se montrer, montrer qu’il a vu, et l’irruption du meurtrier d’en face dans sa chambre risque de lui coûter la vie. James l’immobilise au moyen du puissant flash de son appareil photo de professionnel. Mais le meurtrier passe outre et balance le gêneur par la fenêtre…
Epilogue : le voyeur cèdera aux exigences de sa femme, le musicien jouera, la dépressive ne se tuera pas, les parents du chien cherchent du secours chez le voisin. Et lorsque les fenêtres s’allument pour une nouvelle soirée, James tourne le dos à la fenêtre. L’intrusion du réel l’a dégoûté de son rôle de spectateur. Va t’il renoncer à son métier de reporter photographe ?
Imaginons James de nos jours : il deviendrait un spectateur assidu de son ordinateur. Encore plus de fenêtre, encore plus de spectacles en tous genre. Des milliers d’immeubles d’en face. Et lorsque son amie viendrait le voir il la congédierait encore plus vite : misérable réalité, n’as-tu pas un site où je puisse te voir pour de bon ? Retourne à la toile ! Et quand à être le témoin de quelque chose de particulier qui suscite le désir de faire apparaître un individu « meurtrier » (creveur d’écran) en chair et en os, ce n’est pas gagné !
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commentaires

S
c'est un grand classique, un excellent huis-clos. A mon sens, une des meilleures réalisations de Hitchcock!
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S
C'est un des meilleurs films réalisés par Hitchcock! Un passionnant huis-clos! Du grand classique!
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C
Hitchcock parvient à faire l'un des plus grands films de tout les temps en faisant tout un film à travers une simple fenêtre ...Quel suspens et quelle maîtrise !!
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Oui à travers cette fenêtre,c'est le spectacle permanent.
M
ce film m'a l'air très intérressant ! <br /> <br /> Je suis moi-meme un nouveau spectateur qui regarde ces milliers d'immeubles (les blogs).<br /> <br /> La logique voudra que je sois dégouté de ces spectacles de vies incessants, souvent les memes brides de vies avec juste quelques changements.<br /> <br /> Le spectateur
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D
Mais non  Pat-de-Chat parce que vous êtes un grrand technicien du Web pas seulement un spectateur !<br /> Bonne journée !<br /> Domi

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