Dans quelque station balnéaire reculée, sinistre et sale, une certaine baie des Cochons, « Ils » avaient planqué des fusées prêtes à propulser leurs bombes, gorgées d’une mystérieuse substance destructrice, auprès de quoi la nitroglycérine n’était que du pipi de chat.
Si loin fussent-elles, dès l’attaque, nous serions carbonisés illico. La fission de l’atome dégageait une chaleur stupéfiante, comme si le soleil nous tombait sur la tête. Nous serions tous désintégrés en même temps que l’Atome. Inutile de faire brailler le tocsin, vain de jouer la sonate d’alarme en ut majeur.
Les « abris anti-atomiques » étaient réservés aux riches et aux puissants. Les jeunes de milieux modestes avaient encore moins de chance d’intégrer ces retraites souterraines que les nantis. Et ils auraient eu tort de s’en plaindre car les possédants, avec leurs vivres étoufferaient, coincés dans leurs caves de béton. Même le grand costaud qui aurait survécu le dernier après avoir bouffé son précédent semblable et l’avoir fait durer plusieurs lunes devrait s’avouer vaincu. Pas question de mettre le nez dehors avant plusieurs décennies sans brûler vif …La fin du monde aurait des allures démocratiques.
Au fromage, mon grand-père athée découpait la tome grise, puis la blanche, et prenait une voix de prédicateur pour annoncer avec emphase que la guerre atomique, c’était si terr-rible, que perr-sonne n’oserr-ait jamais appuyer sur le funeste bouton.
Car l’on ouïssait dire qu’il suffisait d’appuyer sur un vulgaire bouton, comme pour donner la lumière dans une pièce ! Chaque fois que je pressais un commutateur, si la lueur venant du plafond faiblissait et qu’un grésillement se faisait entendre, pas de doute, c’est que le terrible processus était en marche…Au secours !
Les petits matins de frimas, j’accusais le brouillard hivernal d’être un champignon atomique et m’étonnais d’être encore de ce monde et d’avoir froid.
Penchée sur mes devoirs de classe, à la nuit tombante, j’entendais des bruits terribles, un raclement, un martèlement : j’avais beau savoir que la catastrophe en question serait muette (Atome atonal) je sursautais : que se passe-t-il ?
Voyons, protestait ma mère, ce n’est que la concierge qui sort les poubelles !
Demain, serons-nous encore en vie ?
« Il faut prier.» conseillait ma mère.
Dieu nous laisserait-ils mourir si vite ?
Et le spectacle final, les anges, les trompettes, la Bête, aurions-nous le temps de le contempler à l’aune d’une fin si prompte ?
Puis la guerre froide tiédit, et l’on s’accoutuma à l’idée que la bombe siégeait en attente dans quelque lieu maudit, d’autant plus que les nations devenaient de plus en plus performantes en matière de fabrication d’armes de destruction massive, et qu’elles devenaient de plus en plus nombreuses à en posséder ; l’anxiété se banalisait, l’imagination s’émoussait.
Bientôt La Bombe atomique ne fit plus parler d’elle.
On ne s’occupa plus que des bombes sexuelles.
Le fantasme de fin du monde s'orienta vers le nucléaire civil, ce furent les seventies. Bien sûr la collision d'un astre quelconque avec la Terre tenait toujours une place de choix.
L'apocalypse est une mise en scène supe-rintéressante!
Vous avez tout lu?
Félicitations! voilà en récompense et complément d'information