La critique a opposé les deux derniers films d’Almodovar ; Volver met en scène le monde féminin, la mauvaise éducation celui des hommes.
Les femmes dans Volver sont des ménagères de choc, astucieuses, héroïques.
Qui sont les hommes dans la Mauvaise éducation ?
Les années 80 sont difficiles pour Enrique, cinéaste en mal d'inspiration, qui découpe des articles de journaux morbides à la recherche d’une idée de film ;il reçoit la visite d'un acteur barbu, son ancien ami d’internat, Ignacio, qu’il n’a connu qu’imberbe et prépubère. Ignacio lui propose sa nouvelle, « La Visite » qui, dit-il, s'inspire de leur jeunesse dans le collège, et dont Enrique pourrait tirer un scénario, ainsi que sa personne, pour jouer dans le futur film.
Enrique commence à lire d’où s’ensuivent deux flash-back : l’un porte sur Ignacio devenu transsexuel et actrice sous le nom deZahara, dans les années 70, et qui drague un jeune homme saoul après une représentation (c’était lui, Enrique, mais il ne l’a pas su) ; Zahara fait chanter le père Manolo qui, jaloux, s’est interposé entre Enrique et Ignacio au collège. L’autre flash-back nous entraîne dans les années 60, au collège, et met en scène le trio amoureux.
Très ému, Enrique fait revenir Ignacio-Zahara, en vue d’une poursuite de leur relation amoureuse autrefois interrompue et d’une collaboration artistique. Mais Ignacio et lui ne s’entendent pas aussi bien que prévu. Intrigué, Enrique lui fauche son briquet où figure le nom de son village natal et s’y rend : des surprises l’y attendent.
Les nombreuses intrigues rebondissements, dévoilements de faits occultés qui en dissimulent toujours d’autre, sont un atout ; le film ne nous ennuie pas.
La temporalité est morcelée, porte sur plusieurs tranches de vie, alterne sans cesse entre passé et présent, l’exercice de virtuosité est assez réussi.
La beauté plastique de certaines scènes peut séduire : le personnage de Zahara domine la distribution, burlesque, tragi-comique, émouvante. Gaël Bernal qui joue ce rôle (et deux autres fort différents) est excellent.
Les amours enfantines sont d’une facture plus classique mais on apprécie la voix superbe d’Ignacio enfant en train de chanter. Le match de football entre les collégiens est filmé d’une façon passionnante.
En dépit du titre, on n’assiste pas à une charge contre l’éducation dans les collèges religieux. Les amours enfantines, rendues possibles par la concentration en internat catholique, sont magnifiées. Le personnage du père Manolo dépasse en complexité le rôle du pédophile pervers. Tous les rôles sont ambigus.
Le message du film semble assez banal mais on peut y souscrire; il rend hommage à la beauté, et à l’art, (l’art entendu comme une somme d’artifices bien arrangés) qui seuls rendent la vie supportable.