Rosalyne et moi on fait la queue chez la toubibe dans le but de reconquérir notre virginitude.
Devant et derrière nous , des silhouettes, des ombres Un de nos frères passe devant elle, quelle surprise il s’est un peu arrangé, le sourire n’est plus celui
de Fernandel, la posture est droite, le geste élégamment désinvolte, est-ce le comportement ou la chirurgie esthétique ?
Il s’éloigne sans rien expliquer, à présent voici l’homme que j’avais vu s’inscrire sur l’écran de télévision un jour de noir et blanc à l’émission « Messieurs les jurés », il défendait un homosexuel, il s’appelait Mathieu, il était journaliste, avait des cheveux bruns et bouclés en désordre tout cela dans un nuage de fumée blanche.
Rosalyne me dit je n'ai pas confiance en lui, tu sais!
Ah cette fumée blanche qui masque et dévoile un peu de charnelle incarnation !
On s'en fout, on ne veux rien savoir de ces messieurs.
On veut reconquérir notre virginitude.
on sait ce qu'on veut le programme est précis; pas de » j’ai du malêtre, jsuis angustiée je comprends plus rien à lavis…"
Nous entrons dans une salle à décor de plantes vertes de type cactées. Des magazines culturels illustrés en couleur traînent sur la table basse, nul ne s’en
préoccupe. La salle d’attente d’ Alix Krautt, une psychothérapeute chez qui tous les névrosés bien informés font la queue en ce moment, moi comme les autres et elle qui a bien voulu
m'accompagner.
je les visite tous et je fais des comparaisons. Laquelle me fera conquérir cette virginitude après quoi j’aspire comme dans une paille plantée dans un verre vide ?
Nous ne voyons pas leurs visages, tous sont penchés sur leurs médicaments : ils ont déjà reçu des traitements médicaux nombreux et variés. Indiscrète, on les écoute parler de leurs remèdes homéopathiques, des gélules de diverses couleurs et des comprimés.
Toutes les cinq minutes, l’un d’eux vérifie la mollesse des gélules qui trempent dans une cuvette remplie d’eau. Je reconnais ces gélules c’est du Carbosylane rouge et noir ; et puis voilà le Cleareasil, les Pall Mall si grandes et blanches, les Cachoubes ronds couleur « Bois de rose » et hérissées de petites pointes au doigt.
« Des Pall Mall dans l’eau ! Si ce n’est pas une honte ! »
« Je ne peux pas les avaler sinon je m’étrangle, geint le patient d’une toute petite voix.
« Alonso Kiskazy ; me répond-il découvrant des dents trop parfaites. Toréador, j’ai perdu mon emploi.
- Moi c’est Rosalyne Geole. Je suis là pour... présente-toi chuchote-t-elle ne sois pas timide.
J'ouvre la bouche et, c'est comme les rêves aucun son n'en sort.
Ce patient a suffisamment perdu la tête pour confondre des cigarettes et des médicaments.
Enfin l’un de ces hommes se lève, brun et trapu, cette fois, et fait remarquer que ces médicaments vont être inutilisables, l’eau c’est très corrosif, la preuve : les falaises qui s’effritent. Un autre me dit qu’il a acheté pour mille euros de médicaments encore remboursables et qu’il s’apprête à les congeler pour qu’ils servent encore quand ce sera hors de prix.
« Bandes d’hypocondriaques ! » me dis-je en moi-même ; mais à haute voix, diplomatiquement je feins de les approuver.
Rosy hoche la tête : « Il ne faut pas recongeler ce qui l’a été une fois déjà » c’est d’un philosophe d’antan.
Soucieuse d’élever le débat et de le pousser à son paroxysme, je poursuis : « On ne peut pas se recongeler deux fois. Si tu te réveille après ton sommeil de mort que tu as eu la chance que ton fils unique t’ai congelé et l’autre chance que le corps médical ait été plus que scientifique, alors ne meurs plus ; si c’était le cas, tu n’aurais pas une troisième chance…
« Objection, votre honneur !dit l'Alonso faiblement, on peut congeler deux fois mais pas dans le même frigo. »
- Mon honneur, justement c’est ce que je voudrais retrouver…
A ce moment, je disparaîs spectatrice de Rosalyne qui continue seule à jouer.
C'est normal, je m'évanouis très vite dans la plupart des situations et elle prend le relai.