« Le drapeau va au paysage immonde, et notre patois étouffe le tambour.
« Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques.
« Aux pays poivrés et détrempés !- au service des plus monstrueuses exploitations industrielles ou militaires.
« Au revoir ici, n’importe où. Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce ; ignorante pour la science, rouée pour le confort ; la crevaison pour le monde qui va. C’est la vraie marche. En avant, route ! »
On me dit que Sarkozy cite Rimbaud.
Aurait-il cité ces lignes au premier degré?
La première publication de démocratie , c’est 1886 dans le magazine Vogue en même temps que d’autres proses. Le manuscrit original n’est pas consultable.
Le texte peut être considéré comme politique comme « après le déluge » ; rimbaud s’y montre concerné par les discours idéologiques.
Le texte est placé entièrement entre guillemet, le titre excepté, comme s’il s’agissait déjà d’une citation, nos voyons donc que le je du texte n’est pas celui de l’auteur, qu’il prend ses distances.
Le « je » du texte est un « nous » c’est là une communauté, une foule, dans quoi l’auteur ne se compte pas.
voila ce que j’entends dire à propos de votre démocratie,voila en quoi elle consiste : un discours communautariste, qui parle au nom du peuple et qui montre le peuple comme une force bestiale tout entière prête à massacrer l’esprit ( les révoltes logiques, la philosophie). Un discours foncièrement bête et qui promeut la bêtise( ignorants pour la science,roués pour le confort). Ce discours je le reproduis tel que je l’entend.
Ainsi que les « Conscrits du bon vouloir » soit les soldats, le peuple des soldats, les appelés, pas les élus…
Ceux qui font des discours au nom du peuple répandent des paroles de violence, perversion, répressions : philosophie féroce, cynique prostitution (à prendre aussi au sens figuré), massacrer les révoltes, étouffer
Le lexique est celui de la violence et aussi de l’armée : drapeau, tambour, massacre, militaire, crevaison.
Les pays poivrés, détrempés : sont les pays tropicaux que l’on colonise et où l’on envoie les insurgés en taule ( soit par exemple Louise Michel en Nlle Calédonie après la Commune de Paris).
Ce texte ressemble à « Mauvais sang », d’ »une saison en enfer » sauf que dans Mauvais sang , Rimbaud
parle en son nom, exprime son propre désarroi, face à ce qu’offrent les dirigeants pour le citoyen qu’il est.
Ici,il imite le discours dominants qui prétend s’appuyer sur le peuple mais en rendant ce discours excessivement provocateur et nihiliste , ce qu’il est en réalité.