Né le 20 avril
1807, il y a deux cents ans ajourd'hui, sous le nom de Louis Napoléon Bertrand, dans le Piémont, d’un père français, militaire, et d’une mère italienne, Aloysius BertrandJ’aime Dijon comme l’enfant, la nourrice dont il a sucé le lait, comme le poète, la jouvencelle qui a initié son cœur »)
émigra très jeune à Dijon qui est sa ville d’adoption, et source d’inspiration principale.
Tenta sa chance à Paris sans vrai succès. Réussit à intéresser le sculpteur David d’Angers et le grand Sainte-Beuve.
Considéré comme le créateur du poème en prose, il écrit pendant sa courte vie (34 ans tout juste) « Gaspard de la nuit : fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot » qui furent publiées en 1842, à titre posthume, avec une préface de Sainte-Beuve.
Ce recueil de poèmes en prose fut d’abord intitulé « Bambochades » et se compose de six livres, qui comprennent chacun 6 à 11 poèmes.
Le recueil le moins cher est actuellement l’édition de Gallimard (Poésie) de 1980, dont on peut encore trouver des exemplaires à 3 euros chez Gibert. Le recueil est pourvu de notes conséquentes et d’une préface de Max Milner.
Chaque livre a une unité thématique : « Ecole flamande » (imitation en prose des scènes de genre des tableaux de cette époque)
« La Nuit et ses prestiges » (traitement du clair-obscur)
« Espagne et Italie » ( prétexte à des scènes de carnaval où l’on croise des masques inquiétants)
« Les Chroniques » « Le Vieux Paris » (scènes urbaines) « et « Silves »( scènes champêtres).
Gaspard de la nuit est aussi le titre du prologue dans lequel Louis Bertrand dit comment il a rencontré Gaspard, un étrange personnage parti à la recherche de l’art et qui a ressenti le frisson poétique à entendre rire une gargouille, une monstrueuse figure de damné attachée au flanc d’une cathédrale et en a conclu « puisque dieu et l’amour sont la première condition de l’art-ce qui dans l’art est sentiment- Satan pourrait bien être la seconde condition-ce qui dans l’art est idée ». Il donne au narrateur un manuscrit dont il laisse entendre par des paroles sibyllines qu’il est plein de diableries avant de s’enfuir en ricanant.
Il a essayé de créer « un nouvel genre de prose » dit-il dans une lettre à David d’Angers en septembre 1837.
Pour la forme, il s’inspire d’un auteur régional qui restera inconnu, lequel écrivait des poèmes en prose longs et décousus. Bertrand en a changé la thématique et resserré la forme pour rendre des scènes d’allure énigmatiques où l’essentiel reste implicite.
Ces poèmes prennent place dans le genre de la prose poétique prisée depuis le 17eme siècle et épousent la forme de la ballade à cause de leur division en couplets de 5 à 7. Ils restituent aussi l’atmosphère de ce type de poème par leur tonalité et le langage médiéval.
Le Moyen âge exotique est très prisé par les romantiques et Bertrand exploite cette veine, mais il s’inscrit aussi dans une tradition picturale (« Combien de pinceaux j’ai usé sur la toile »dit Gaspard dans le « prologue ».
1) Rembrandt : « Faire naître la vague aurore du clair-obscur », savoir traiter la lumière . Cela signifie essentiellement pour Bertrand utiliser l’imparfait ou le présent qui étirent la durée ou figent la scène :
« Des lampes sont allumées dans les tentes au chevet des capitaines morts l’épée à la main »
« La nuit et ses prestiges »en est le morceau de choix le plus souvent cité sans doute le plus réussi.
Il se sert des contrastes : rêves, hallucinations visuelles, bruits entendus, magie des apparitions surgies de la nuit, référence aux contes.( Ondine )
Dans cette célèbre « Ondine » la sophistication du langage se mêle à la spontanéité de l’invocation : « Ecoute ! Ecoute !c’est moi Ondine qui… »
Le fantastique médiéval est lié au lexique autant qu’à la thématique : on recherche le maximum d’archaïsmes. Certains ont reproché à Bertrand l’artificialité de ses poèmes un art trop travaillé et surfait : d’autres les ont loués pour les mêmes raisons : les artifices explicites servent ici à créer un autre monde.
Callot : c’est la recherche du grotesque, burlesque et farfelu genres qui créent aussi l’inquiétante étrangeté par d’autres moyens.
« Les Cinq doigts de la main » sont les membres d’une famille qu’on n’aimerait pas fréquenter. Détails triviaux, humour féroce, macabre.
A. Bertrand est un faux romantique : il ne doit rien à l’abandon, à l’épanchement ni à l’effusion sentimentale.
Il est tout occupé de la forme, pratique l’art de la pointe, le dépouillement la simplicité plus proche de l’esthétique classique.