1er publication 1996.
Flammarion, 2001, 689 pages.
Voici la troisième partie de la saga familiale commencée avec « la Vierge du jardin », et poursuivie avec « Nature morte ». Il faut bien du talent à Mrs Byatt pour m’avoir entraînée jusqu’au troisième tome, moi, qui, avec l’âge, ai tendance à fuir ces gros romans qui détaillent longuement la vie de nombreux personnages sur des durées variables, en tenant compte du contexte social, bien présent lui aussi.
Fuir ces romans dans la mesure où ce n’est pas le type de récit que l’on peut lâcher un temps pour le reprendre ensuite. Narratif, explicatif, fluide souvent,exigeant parfois,il demande d'être lu en une seule fois...
Bienvenue au club de Coe est la dernière saga que j’ai pu achever, et pour Zola, je n’ai pas dit mon dernier mot…
En 1964, soit six ans après Nature morte, Frederica Potter, devenue l’héroïne de l’histoire, tente de se sortir d’un mariage avec un mari odieux (que l’on appellerait à présent un « pervers narcissique » ), mariage qu’elle a contracté un peu comme une maladie, mais dont un enfant est né, Leo, dont elle ne peut faire l’impasse. Grâce à ses anciens amis de Cambridge, elle regagne Londres avec son petit garçon, se fait héberger chez un ami d’Alexander, et commence à gagner sa vie comme enseignante de littérature pour adulte, et lectrice de romans pour un éditeur. Cette partie est fluide, romanesque parfois, plaisante en gros.
Ensuite, nous suivrons sa procédure de divorce contée par le menu : il est intéressant de voir comme, dans les années 60, la femme est blâmée d’avoir des liaisons avant le mariage (ceci s’appelle incontinence prénuptiale !!! ), De vouloir travailler (car elle doit s’occuper à plein temps de l’enfant et du mari) et même si au foyer, de s’adonner à des activités telles que la lecture…
Frederica enseignante pour adultes, proposant des lectures de DH Lawrence, Kafka, ou Sartre, cela génère des conversations intéressantes ; quant à ses nouvelles amours, elles seront comme les anciennes, courtes et vite insatisfaisantes, et ses essais d’écriture genre « cut-up » carrément barbantes.
Daniel Orton toujours présent, tente un rapprochement avec ses enfants, et fait « du social » en tenant à l’écoute des malheureux dans une structure de type SOS amitié. Marcus le frère de Frederica, est devenu biologiste et s’occupe d’escargots, ainsi que de génétique. L’auteur y apporte un compte rendu sérieux de l’état des recherches scientifiques de l’époque.
Alexander Wedderburn se trouve dans une impasse en tant que dramaturge : il écrit du théâtre à textes, alors que les nouvelles tendances misent sur la mise en scène, la gestualité, l’interprétation : théâtre de la cruauté, theâtre minimaliste ou carnavalesque…avec peu de mots!! Alexander ne peut pas suivre ; il devient enseignant, et participe à une commission d’enquête sur l’enseignement : faut-il apprendre par cœur ? ou mettre l’élève en situation de « découverte du savoir et l’y accompagner » (tarte à la crème qui eut de beaux jours devant elle) plus la question sur l’enseignement des langues , l’élève doit-il apprendre la grammaire… cette partie est intéressante , l’on y participe à toutes sorte de discussions et mises en scène sur les « nouvelles » façons d’enseigner, et les conceptions du monde qui prévalent à chaque option.
Une histoire dans le roman nous contée sous la forme d’un conte philosophique « la Tour de Babil ».
Il s’agit pour un groupe de personnes fuyant un pays en guerre civile, de gagner « laTour Bruyarde » par delà les Alpes et d’y former une communauté, où, selon Culvert, qui veut en être le programmateur, tout le monde pourra (et devra) satisfaire ses désirs et ceux des autres dans un monde où il n’y aura plus ni maître ni serviteur. Je vous laisse deviner l’issue.
Cette Tour, n'est pas sans faire écho au domaine de Bran House dans laquelle nous avons trouvé Frederica littéralement séquestrée, et l'on se demande ce que deviendront les éventuels fuyard...
J’ai aimé ce récit, mais moins son auteur, personnage suicidaire, arrogant, désabusé, qui parasite littéralement le récit principal par sa présence.
Il y aura d’autres récits dans le récit, notamment un conte dans le goût de l’héroïc fantasy , narrée par une amie de Frederica, à de jeunes enfants. Et des poèmes, certains très bons, d’autres carrément nuls, ainsi que des documents à lire, pour se plonger dans le vécu socio-intellectuel de l’époque. L’élection d’Harold Wilson premier ministre, la crainte de la guerre atomique… et tant d’autres événements.
Au total un roman bien touffu, très documenté, écrit dans une langue soutenue, souvent intéressant, parfois passionnant.