1896 à New-York. Le psychiatre Kreizler s’intéresse de près à la série de meurtres perpétrés sur des enfants et adolescents ainsi qu’aux mutilations odieuses subies par les victimes. En marge des enquêteurs officiels, se constitue une cellule de recherche pour établir l’identité du tueur , et se donner une chance de découvrir ses motivations pathologiques.
Kreizler est secondé par Phil, journaliste, Sara, secrétaire au bureau de la police judiciaire, Teddie ( 12 ans ) et Cyrus, tous deux anciens délinquants « guéris » par Kreizler. La cellule est protégée par Theodor Roosevelt, alors préfet de police. Le groupe n’a pas que le tueur pour cible, mais doit légalement se protéger contre un policier vendu à la pègre, et se garder d’un personnage ambigu mi-truand mi-socialiste, lui aussi à la tête d’un groupe armé.
L’enquête conduit le groupe dans les asiles ( dont le tristement célèbre Sing Sing) , les quartiers sinistrés de New-York, et les night-club où l’on prostitue de jeunes garçons.
Le petit groupe se frome intellectuellement en lisant Wiliam James, Kraeplin, Kraft-Ebbing (ces deux derniers ont fourni des descriptions poussées des diverses pathologies) et Darwin. On évoque aussi les expériences de Freud et Breuer. Bref, les voilà à la pointe du progrès…
Le roman est travaillé dans le sens d’une langue correcte et précise, les descriptions sociales des milieux asilaires et délinquants sont soigneusement observées. On y dresse un inventaire des connaissances en psychiatrie et psychologie de l’époque. Les rebondissements et suspenses se produisent à point nommé, lorsque l’on sent que l’on va s’ennuyer.
On peut s’étonner de voir Theodor Roosevelt protéger un groupe qui entreprend une enquête tenue pour diabolique, à l’époque. L’histoire est inventée à partir de documents véritables.
L’intérêt scientifique de Kreizler pour le meurtrier qu’il voudrait « faire parler » afin d’en apprendre davantage sur la psychopathologie, se double du dégoût de Phil, le journaliste qui avait rêvé le tueur comme un personnage hors du commun, et l’ayant vu et entendu s’écrie « ce n’était que ça ! »
En effet, le tueur est un « pauvre type » une brute, un cas social, et sans doute un débile pas vraiment léger. Malgré tout, Kreizler reste fasciné, persuadé qu’il y a une vérité, des mobiles cachés, chez l’être irrécupérable qu’il tente de faire s’exprimer. Epris d’aventure, Phil avait auréolé le criminel d’un prestige, et le voyant s’en détourne, déçu. L’aliéniste, lui, continue , en quelques sorte à l’idéaliser.
Or, comme disait Brecht, les « grands » criminels ne sont que des auteurs de grands crimes. (in « la Résistible ascension d’Arturo Ui »).