Douzième tome des Rougon-Macquart, publié en 1884 juste après « Nana » , Pauline est tout son contraire…
La famille Chanteau recueille Pauline Quenu 10 ans, orpheline d’un couple de charcutiers déjà connus des lecteurs du Bonheur des dames. Mme Chanteau présente cela comme une bonne action. En réalité, Pauline dispose d’une bonne fortune qui tranquillise cette dame, bien qu’elle n’ait pas l’intention d’y toucher : les Chanteau sont ruinés. Le mari est handicapé précocement par la goutte et n’a fait que de mauvaises affaires.
Pauline a pour compagnon son cousin Lazare déjà jeune homme. Comme elle est gaie de nature elle le distrait de ses tristes pensées. En effet Lazare est tourmenté par l’angoisse de mort, lecteur de Schopenhauer, souvent nihiliste, de caractère instable.
Les Chanteau vivent à Bonneville un petit village perdu sur la côte normande, souvent battu par les tempêtes.
Le temps passe et Lazare se lance touts les trois mois dans une occupation différente, vite abandonnée. Tour à tour il veut devenir médecin, puis compose de la musique, enfin exploite chimiquement le varech, fait construire un barrage pour retenir la mer lors des tempêtes… ces dernières occupations avec l’argent de sa cousine.
On prend l’habitude de puiser dans la fortune de Pauline, même pour les dépenses courantes.
En grandissant, elle a l’espoir d’épouser son cousin qui lui plaît. Mais survient Louise, une voisine qui se révèle être une rivale….
Ce roman est particulièrement éprouvant, et, je partage l’opinion de ceux qui ont vu dans le titre « la joie de vivre » un sous-entendu ironique. En effet, ce n’est que malheur et misère que l’auteur nous décrit : le père Chanteau ne fait que souffrir abominablement de la goutte du début à la fin du roman, et comme il survit à tout, cette souffrance rappelée à chaque page nous accompagne sans relâche. Lazare souffre moralement et gâche tout ce qu’il entreprend, la maîtresse de maison meurt dans d’horrible souffrance ; nous avons encore la maladie de Pauline, un accouchement difficile et fort long, la misère des villageois abondamment décrite, leurs maisons périodiquement détruite par la mer, sans compter le suicide de la servante… et le médecin Cazenove, qui assiste à tous ces malheurs en déclarant qu’il ne peut rien faire.
Et nous avons Pauline, l’incorrigible optimiste qui semble être la bonté même, abandonne ses rentes à tout le monde, la famille, les miséreux du village, et sacrifie son bonheur à Lazare.
En y regardant de plus près, on voit que Pauline, recueillie par Mme Chanteau par intérêt et n’y pouvant rien, en donnant son bien ne fait qu’anticiper une spoliation qui aurait lieu de toute manière. Lorsqu’elle a grandi et pourrait quitter la famille, que le docteur Cazenove lui propose un établissement plus prudent, il est déjà trop tard. Elle s’est engagée dans un processus, et surtout fabriqué une identité de femme généreuse et sublime dans ses sacrifices à laquelle elle ne peut renoncer sans danger pour sa propre image d’elle-même.
Sa manière de sacrifier son bonheur en mariant Lazare avec sa rivale, n’est là encore qu’une façon de sauver son honneur, car elle se rend bien compte que le jeune homme lui a échappé, et que s’il l’épousait elle, il ne renoncerait pas à l’autre…
Bref, à mes yeux, Pauline ne fait que se tirer d’affaire au mieux, dans une situation fort délicate.
Zola a décrit plutôt bien ses manœuvres avisées, la cupidité et l’hypocrisie effrayante de sa tante, le personnage ombrageux de Lazare, l’omniprésence de la mer, même les animaux sont bien observés, le chien fidèle qui ressemble à Pauline et la chatte maniérée, version animale de Louise.
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