POL, 2005, 135 pages.
La narratrice dont on ignore le nom a vingt ans, et vit dans un petit studio avec ses deux petits garçons Pierre et Titouan. Au début, nous croyons que Pierre est le bébé, et Titouan l’aîné, puis nous découvrons lentement que Pierre est lourdement handicapé : il a cinq ans, ne parle ni ne marche ne tient pas droit et elle le nourrit avec une pipette.
Cette très jeune femme l’a eu à quinze ans, et n’a rien dit à personne. L’environnement hostile ( son père, un gendarme despote, le père de l’enfant, un ado irresponsable) l’ont forcée à dissimuler si bien sa grossesse et le début du travail d’accouchement que la naissance difficile n’a laissé aucune chance à Pierre. Sinon d’avoir une mère aimante, qui guette le moindre signe d’intelligence ou de satisfaction chez son enfant.
La jeune femme travaille dans un salon de coiffure, et c’est une véritable vocation car elle nourrit une passion pour les cheveux et l’art du coiffage.
Il y a là comme un symbole du tissage et du filage. La narration est elle-même admirablement tissée, de façon à nous imprégner de cette atmosphère douloureuse et pleine de vie.
Petit à petit, nous apprenons son passé d’enfant et d'adolescente, à la fois malmenée et laissée pour compte, dans un village où l’on vit de façon rude et frustre. La mère de la narratrice veut sans doute se racheter en cherchant à faire admettre le petit Pierre dans un centre pour handicapé, mais la jeune femme s’y oppose, en vain, bien qu’elle ait au moins une amie, sa voisine qui lit tout le temps « une intello »…sa voisine qui l'admire " d'avoir eu cet enfant défendu" d'oser vivre cette vie difficile, comme si elle l'avait choisie, avec autant de passion que de pragmatisme.
Cette histoire éprouvante, est racontée dans une langue magnifique, poétique, des métaphores simples et éclairantes, on est tout de suite très ému, dès les premières lignes, mais l'auteur a un sens profond de la retenue, évite tout sentimentalisme, et conserve l'émotion entière.
Je voulais mettre des extraits, mais je m'aperçois que j'ai déjà rendu le livre...
Ce récit est aussi bon que « les mains gamines » ( 2008) et supérieur encore aux « Adolescents troglodytes ».
Emmanuelle Pagano est un écrivain majeur révélé en ce début de 21eme siècle. Elle rencontre davantage qu'un succès d'estime, mais n'est pourtant pas assez lue
à mon avis.
En mars, elle a publié un recueil de nouvelles que je chroniquerais plus tard.
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