1869 éditions folio
En 1940, Frédéric Moreau revient de chez un oncle, chez qui sa mère l’avait envoyé pour montrer sa sollicitude en vue d’un héritage. Procédure humiliante, que le jeune homme s’est efforcé d’oublier en passant un jour à Paris, où il ira faire son droit à la rentrée prochaine.
Le voilà sur le bateau qui le ramène à Nogent-sur-Seine chez sa mère. Il cherche l’aventure et l’amour auxquels le prédispose son mental naïf et exalté. Bien sûr il va trouver ! Attiré par un homme deux fois plus âgé que lui, qui lui en impose tellement il est bien vêtu et hâbleur :Jacques Arnoux, dont le costume est savamment décrit en particulier des bottes rouges en cuir de Russie ( un avantage indiscutable que l’on va retrouver par la suite). Arnoux mène Frédéric à sa femme Marie, et c’est la coup de foudre. Marie est comme »une apparition ». Là aussi c’est la parure qui va compter et aussi l’exotisme : Frédéric s’imagine que cette femme est andalouse, voire créole, à cause de ses cheveux noirs, de sa peau brune, de son châle. Il faut qu’il ait de l’imagination…
Il se passera plusieurs mois avant que Frédéric, devenu étudiant à Paris, ne retrouve l’atelier d’Arnoux. Marchand de tableaux, apte à vendre 300 francs une croûte qu’il a achetée 1500 en produisant une fausse facture de 4000… totalement ignorant de l’art véritable. Quelques mois se passent encore, avant que Frédéric ne puisse pénétrer rue de Paradis où vit la Dame. C’est aussi la décoration très kitsch des appartements, abondamment décrite par le narrateur, qui augmente le charme de Marie aux yeux de Frédéric.
Rue de Paradis, ce sera aussi une sorte d’enfer. Pour voir Marie le plus souvent possible, Frédéric se fait l’obligé d’Arnoux, son esclave, devient un parasite de la maison, ira même jusqu’à lui donner de l ’argent . En effet, Arnoux s’étant aperçu plus ou moins de la situation, prétendra souvent être au bord de la faillite et devoir quitter la ville :s’ils quittent la ville, comment la revoir ?
L’existence de Frédéric s’organise donc autour de Marie Arnoux, dont on reste longtemps à ignorer quels sentiments elle éprouve pour Frédéric. Marie est cependant un repère important pour une vie aussi fluctuante que celle de ce jeune homme. L’autre repère, c’est Charles Deslauriers, son ami de collège. Tout les sépare : la classe sociale, les intérêts, les penchants, le tempérament, voire les idées politiques, ils sont tout le temps fâchés et se retrouvent avec plaisir quelques temps plus tard, à intervalles réguliers.Cette amitié réelle et durable est un point positif dans un roman fort pessimiste.
L’Education sentimentale c’est aussi une fresque sociale. Plusieurs groupes humains sont décrits plutôt férocement : les amis de Frédéric : Sénécal pur et dur, inspiré de Saint-Just, Hussonnet, journaliste opportuniste, assez rigolo par moment, Martinon très conservateur, Dussardier révolutionnaire au premier degré, Pellerin le plus mauvais peintre que l’on puisse rêver, Regimbart, un homme politique : il passe son temps dans les bistrots à boire et bavarder …
Sans compter les femmes, la jeune provinciale Louise Roque, l'épouse du financier Dambreuse ( très redoutable devant le cercueil de son mari...), Rosanette orpheline illettrée qui a survécu grâce à ses charmes, Mlle Vatnaz vieille institutrice intriguante et féministe ...
Flaubert s'est inspiré, dit-on, des Caractère de La Bruyère pour camper ses personnages et il a très bien réussi.
De l'Education sentimentale, il a aussi eu l'ambition de faire un roman historique, relatant la Révolution de 1848, celle de 1851, qu'il a vécues lui-même au même âge que Frédéric et c’est tout à fait passionnant. Son récit du sac des Tuileries en particulier.
Dans l'ensemble, en épit de certaines descriptions un peu lassantes, mais pouvant toujours enrichir le vocabulaire, je trouve ce roman aussi bon que Madame Bovary.