Actes sud, 2012, 202 pages.
En dépit de ce titre austère, je ne pensais pas qu’Actes-sud faisait dans la littérature de prédication, et ce titre devait à mon sens, être humoristique ou lu au second degré.
C’est un roman d’éducation bien classique qui se joue là. Deux jeunes gens Corses, l’un Libéro, né et élevé en ce pays, l’autre Matthieu, dont ce sont les origines, et qui n’y passe que des vacances, sont amis et suivent un cursus universitaire de philosophie à Paris.
Pendant ce temps Marcel, un homme âgé, le grand –père de Matthieu, se penche sur son triste passé. Dernier enfant d’un couple déjà bien pourvu, né d’un père revenu mal en point de la Grande Guerre, il a toujours souffert de malchance, d’ulcère, de mélancolie, ainsi que de deuils successifs.
Les deux jeunes gens abandonnent la philo après leurs masters. Matthieu a travaillé sur Leibniz et Libero sur Augustin. Ils décident de reprendre le bar de Marie-Angèle, dans le petit village Corse que connaît bien Libero. Ce bar n’arrive pas à être correctement géré depuis que la fidèle servante l’a quitté une nuit sans explication.
Avoir envie de tenir un bar peut semble curieux, lorsque l’on a suivi un cursus de philo. Cependant, ce n’est pas rare de voir des étudiants de philo désabusés s’orienter vers des destins particuliers. Matthieu suit les préceptes de Leibniz « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » il n’en retient que l’aspect « cliché ». Libero, lui, est avide d’agir, d’avoir affaire à la matière concrète, à la vie.
Les deux amis doivent gérer une équipe disparate : un guitariste vantard et obscène qui anime les soirées musique, une serveuse en chef, qui a l’habitude se prostituer, d’autres serveuses qui attirent les clients mais ne tardent pas à poser des problèmes, des habitués qui viennent se saouler et chercher des filles. Sans compter d’autres personnages qui compliquent tout… notamment Marcel qui a permis à Matthieu d’ouvrir le bar, juste par malignité, semble-t-il.
On sait dès l’entrée que cela va mal se terminer. Que ce modeste établissement de boissons est promis à la déchéance « au pillage et au sang ». Sauf pour Aurélie la sœur, partie faire des fouilles à Annaba l’ancienne Hippone, pour y retrouver des vestiges de la cathédrale d’Augustin.
Le sermon sert d’ouverture à la plupart des chapitres. « Ce que L’homme fait, l’homme le détruit » ; « car dieu a fait pour toi un monde périssable et tu es toi-même promis à la mort» ; « où ira-tu en dehors du monde ? » Dit à voix haute par Bossuet ça aurait sûrement de l’allure, et même par Augustin pourquoi pas ? Ici cela tombe un peu à plat.
Comparer la faillite tragique du bar avec la chute de Rome, ne donne pas, à mes yeux, de grandeur ni de signification supplémentaire à l’issue malheureuse de l’entreprise des deux jeunes gens trop idéalistes.Au contraire, cela gâche l'affaire! les personnages vont nous paraître vite stéréotypés : Matthieu est trop candide, Aurélie est trop parfaite, Colonna trop méchant, Virgile trop fruste... tout le monde est trop quelque chose...
Pour apaiser ses amis chrétiens Augustin leur dit que la chute de Rome n’est pas la fin du monde. Puis que c’était prévisible, car dieu bâtit sur du sable… !
Pas nécessaire d’en passer par Dieu. Valéry disait au sortir de la Grande Guerre « Nous autres civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles… nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie» et autres considérations guère différentes de celles d’Augustin. Sauf qu’il nous fait grâce du jugement dernier et de la miséricorde divine.
A part le sermon d’Augustin, le récit est construit de façon classique. Une narration vigoureuse, des descriptions soignées, des dialogues crus pour animer les personnages.
Rien d’original. Rien de neuf. Ce roman est bien écrit, mais il sent la démonstration.
Ce récit s'inscrit dans une problématique de recherche du salut, où pénitence, péché et chute de l'homme jouent un rôle non négligeable.
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