José Corti 1958
C’est le quatrième roman de Julien Gracq et le dernier qu’il publie.
On a pu le rapprocher du précédent le Rivage des Syrtes ( 1951). Gracq y avait imaginé un lieu et des fictionnel entre deux pays (également de fiction) en guerre depuis longtemps sans que des hostilités soient encore déployées. L’attente que la guerre reprenne , attente pleine d’ennui, de charme mortifère, de frayeur, jusqu’à provoquer l’incident de reprise du combat, en était l’argument.
Ici l’on attend également le commencement des combats, mais il s’agit d’une situation réelle : les lieux décrits existent( et sont à peu près repérables sur une carte) et le conflit aussi .
L’action débute en octobre 1939. La seconde guerre mondiale vient d’être déclarée et Grange, appelé en tant que capitaine d’infanterie, arrive à Moriarmé ( Monthermet, qu’il a rebaptisée) dans les Ardennes. Huit mois vont s’écouler entre la déclaration et l’attaque proprement dite, cette gestation qu’on appelle la « drôle de guerre » ou « la fausse guerre » pour dire comme les anglais.
Grange prend le commandement d’une unité de quatre hommes en pleine forêt. Les soldats habitent une maison forte, surplombant le hameau des Falizes. A première vue, elle ressemble à un chalet alpin. Le premier étage est une habitation tout à fait normale, le rez de chaussée est un blockhaus équipés d’armes e combat prêtes à l’emploi et muni d’un boyau d’évacuation.
Dans ce lieux qu’il trouve magnifiques, il domine toute la vallée et l’appellera le Toit( comme le Toit du monde, on ne peut aller plus haut…ce qui donne l’idée d’un accomplissement), Grange se sent tellement loin de tout, dans un lieu magique et enchanté, que la guerre semble impossible. En même temps , il sait bien être en première ligne si l’armée ennemie attaquait ; Les Hautes Falizes sont toute proches de la frontière belge. En outre, si sa visibilité du côté français est bonne, il ne verrait rien arriver de l’autre côté, semble-t-il.
Le chef hiérarchique de Grange lui signifie qu’ici c’est un piège à cons et qu’à la première attaque, vous serez faits comme des rats » Il propose à Grange de le muter dans une unité de réserve à la compagnie « hors-rang »mais ce dernier refuse « Je me plais ici » dit-il , ce constat n’ayant rien à voir avec le désir de combattre, qui ne l’habite pas, mais l’idée que quelque chose de fatal se produira est important pour apprécier son séjour. Il est souvent saisi d’anxiété, imagine l’attaque future, sans laquelle la félicité de son séjour n’aurait aucun sens.
Pendant plusieurs mois longs et courts à la fois, Grange va vivre des moments particuliers, à la fois banals et enchanteurs. Les événements météorologiques tiennent une place importante, pluie, neige, froid, chaleur, sont ressentis comme exceptionnels ainsi que le retour du matin et la tombée du jour. Les végétaux et la forêt sont magnifiés, le moindre petit détail prend une signification comme de croiser deux pies sur un chemin.
Des souvenirs lui viennent en comparaison se sa situation, qui sont toutes liées à l’enfance, à ces moments où il partait en vacances, découvrait la mer…
D’autre part, il guette la progression de l’attaque future….
Grange découvre aussi le génie du lieu, une curieuse jeune femme sortie de nulle part, si gaie si légère, avec qui il entretient une liaison.
La prose de Julien Gracq est toute faite de suggestion, évocation, implicite, elle installe un décor une atmosphère, troublante inquiétante, bien des phrases restent en suspens.
boucle de la Meuse à Monthermé
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