Comment les chinois et les japonais créent-ils la beauté ?
D’abord, en utilisant les effets de la lumière, le rayonnement. En ménageant, dan s leur réalisation d’objets et d’habitations des degrés divers d’opacité. En sachant utiliser des clartés ternes. En se servant de la pénombre qui est « la couleur crépusculaire et qui conserve à grand-peine un dernier reste de vie ».
L’autre procédé mis en oeuvre est la dissimulation. Les objets, pour être beaux , pour être séduisants, doivent être devinés, entrevus, sous certains contours, et non apparaître dans la trivialité d’une évidence sans charme.
L’objet peut être « manquant », si l’on laisse penser qu’il pourrait y être, dissimule ce qu’il a de précieux, tout en montrant qu’il n’y est pas. L’ombre joue aussi ce rôle.
Par quels moyens concrets, arriver à un tel résultat :
-les shôjis : volets de papier blancs.
- le toit-parasol.
- le toko noma : des renfoncements, des cassures de volumes. Divers degrés d’obscurités dans une pièce.
Dans les renfoncements, on colle des peintures à motifs floraux, ce qui donne à l’ombre une dimension de profondeur. La peinture est une surface qui recueille les effets de lumière.
Je dois dire que lorsque l’on pénètre à Gennevilliers dans la bibliothèque sphérique, vitrée, sans aucun renfoncement, ni relief, on comprend ce qui peut être pénible dans les réalisations occidentale.
- Le papier qui soutiendra le montage d’une œuvre d’art doit avoir un aspect antique, des craquelures dans la monture.
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Comment arranger un toko no ma ?
Créer un espace rigoureusement vide, le remplir de gradés d’ombre, grâce à la place de la fenêtre, et au filtrage par les shôjis des rayons du soleil. Cette lumière devient froide et terne.
Créer un univers ambigu où l’ombre et la lumière se confondent. Une pénombre blafarde, des reflts blanchâtres. La clart diffuse doit donner une impression de pesanteur. L’auteur insiste sur « l’épaisseur de l’ombre ». On doit éprouver une sorte d’appréhension dans ces quasi-ténèbres, comme si l’on était face à l’éternité, en perdant la notio du temps.
Les paravents dorés et les cloisons mobiles captent de la clarté extérieure rien que des reflets irréels comme des songes. L’or, le doré joue le rôle d’un réflecteur de lumière. Les autres métaux se ternissent plus rapidement.
Mais , un autre métal est aussi essentiel, le jade, pour son aspect trouble et ses volutes de couleur incertaines, vaguement vertes.
Les couleurs qui comptent : des stratifications d’ombre, au contraire des occidentaux qui privilégient les couleurs condensant le soleil en elles. L’objet oriental ne brille pas , il révèle la patine.
Les orientaux exploitent la pauvreté de la lumière. Ils n’aiment pas non plus, les vastes pelouses vertes, dans un jardin, et multiplient les bosquets. Ils fuient la vive clarté. On doit « Découvrir la beauté des ténèbres, leur pigment obscur tapi au fond de la peau ».
Les costumes
Le costume de Nô, avec ses couleurs éclatantes, forme un contraste heureux avec le teint japonais. Il renvoie à une existence de jadis. L’acteur est non grimé.
Le Kabuki : l’attrait de ce théâtre est érotique. Il reste un univers de fiction. Les visages fabriqués de toutes pièces ne paraissent pas authentiques.
Les marionnettes de bunraker , poupées féminines que l’on anime, n’ont rien qu’une tête et des mains. E procédé rappelle les femmes d’autrefois : elles n’avaient d’existence réelle qu’au dessus du col et au bout des manches, le reste entièrement dans l’obscurité. Costumes auxcouleurs ternes, noircissement des dents, elles étaient une parcelle de l’ombre, transition entre l’ombre et le visage, apparition blanche dans l’obscurité( ciel ! les islamistes avec leur burqua leurs tchador… n’ont rien inventé !).
Ce que dit Tanizaki est effrayant concernant les femmes. Des siècles de dénégation du corps féminin…
Au final, tout de même, un programme esthétique tout à fait intéressant.
Tanizaki avec chat
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