1990 édition originale
1995 Gallimard, 289 pages.
C’est le récit de Mâ âgée de vingt ans, elle dit avoir atteint sa majorité depuis peu. Elle relate sept mois passés à s’occuper de son frère handicapé Oeyore, avec l’aide épisodique d’autres personnes, en l’absence de ses parents. Son père est parti en Californie, comme écrivain en résidence, et sa femme l’a accompagné, car il avait besoin de son soutien moral.
Ce garçon handicapé âgé de 24 ans dans le roman, les lecteurs d’Ôé le connaissent déjà, car il est au centre de son œuvre, à l’exception des premiers récits de l’auteur. Aucun des membres de cette famille n’est un personnage fictif, même si l’on se doute que des détails ont été modifiés. Cela fait bizarre d’imaginer l’auteur en train de se mettre dans la peau d’une fille de vingt ans ( la sienne très probablement) pour écrire le récit.
Mâ aime énormément son frère, mais à l’annonce du départ de ses parents, elle évoque son avenir où à son avis, elle devra se charger d’Eoyore, y compris lorsque ses parents ne pourront plus le faire, ce qui ne lui permettra pas de se marier… ces sept mois seront donc un avant-goût de son avenir.
Nous allons découvrir la personnalité riche et complexe de cette jeune fille. Elle s’est sentie quelque peu handicapée comme son frère, et souffre d’un symptôme curieux qu’elle appelle « la métamorphose en automate » lorsqu’elle est très contrariée. Cela ne l’empêche pas d’étudier la littérature française à l’université et de préparer un mémoire sur « Rigodon » de Céline. Ce choix, on le verra, est relié au handicap de son frère.
A vrai dire, nous découvrons les efforts faits par les membre de cette famille pour résister à la situation "handicapante " générée par la vie (pas tranquille du tout, bien sûr!) aux côtés d'Eoyore, tout en maintenant une forte empathie à son endroit.
Cette expérience de chef de famille est un vrai récit d’apprentissage. Au fur et à mesure des problèmes qui se posent, Mâ cherche des solutions dans la littérature, la théologie, le cinéma, dans la fréquentation du professeur de musique d’Eoyore (le frère handicapé est également mélomane et compositeur) et de sa femme. Ses parents sont loin, mais elle communique d’autant mieux avec eux, par courrier essentiellement.J'ai bien aimé que le père et la fille se racontent leurs rêves, et se les interprètent.
Ses relations avec son entourage évoluent, et certains épisodes difficiles de ces mois-là, notamment un enterrement au village de son père, de mauvaises rencontres, les crises de son frère, lui permettent de vivre mieux.
Ce roman ne possède pas réellement d’intrigue, mais il est vivant, intelligent, souvent humoristique, et l’on s’attache vraiment aux personnages. On est ému de "rencontrer", si j'ose dire, une famille dont les membres cherchent sincèrement à communiquer les uns avec les autres, et conquis par la richesse de leurs échanges. On est effrayé aussi d'imaginer la vie avec une personne handicapée, si bien , si concrètement rendue.
commenter cet article …