Et si c'était seulement la vieille bonne, que Grand-père avait mise dans un hospice, qu'on disait morte, et qui se vengeait en revenant le hanter sous cette forme ?
Si c’était une sibylle qui nous annonçait quelque malheur ?
Pendant longtemps, il avait fait mine de trouver normale cette étrange personne immobilisée sur l’inclinaison du toit se contentant d'y faire de temps à autre une brève allusion, le sourcil un peu froncé Parlant de se débarrasser d'elle.
Il ne pouvait la laisser geindre dans la raucité d'un fondu de tons monotones.
La créature fut déposée sur la table de la salle à manger, droite, figée, muette à jamais. Elle était plus petite que je ne l’aurais cru.
Philippe fut chargée de la peindre parce qu’il passait pour très soigneux. Il la colora effectivement d’une laque épaisse d’un vert sombre. J’étais très désappointée qu’on lui eût confié cette tâche, alors que j’avais trois ans de plus que lui.
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Sur la grande table de la chambre de mon frère, elle eut un avenir. Ne sachant quoi faire de cette étrange statue en tôle, il m’appela à la rescousse. La magicienne devint tantôt le sous-marin, d’un capitaine Nemo, tantôt une fusée, bricolée avec adresse par de hardis aventuriers, tantôt une déesse, célébrée où crainte, voire un monument interdit où l’on se risquait pour y trouver un trésor. Parfois, c’était un repaire de brigands, ou un de ces véhicules mystérieux venant d’une planète lointaine…
Une fois remplie ma mission de divertir les plus jeunes, de leur octroyer leur ration d’imaginaire, et que ma mère voulait d’eux à nouveau, j’étais congédiée et la créature se taisait à nouveau.