Une grande échelle s'élançait jusqu' en haut du toit. Grand-père montait les échelons pour chercher enfin, comme il l'avait si souvent projeté, la créature, vêtue d'une sorte de robe de bure qui ne flottait pas au vent. Posée sur une tuile, elle émettait des sons rauques comme si elle appelait au secours, avec des moyens linguistiques réduits.
Elle recevait toutes les pluies, tous les rayons de soleil, et cela ne lui plaisait guère, car elle s'agitait, tournait à droite et à gauche, frénétique et gémissante, Son visage restait toujours soustrait aux regards. D'en bas, il était difficile d'imaginer l'autre côté de sa silhouette fourbue.
Les intempéries ne pouvaient seules expliquer sa mauvaise humeur. Son mal devait venir de plus loin.
Ce pouvait être une mauvaise femme condamnée à purger sa peine sur le toit. Etait-ce une bohémienne prise de remords, qui avait quitté en secret la roulotte, pour réclamer son enfant véritable qu'elle avait vendu-ou donné- à une infirmière ? N’osait-elle le réclamer qu'en faisant des signes ?
Elle voulait dire je me souviens encore de lui, le petit fardeau roulé à la hâte sous une mauvaise couverture, et déposé sur le paillasson devant la porte d'entrée.
Moi-même fille de l'étrange créature?
J’aurais dû être une petite mendiante crasseuse, voleuse…
Crasseuse ? Je l’étais déjà à moitié, me débattant périodiquement contre les attaques d'une main armée d'un gant de toilette, interdite de salle de bain, suspectée d'infecter les lieux sains.
Voleuse ? J’inspectais tous les jours les moindres recoins de poches de veste, de manteaux et d'imperméables, les tiroirs non fermés, peu nombreux, et même le panier à ouvrage de ma grand-mère. Mais trouvais-je le plus léger butin, je m’en emparais avec frayeur et le remettait en place après de longues autos tergiversations
Mendiante ? Je disposais selon Maman de toute sa tendresse, de tout son amour qui l'un et l'autre étaient incommensurables. Ce capital ne se pouvant compter en unités, je ne savais à quoi J’avais droit en réalité. Les beautés des déclarations maternelles ne permettaient pas le calcul, et de ce fait, on n'avait idée ni du bénéfice, ni du gain, ni des pertes éventuelles.