Du gros roman picaresque violent ironique et cruel de Gunther Grass, le cinéaste a gardé le récit rétrospectif qu’Oscar Matzerath fait de sa vie, depuis les jupes de sa grand-mère dans le champ de pommes de terre en 1922, deux ans avant sa naissance, jusqu’à son vingt et unième anniversaire en 1945. A ce moment il enterre Matzerath son « père légitime »( il a toujours espéré qu’il n’était pas le vrai) et jette son tambour sur le cercueil, s’autorisant par ce geste symbolique à renoncer à certains de ses attachements, et soudain, grandit…
Cela permet d’achever l’histoire sur une note optimiste. Oscar enterre son passé, la guerre se termine, on peut imaginer un avenir satisfaisant. Dieu sait si , hélas, le roman de Grass ne s’en tient pas là. Schlöndorff nous épargne les neufs longues années d’errance d’Oscar jusqu’en mars 1953, au lendemain de la mort de Staline, période qui attaque et clôt le récit initial. Oscar avait passé du temps dans les hôpitaux psychiatriques.
Schlöndorff a opté pour un traitement hyperréaliste, malgré les éléments surnaturels préservés ( la voix d’Oscar fait réellement briser le verre). Il s’inspire de l’expressionnisme, et l’on pense aux » Freaks » plus d’une fois. Oscar n’est pas un monstre de foire, mais l’atmosphère du film est violemment carnavalesque.
Il s’est efforcé retrouver un Oscar à la hauteur si j’ose dire, du héros de Grass, ce qui l’a conduit à faire jouer David Bennent, qui avait douze treize ans au moment du tournage( cela se voit sur son visage) mais était très petit pour son âge ; la voix off qui monologue, n’a pas d’âge ; sarcastique, cynique, humoristique, prophétique, prédicative, conteuse, chroniqueuse, voix off censée être celle d’Oscar, munie d’un accent qui accentue son caractère sauvage, reprenant les litanies du texte ( il était une fois…). Le passage fréquent du « je « au « il » n’est cependant pas toujours facile à expliciter.
Certaines scènes sont empreintes d’un romanesque outré : l’aventure avec Roswitha, est présentée dans le film comme une véritable idylle ; dans le ramona Oscars sait bien et le dit que Roswitha na va pas avec lui par amour mais par peur, comme on boit dans les caves au moment des bombardements. J’avais imaginé Roswitha comme la naine des Ménines …
Oscar est en permanence en dialogue concerté avec son inconscient et prend le spectateur à témoin.les visions, effets grossissants, démesurés ( flammes qui lèchent longuement et cruellement) sont largement exploitées. G. Grass dénonçait une certaine idée que l’on se fait de l’enfance, innocente et naïve. Cette lucidité d’Oscar est fort bien rendue. Oscar est au courant de tout, les haines entre adultes, les sentiments de haine envers lui, la sexualité des adultes comme la sienne ( les scène avec Maria sont toutes bonnes), et l’histoire perturbée qui est celle de son pays.
Certaines scène sont miraculeuses Oscar se dissimulant sous la tribune des orateurs nazis et réussissant à entraîner la foule à jouer le Beau Danube bleu en lieu et place de l’hymne national-socialiste.
La première fois que j’ai vu le Tambour, j’ai été fascinée. La seconde fois, dix ou douze ans plus tard j’ai acheté la cassette vidéo et l’ai passée aux enfants, pour leur faire partager mon intérêt pour ce film essentiel. Ils ont détesté. Le film est très violent…
Maintenant, trente ans après, c’est moi qui supporte mal l’atmosphère carnavalesque dont je parlais plus haut…