Shadow Tag, 2012-
Albin Michel ( Terres d’Amérique).
Irene se rend compte qu’avec Gil, ils sont allés trop loin. Elle découvre qu’il lit son journal intime. Commence un autre journal, dissimulé dans une banque, un bleu. En outre nous avons un récit objectif à la troisième personne, plus important que les deux autres.
Dans le rouge, elle écrira exprès pour son mari, pour obtenir quelque chose de lui. Son départ. Elle va imaginer des rencontres avec des hommes, pour persuader Gil que ses enfants ne sont pas de lui.
Dans le bleu, elle écrit qu’on lui a volé sa vie privée.
Cela dure depuis que le couple s’est rencontré (environ quinze ans). Gil est peintre et il en a fait son modèle. Payée au début, puis consentante. Puis mariage et enfants.
Irene et Gil développent une relation sadomasochiste. Elle pose pour lui, nue, dans des positions spéciales ( en bête cruelle, en femme humiliée, perdant son sang menstruel, et d’autres situations peut-être encore plus « gores ». Pendant ces séances de pose, ils sont généralement saouls et le reste du temps, rarement sobres…Irene ne peut supporter de voir ces nus dans le catalogue, ces nus où elle est parfaitement reconnaissable. De plus, ils circulent sur Internet et Florian le fils aîné treize ans les a vus.
Gil est devenu un peintre estimé. On dit qu’il a du talent, mais Irene l’a inspiré, et elle seule.
Pour son art, aussi bien que pour la vie maritale, il dépend d’elle, ou plutôt du jeu qu'ils jouent. Elle ne peut se dissimuler qu’elle trouve encore plaisir à ce jeu. Qui se poursuit chez la conseillère conjugale, dont ils se paient la tête pour mieux consolider leur relation dangereuse.
Les enfants font ce qu’ils peuvent. Riel la fille, imagine un cataclysme dont elle sauvera la famille. Elle partage avec sa mère des rêveries à propos de légendes Indiennes. Irene est indienne et travaille depuis dix ans au moins sur une thèse : il s’agit de George Catlin aventurer et peintre des Indiens, passionné surtout de la tribu Ojibwa dont elle est issue.
Stoney le petit imite son père dans ce qu’il a de meilleur ( le talent pour dessiner, pas la perversité) . Et les chiens, les chiens aussi, tentent de protéger Irene et ses enfants.
Irene trouve une amie et une sœur May ; elle est décidée à divorcer…
La fin peut surprendre mais n'étonne pas.
Un récit classique, bien écrit, sur un couple qui s’est détruit de façon violente ; d’autres le font à petit feu. Irene note que il ne faut pas croire en un moment fatidique qui fait tout basculer .
Elle ne croit qu’en de petits moments qui s’acheminent vers la fin. C’est pourquoi, elle n’écrit pas d’histoires. De même une histoire qui est arrivée, tant qu’on ne la transforme pas en récit, n’existe pas vraiment…des débuts de réflexion intéressants sur l’écriture et la vie. Un roman psychologique, assez fin dans la description du huis-clos mortifère. Tous les personnages sont bons et l'auteur a le sens de l'intrigue.
On aime entendre Florian poétiser sur les fractales. On aime l'énergie et les lecture de Riel. On assiste à Gil venu contempler le tableau de Rembrandt, Lucrèce agonisante. Ce récit fait signe à d'autres histoires malheureuses concernant le peintre et son modèle : Dorian Gray, ou encore le Portrait ovale d'Edgar Poe.
L'ensemble est vraiment bon...