Folio 2 euros
120P 1958.
le grand écrivian japonais Oe Kenzabûro, lauréat du prix Nobel de littérature en 1994 a écrit ce texte dans les années 50; cette nouvelle est l'une de ses toutes premières oeuvres, et a reçu un prix au Japon en 1958.
Pendant la seconde guerre mondiale, dans un village retiré, un avion américain s’est écrasé dans la forêt , et les villageois ont fait prisonnier l’unique rescapé, un soldat noir et l’ont enchaîné dans une cave. Le prisonnier est signalé à la ville et l’on attend qu’un fonctionnaire surnommé « Gratte-papier » en informe la préfecture qui doit décider de son sort.
Ces villageois vivent de façon très rustique. Ils n’ont pas l’eau courante, ni savon, ni vêtements de rechange, se baignent dans la fontaine du village et dans la rivière en contrebas. Les enfants sont livrés à eux-mêmes et n’ont pas reçu d’éducation.
Le narrateur est un garçon de huit-dix ans qui vit avec son père et son jeune frère. Le père chasse les belettes pour leurs peaux qu’il vend à la ville.
C’est l’été et les enfants ne vont plus à l’école. Le narrateur et ses amis sont pénétrés par la crainte de la présence du prisonnier noir. Pour eux ce n’est pas un « ennemi » ;ils assimilent les gens de couleur à des animaux. Le Noir est bien plus grand et plus fort qu’aucun être humain adulte du village. Son langage, ils ne le saisissent pas comme une langue étrangère. Ils éprouvent une terreur sacrée.
Ce personnage va devenir pour les enfants un animal-dieu, un être plus ou moins sacré « à cause de son absolue beauté ». Les mois passent et les adultes s’en désintéressent en attendant les ordres de la préfecture tandis que pour le narrateur et ses amis il est le principal centre d’attraction. D’inquiétant, il devient bienveillant, voire un compagnon de jeu pour les enfants, sans cesser d’avoir pour eux un caractère animal et sacré. La relation est ambigüe, mais elle évolue…
Puis les adultes interviennent à nouveau, changeant la donne. La fin est très cruelle et ne laisse aucune illusion sur les relations humaines, « A War of Everyone against Everyone » comme disait le philosophe Hobbes.
Et pourtant j’ai été assez satisfaite du tout dernier événement, d’une sorte de justice sauvage perpétrée par les enfants.
Le narrateur a bien le point de vue d’un enfant, privé de toute éducation, mais il s’exprime dans un langage soutenu, une prose simple mais élaborée, qui ne convient guère à sa condition sociale telle qu’il la décrit. On le suppose adulte, sorti de la misère et de l’inculture, et relatant de façon aussi réaliste que possible un terrible souvenir d’enfance, en le plaçant dans une perspective mythique.
Un récit remarquable de justesse et de vérité.****
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