Film de Paolo et Vittorio Taviani (1977)
Vers 1920 en Sardaigne une famille de paysans élève des chèvres. Ils ont plusieurs enfants et vivent dans la précarité.
Le père fait irrruption un jour à l’école du viallge pour en arrache Gavino son fils aîné âgé de 6 ans . C’est l’incipit du film. Malgré les supplications de l’institutrice, il emmène le gamin non sans avoir expliqué ce que sera sa vie : là-haut sur la montagne, il y a la bergerie familiale ;le garçon va s’en occuper, seul, la nuit comme le jour.
Ce premier épisode est dramatique ; mais nous comprenons que le destin de Gavino, qu’on pressent singulier, est aussi celui de la plupart des autres élèves, qui craignent eux aussi de devoir quitter l’école pour travailler…
Tout au long du film, les relations de Gavino avec les autres bergers ( souvent contrariées nous sont montrées) ; on a l’occasion d’apprécier que son père est particulièrement sadique.
Gavino demeure berger jusqu’à ses vingt ans : existence dans une cabane, ne voyant jamais âme qui vive ; il lui est défendu de communiquer avec les autres bergers. Tout manquement aux règles se solde par des corrections paternelles d’une rare violence, dont l’une faillit lui coûter la vie.
Il ne parle qu'avec les chèvres qui lui font des reproches ; aucun pitié n'est à attendre , ni des hommes ni des animaux.
Le paysage montré est rude, les tons sobres. L'être perdu dans l'immensité alterne avec les gros plans.
Un jour, au printemps, il voit passer un accordéoniste qui joue une valse de Strauss. La musique va désormais compter pour Gavino ;il réussira à se procurer l’instrument et à en jouer.
Les sons ont toujours beaucoup compté pour lui : mais en lieu et place des bruits de la nature, il va découvrir le monde plus riche de la musique.
Un hiver particulièrement rude qui met à mal la plantation d’oliviers change le cours de la vie de Gavino.
Il va pouvoir quitter la maison familiale, se scolariser, découvrir que le monde existe, la guerre, l’art, la société, s’affronter avec son père, gagner son indépendance et une sorte de liberté.
Toutefois, les rassemblements de la famille et de la communauté sont fréquents et Gavino y a sa place, un peu différent tout de même. Il a perdu l’habitude de parler, et est affecté par moment d’un balancement rythmique qui évoque la schizophrénie. Ce symptôme revient tout au long du film. Il est la conséquence de la solitude d’un isolement répété, et des mauvais traitements infligés.
La lutte sans merci avecle père est un moment clef du film : la violence extrême y est accompagné du concerto pour clarinette de Mozart, musique insupportable au père. le monstre prend la famille à partie
Les Frères Taviani se sont inspiré d’un récit de vie autobiographique « l’Education d’un berger Sarde »écrit par Gavino Ledda, qui prend la parole à la fin du film. Disant à quel point il est attaché à ses racines, et demeurera un fils maudit.
Gavino reste un être singulier aux prises avec l’élémentaire de la communication, ce qui suppose de sa part une intelligence des complexités des langues, et de la façon dont elles gouvernent les civilisations.
Le film a été réalisé avec un petit budget pour la télévision ; cependant il fut présenté à Canne et y remporte la palme d’or en 1977.