Gallimard, 1986.
367 pages. 6 chapitres portant tous des noms de lieux.
C’est le recueil de souvenirs d’un violoncelliste retiré dans la demeure de son enfance ( Bergheim près de Stuttgart) qu’il a rachetée à l’occasion d’un héritage.
Le sujet du roman n’est pourtant pas un lieu, mais un homme, Florent Seinecé, ami du narrateur Charles Chenogne : « un nom qui chuinte et l’autre qui siffle ».
Le narrateur a perdu son ami, quatre ans plus tôt et écrit pour lui rendre hommage, et lutter contre l’oubli. Il est important de garder une trace –de ce qui bientôt ne nous importera plus et « Qu’est-ce qui nous importe ? Qu’est-ce qui nous plaît ? Nous attire ? … un corps ou le vide qui nous en sépare ? Je parierai pour le vide qui nous en sépare ».
C’est au service militaire en 1963, qu’il fait la connaissance de Florent dans un salon de coiffure vide, après s’être fait arraché une dent. La demande initiale vient de Florent lui-même qui se met à chanter-mal- une comptine dont il réinvente les paroles. Ne l’ayant pas vu, l’autre rectifie naturellement les paroles et l’air. Florent est enchanté de cette intervention. , demande encore d’autres comptines, et offre des bonbons. Il collectionne les comptines et les bonbons.
Beaucoup de comptines rythment agréablement le récit. Elles ressemblent un peu à des haïkus. Les chansons sont encore plus nombreuses, dont on cite deux ou trois vers de temps à autre.
Les deux jeunes gens vont se fréquenter chez la vieille dame qui héberge Florent ( « la maison de St Germain en Laye ») . La pièce où loge Florent rappelle à Charles la salle de musique où il jouiat enfant, à Bergheim. Les Chenogne sont des Français ayant toujours vécu dans une province le Wurtemberg, aux frontières incertaines, revenue aux Prussiens en 1971, mais pas à la France en 1919, contrairement à l’Alsace et à la Lorraine. Charles et sa famille sont donc resté bilingues.
Florent et lui sont des personnages antagonistes, Florent connait bien les langues anciennes et Charles le violoncelle et l’allemand, Florent a déjà, jeune une femme et un enfant, et Charles passe de femme en femme, sans se fixer.
Le troisième lieu c’est Borme en Provence, où va se nouer une intrigue, puisque Isabelle, femme de Florent y sera entre les deux hommes.
Il n’y aura pas d’autres intrigues, dans ce roman, sauf l’évolution de la relation entre Charles et Florent. A l’occasion de nombreux passages « à vide », Charles s’interroge sur le lien qui l’unit à Florent. « Le premier, Seinecé, m’avait offert, plus loin que la camaraderie, un peu d’affection désintéressée. Quelque chose qui me paraissait l’apanage des héros d’Homère mais certes pas des dieux , ni des disciples de Jésus ». L’égalité des échanges, et l’échange des positions entre les deux n’est que rarement obtenu. Le plus souvent, Florent est actif et demandeur dans la relation, et Charles est dans la position de celui qui reçoit d’où son insatisfaction, et sa culpabilité.
Le thème de l’amitié est ce qui m’a plu davantage dans le roman, mais il n’est pas le seul. Nous avons aussi les relations amoureuses de Charles ( un peu répétitives, les femmes sont toutes semblables à la première), ses souvenirs d’enfance, son évolution en tant que musicien, l’expérience du deuil, et ces lieux divers où il vit à des moments différents : le quai de la Tournelle, où il va revoir son ami, la Muette sur les bords de la Loire ( le narrateur y vit seul dans une ancienne maison de pêcheur à certains moments) ; la villa de Saint-Martin en Cause ( il y vit une liaison courte et orageuse) et la route des Grandes Alpes…
Au total, un récit poétique, et rempli de réflexions intéressantes ( qui sonnent souvent comme des citations), de belles descriptions, trois personnages au moins auxquels on s’attache, un rythme lent méditatif ( agréable à mes yeux, mais il faut aimer) et quelque longueurs tout de même. Les longueurs ce sont les récits des aventures amoureuses de Charles, dont il aurait pu ne retenir que la première, seule vraiment importante…
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