On avait dit au vicaire tout à fait par hasard « Vous devriez faire de la poésie » et le vicaire avait composé un poème, entre autres,dont les deux premiers vers étaient :
« J'aime la bonne soupe
Le soir après les vêpres »
Il la montra au curé qui lui dit : « Pour la première fois, ce n'est pas mal cette histoire de soupe ; mais ça ne rime pas et ça n'a pas de rythme. A mon avis, si vous n'alliez pas si souvent à la ligne, ça serait de la prose ».
Et le vicaire concéda qu'il pourrait introduire quelque coupe. « Une coupe de vin ça n'est pas déplacé dans un bon repas et ça rime avec soupe. C'est ennuyeux pour les vêpres, dit-il, je ne vois que cèpes, mais il manque un « r ». Est-ce permis? Ou alors lèpres, mais comment introduire ce mot dans un morceau si joyeux? »
« Voyez-vous, fit le curé, c'est là la difficulté de la poésie. »
Et le vicaire haussant les épaules conclut « c'est un genre faux », et n'en écrivit plus jamais d'autre.
Référence « 128 poèmes composés en langue française de Guillaume Apollinaire à 1868 »choisis et présentés par Jacques Roubaud, (pièce N° 96) Gallimard, 1996.