1ere publication 1947
LP, 2001. 190 pages.
Le narrateur Charles Alavoine s’exprime à la première personne.
je n’avais pas encore lu de Simenon en »je ».
Ce doit être assez rare...
Charles s’adresse à son juge d’instruction pour tenter de se faire comprendre.
Le lecteur prend connaissance de la lettre, ce sera lui le juge.
Va-t-on comprendre Charles, condamné pour avoir tué sa maîtresse, crime considéré comme passionnel, et qu’il déclare, lui, être prémédité ( ce qui n’exclut pas le geste passionnel).
Pour expliquer son geste, que nul n’a compris, Charles entreprend de raconter sa vie. Il a été élevé par sa mère, qui a toujours été à ses côtés, même lorsqu’il se maria avec Jeanne, puis avec Armande. Elle lui a donné le choix entre deux professions : curé ou médecin, il a choisi la seconde option.
Venu d’un milieu modeste, il est mal à l’aise avec ses collègues. Sa seconde femme Armande s’occupe si bien du foyer, qu’il sent sa position aléatoire, et se désintéresse de ses enfants.
Un jour, à Nantes où l’appelait son travail, il rencontre Martine, laquelle vient vivre à La Roche sur-Yon pour y être la secrétaire de Boquel, un magistrat alcoolique.
Ils passent la nuit ensemble dans un hôtel minable, saouls tous les deux.
« Tandis que je lui tendais le verre en lui soutenant la tête, j’ai vu sur son ventre, une couture encore fraîche, une cicatrice d’un vilain rose qui le traversait verticalement »
« Voyez-vous cette cicatrice-là pour moi médecin , c’était un peu ce qu’est pour vous, juge, un extrait de casier judiciaire ».
Mais Charles ne la plaint pas, ni ne lui demande ce qui est arrivé. Il estime avoir là une prostituée qu’il doit amener en quelque sorte sur le chemin de la Rédemption.
Peu attiré par Martine, il s’engage néanmoins avec elle dans une relation sadomasochiste, et ne tarde pas à quitter son domicile conjugal, s’installer ailleurs avec sa victime.
Pendant la première partie Charles m’est presque sympathique, on imagine que son crime va s’expliquer, qu'il a découvert que sa maîtresse le trompait... que sais-je? j'étais prête à l'absoudre...mais dès qu’il commence à relater les souffrances qu’il fait endurer à la pauvre Martine (il la prétend consentante, mais elle n’est pas là pour confirmer, et nous n’avons qu’un seul point de vue), on peine à le suivre..
Ses protestations d’amour envers la victime, et ses manières de dire je l’ai tué pour tuer la mauvaise Martine (la pécheresse) font vraiment horreur. Charles, contrairement à ce qu’il dit, est atteint de pathologie mentale. Il serait dangereux de le laisser sortir.
L'écriture de Simenon sèche et précise, sans fioritures, nous laisse éprouver toute l'indignation possible.
Charles lui non plus n'a pas réussi à se convaincre que son crime était dicté par l'amour, d'où son geste final.
Car le juge, c'est lui aussi.