Tzvetan Todorov « Eloge du quotidien », essai sur la peinture hollandaise au 17eme siècle
L'auteur étudie la naissance et l'épanouissement de la" peinture de genre" au 17eme siècle, et qui fut portée à son apogée par les peintres hollandais.
l'invention de la scène de genre proprement dite ( ainsi que d'autres conceptions telles que la nature morte, le paysage, le portrait) témoigne d'un affranchissement vis-à vis du religieux qui est l'indice d'un vrai progrès de l'esprit humain. les hollandais n'ont pas inventé le poisson dans le plat mais le fait que ce ne soient plus les apôtres qui le consomment mais des citoyens ordinaires, remarquait Malraux.
Dès le seizième siècle, on voit d'ailleurs que les scènes religieuses se transforment : la vierge est souvent représentée dans une belle salle cossue avec feu de bois; elle est richement vêtue, l'enfant de même. Sa coupe de cheveux est travaillée. Elle se livre à des travaux quotidiens. Saint jérôme est de moins en moins souvent dans le désert. Il arrive parfois qu'il médite dans un bureau confortable... ce ne sont là que des prémices.
La religion se transforme. Avec le luthéranisme, elle acquiert une certaine dose de laïcité. Des peintres tels que Cranach changent de sujet : des scènes morales et quotidiennes en même temps apparaissent comme sujets de tableaux.
Mais l'épanouissement de cette peinture c'est selon Todorov, l'absence de sujet. On va représenter des citoyens ordinaires dans leur vie de tous les jours occupés à des tâches ou à des plaisirs ( les scènes d'auberge, fêtes et réceptions ne sont pas en reste).
En outre les peintresveulent montrer la prospérité de cette société qui jouit de privilèges tels que la bonne marche du commerce, l'élévation du niveau de vie, tout ce qu'autorise une assez longue période de paix.
Cette société là, dit Todorov, prévilégie les représentations d'activités dévolues traditionnellement aux femmes. Scènes domestiques, travaux d'aiguille, lecture, cuisine, conversation, musique, repas pris en commun, relations sexuelles plaisantes, nombreuses présences d'enfants et d'animaux domestiques.
Les scènes violentes telles que la chasse, le viol, et dures telles que les travaux des champs en sont exclues. Restent tout de même les rixes d'auberge.
Pour Todorov,tout cela signifie que cette société sait jouir de la vie, et montrer la beauté des gestes les plus élémentaires. Ce que nous ne savons plus faire actuellement.
Il va plus loin cependant, et interprète les significations cachées de certains tableaux.
Certains tableaux font l’objet d’une classification intéressante. Notamment les tableaux de « scène de lettres », scènes d’auberge, des tableaux avec des personnages en action qui veulent dire autre chose que leur titre et dont les apparences sont trompeuses.
La buveusePieter de Hooch
Le petit chien Franck Mieri
Gabriel Metsu l'enfant malade
Gabriel Metsu femme écrivant une lettre
Gerard Dou femme accrochant un coq à la fenêtre : elle l'a eu celui là!
Gerard Ter Borch le Concert avec joueur de luth théorbé
Des peintres tels que Gerhardt Ter Borch, et Pieter de Hooch, que je connaissais seulement de nom ou pour avoir vaguement jeté un coup d’œil sur un tableau dans quelque musée, prennent soudain un relief inattendu.
« De Hooch est le premier à peindre le dehors comme s’il s’agissait d’un dedans »
Il choisit pour cela un espace intermédiaire : la cour »
Vermeer peignait en transcendant le sujet (jeune fille à la perle) c’est pourquoi il est moderne.
Plus qu'un ouvrage sur une période de l'histoire de l'art, c'est aussi l'esquisse d'une philosophie de la vie.