LP ,2009, 218 pages.
1ère publication mai 1925.
Intéressée par "Ulysses" de Joyce, qu’elle a lu en 1920 et pas vraiment aimé, Virginia Woolf souhaite s’essayer au même exercice, pour en tirer son œuvre à elle.
Elle raconte une journée de juin également, en 1923, l’action ayant lieu aussi dans la capitale de son pays, et même dans un espace restreint (le quartier de Westminster, et Regent’s Park). Les personnages s’expriment par monologues sans transition forte. Les personnages évoluent tantôt dehors( la rue, le Parc qui a beaucoup d’importance) tantôt dedans( leurs demeures, un café un magasin, un autobus) en alternance. Toujours en mouvement, puisqu’en pensée.
Clarissa Dalloway 52 ans, s’apprête à donner une réception le soir , et sa journée est réservée à la préparation des festivités. En outre, elle rencontre Peter Walsch son ancien fiancé de retour des Indes, et tous deux vont évoquer d’autres journée s d’été trente ans auparavant, dans une propriété familiale du père de Clarissa, dernier été d’une jeunesse libre avant les contraintes du mariage et de l’exil.
En filigrane nous suivons la journée bien plus sombre, dans un récit qui n’est déjà point trop gai , de Septimus Warren-Smith, ex-jeune soldat, revenu de la Grande guerre encore toute proche, profondément traumatisé psychiquement. C’est un narrateur omniscient qui relatera son passé au milieu du récit car Septimus n’est pas connu du petit microcosme de la société où évolue Clarissa.
Bien d’autres personnages interviennent dans le récit monologué de cette journée, connaissances de Clarissa, femme de Septimus, simples passants.
On a dit que ce roman était dépourvu d’intrigue, et ce n’est pas vrai. Des intrigues, il y en a beaucoup dans ce récit ! des intrigues de leur défunte jeunesse que revivent Clarissa et Peter chacun dans leur pensées, physiquement ensemble ou séparés. Une intrigue qui concerne la fille de Clarissa, pour qui sa mère craint l’influence de certaine personne ; le devenir de Clarissa qui passe de l’inquiétude à un bonheur relatif, et inversement suivant les heures de la journée et ce qu’elles apportent. Le devenir de Septimus, progression vers une fin de journée que l’on devine difficile.
De ma première lecture interrompue (il y a …. bien des années) je ne me souvenais que de Septimus et de sa jeune femme. Ces personnages seuls, m’avaient intéressée à l’époque ! et pourtant L’auteur ne met en œuvre aucun effet dramatique appuyé, elle laisse s’écouler cette histoire avec beaucoup de pudeur.
J’avais interrompu ma lecture parce que Clarissa et Peter me saoulaient avec ce que j’appelais leurs bavardages futiles incessants. A présent, je serais bien moins sévère à leur sujet. Clarissa doit remplir le vide de sa vie avec des réceptions, et elle réussit à transcender ses occupations en y percevant un rituel religieux : les réceptions sont une « offrande » qu’elle fait « à la vie ».
J’apprécie également les belles métaphores ( parfois effrayantes) qui sont en rapport avec la nature et les arbres.
Enfin la critique sociale est de la partie et elle est impitoyable. Dans ce registre aucun personnage ne sera épargné( le député balourd et paysan ; la gouvernante Quaker psychorigide et soi-disant mystique, les médecins cruels et irresponsables…) vu qu’ils se jugent les uns les autres et que nous avons beaucoup de points de vue différents.
Bref un beau livre redécouvert au cours d’une lecture commune avec Keisha, Mango, et Girl from Earth.