Gallmeister, 2013, 279 pages
Titre original : Dirt ( 2012)
Galen 22 ans, vit avec sa mère dans une grande propriété près de Sacramento en Californie. On est à la fin de juillet, c’est la canicule.
Cela nous change-t-il du froid terrible de l'Alaska? Oui et non! En enfer, on brûle souvent mais on gèle aussi!
Galen ne fait rien de ses journées, sauf relire le Siddhartha de Hesse, et le Prophète de Khalil Gibran,ainsi que des revues pornos. Il s’est converti à une sorte de bouddhisme très personnel mâtiné d’animisme. Il pratique la méditation, cherche à se détacher de l’enveloppe corporelle, s’impose des épreuves de résistance à la douleur, croit pouvoir léviter.
Mais Siddhârta était parti seul pour vivre son aventure ; Galen, lui, dépend de sa mère ses pratiques nous semblent des efforts naïfs pour se protéger de quelque terrible vérité, ou traduire sa situation par des métaphores: il se couvre fréquemment de terre, de boue ( le titre original est »Dirt » ) et la terre comme élément joue un rôle important. Évidemment, « dirt » c’est aussi l’abjection morale. Lesquels de ces personnages sont abjects,c'est au lecteur de décider…
De temps à autre, Galen rêve d’aller à l’université, de faire un voyage en Europe. Mais sa mère ne veut pas lui donner d’argent. Elle le veut près d’elle. Pourtant, l’attitude excentrique de Galen, ses pratiques « mystiques », ne lui inspirent que répulsion. Dans ses moments de lucidité, Galen réclame violemment à sa mère l'argent qui lui permettrait peut-être de vivre sa vie...
Le monde extérieur se résume à la grand-mère de Galen, une femme qui a perdu plus ou moins la tête, et « la mafia », c'est-à-dire la tante de Galen et Jennifer sa cousine de 17 ans, qui s’invitent chez eux, avec des intentions bien arrêtées. C’est par les deux femmes venues de l’extérieur que le scandale arrive. Galen déjà masochiste dans ses divagations, est pour sa cousine une proie facile. Il va aussi découvrir que les deux femmes, avec leurs manigances provocantes, réussissent à obtenir de ses mère et grand-mère plus qu’il n’en aura jamais !
Comme dans les autres romans de Vann, il s’agit d’un affrontement entre deux personnes proches qui évolue tragiquement. Le monde extérieur y est moins présent que dans « Désolations » et l’intrigue davantage resserrée entre deux personnages (comme dans Sukkwan Island). Si la tante et la cousine sont importantes pour l’intrigue, elles sont un peu limitées comme personnages. La mère de Galen est une présence insistante, une femme qui collectionne les moindres objets du passé. On aimerait en savoir plus sur elle, mais c’est le point de vue du jeune homme qui domine toute la narration.
Vivre dans la seule conscience de Galen se révèle pénible. Son « bouddhisme » est primaire, bourré de clichés, et cependant pathétique. On est impressionné par son effort pour se soutenir à l’aide des éléments naturels, du travail laborieux et de ses constructions délirantes. On apprécie encore le rendu de la violence inouïe qui règle les relations des
uns et les autres ; l’atmosphère de terreur, l’intensité et la déréliction.
commenter cet article …