Buchet-Chastel. Environ 250 pages.
Claire, fille de paysans, possédant une ferme dans le Cantal à mille mètre d’altitude pas trop loin de Saint-Flour.
Après sept années de pensionnat religieux à St-Flour, elle fait Lettres Classiques à la Sorbonne, devient prof, et nous la retrouvons à l’âge de quarante ans, propriétaire d’un appartement à Paris, passant ses vacances avec sa sœur aînée (sage-femme) et son neveu, en voyages et sorties culturelles. S’étant accommodée de sa double appartenance, Paris et le Cantal. Mieux vaut deux pays que pas du tout !
1ere partie : la narration est assumée par « on » entité comprenant Claire encore enfant, ses parents, son frère, et une relation chaleureuse avec sa tante et son oncle installés à Gentilly, elle postière et lui ouvrier à Paris ; une première approche de la capitale et de son ambiance. Les déplacements chez l’oncle et la tante, et observations de leurs différences lorsqu’ils rendent visite au pays.
Le pays natal est rendu avec bonheur ( je veux dire « bonheur d’expression ») : ce n’est pas un éden, c’est un lieu où l’on vit, où l’on travaille, la besogne est constante, des moments de repos sont durement gagnés, au passage on jouit fugacement « du feulement continu de la rivière », des « fragrances d’été, grillons têtus, » et « promenades de nuit…jonchées d’étoiles et lune laiteuse »
2me partie : Claire étudie à la Sorbonne, narration 3 me personne point de vue de Claire : trois ans avant son concours, axée surtout sur le latin et le grec. Ses difficultés » les études sont sa guerre » et ses triomphes discrets. Vivant chichement d’une bourse, et de remplacements dans une banque au Palais Royal deux mois l’été.
« Juillet flamboyait dans sa gloire de jambes nues, de pieds finement gainés de savantes lanières et de robes plus ou moins minimalistes … » . il y a de la beauté, ressentie par l’étudiante, de l’envie, une lucidité critique qui ne la quitte pas, même dans l’émoi.
Un professeur M ; Jaffre ; un étudiant allumé Jean-René, une étudiante généreuse Véronique. Une véritable amie Lucie, ses parents si agréables qui accueillent l’étudiante esseulée, une famille cultivée, qui fait découvrir à Claire la musique( Bach) la littérature ( dont Flaubert et Félicité) le cinéma ( le terrible A nos amours de Pialat ). Quelques amis hommes (pas mal mais ne méritent pas le nom d’aventures). Une femme de la banque Mme Rablot, ses problèmes avec les hommes mari fils frères « les deux syllabes de Michel, qui était celui de son défunt frère, creusaient dans sa voix un abîme de douceur fugitive et navrée ».
L’après midi chez Véronique et ses parents : « On écoute de la musique « La Callas, prêtresse majuscule s’évertuait, répandue, inqualifiable et difficile. C’est du moins l’impression majeure qu’en retira Claire, abasourdie par cette exécution en règle. L’air était grand ,et italien. Véronique et ses parents se taisaient dans le silence qui suivit l’éruption ; on se rhabillait, quelque chose resterait engorgé sous les mots, avait été nu dans la pièce tapissée de livres, une femme avait crié ».
3 me partie. Claire a quarante ans. Elle est devenue ce que j’ai dit dans le prologue. Vient chercher son père ( 70 ans) à la gare de Lyon et son neveu, pour quelques jours de vacances. Narration à la troisième personne, Claire d’abord, puis surtout son père. « Avec des femmes comme Claire, qui ne voulaient pas se charger d’une famille, supporter un mari, des enfants, et habitaient dans des appartements bourrés de livres, allaient à des spectacles ou voir des peintures dans des musées , à Paris , en Autriche, à New-York, au lieu d’élever des gosses et de s’occuper d’une maison, avec rien que des femmes comme elles , qui gagnaient leur argent sans attendre après les hommes, ça serait bientôt la fin du monde ». C’est par la voix et les réflexions désabusées du père, que nous comprenons que Claire a réussi sa vie.
Conclusion sur une visite au Louvre. Il trouve que les sols sont beaux.
Belle narration, langue choisie, phrases inspirées, sans rien d’ampoulé ni de faux ! On y croit, et on apprécie. Un ensemble assez désenchanté mais plein de vigueur, de la subtilité dans des phrases très travaillées. Un auteur à lire encore.
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