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25 janvier 2006 3 25 /01 /janvier /2006 22:41

 

2253139076-08--SCLZZZZZZZ-V24159422-SS500-.jpgCe roman est paru en 1992, traduit pour les éditions Actes sud en 1993.

Porte en exergue « Tout état actuel est corrompu » Ralph Emerson.


1) Le Léviathan est dans le Livre de Job un monstre gigantesque, qui sera plus tard représenté par une gueule ouverte ; dans la langue, il passe pour désigner toute chose monstrueuse et terrifiante.


Avec Thomas Hobbes en 1651, il devient l’Etat, l’état despotique, le pouvoir absolu, le seul qui, malgré son visage peu amène semble au philosophe le garant d’une vraie société civile.


Le romancier allemand Arno Schmidt intitule « Léviathan » une de ses nouvelles qui décrit la fuite désespérée de civils à Berlin, sous les bombes en 1943. On y rappelle que Nietzsche appelait l’état « un monstre froid ».


2) La narration est classique en cela qu’elle commence par la fin et reprend tout de suite à un moment antérieur où se sont rencontrés les deux personnages principaux ; puis des allées et venues dans le passé, au hasard semble t’il des souvenirs du narrateur qui cherche à reconstituer le pourquoi de l’événement qui ouvre le livre.


3) Pete Aaron, écrivain et narrateur de l’histoire, vient de lire dans la journal le récit de la fin « explosive » de son ami Benjamin Sachs. Entouré de dynamite, jusqu’à devenir une véritable « bombe humaine », il s’est donné la mort dans sa voiture sur une autoroute.

Pete s’attend à la visite de la police, et n’est pas étonné de cette fin pour Benjamin. Le destin de ce dernier fut marqué par la bombe qui explosa à Hiroshima au moment de sa naissance le 6 août 1945.

Pete évoque la vie de son ami : un itinéraire de quarante ans qui passe par l’écriture. Si Pete et Benjamin sont tout deux écrivains de fiction, Benjamin n’a écrit qu’un seul roman : un livre dans lequel il essaie d’imiter « tous les styles »moins pour faire preuve de virtuosité que faute de pouvoir opter pour une seule solution. Le parcours de Sachs est semé de détails significatifs quant à son problème d’identité et sa conviction d’être « l’enfant de la bombe ».


Par exemple, la mère de Ben l’emmena enfant avec ses copains visiter la statue de la Liberté. Saisie de vertige, elle s’assied sur une marche, tandis que son fils grimpe tout seul dans la « torche » et s’y livre à des contorsions dangereuses… au cours d’une fête, déjà marié, Ben se laisse séduire par une « allumeuse » et la fuit jusqu’en haut d’un échelle de secours d’où il tombe de plusieurs mètres de haut. Sa vie change ; il divorce, cesse d’écrire, se retire dans une maison en forêt.

L’itinéraire de Sachs prend un relief inattendu ; le nouveau livre sur lequel il travaille « Léviathan » , dont on reste à ignorer le contenu, ne l’empêche pas de rencontrer un homme en voiture, qu’il tue, en état de légitime défense. Dans le véhicule, il trouve des explosifs, et beaucoup de billets de banque. Apprenant que l’homme est marié et père, il ne veut pas le livrer à la police et s’obstine à vivre chez sa femme, lui donner l’argent, adoptant sa fillette. Tout cela ne lui apporte guère de satisfaction ; alors, il commence une carrière de terroriste à l’image de l’homme qu’il a tué.

Cet homme travaillait pour le FBI : Sachs, lui, ne s’attaque qu’à des statues de la Liberté en miniature contre lesquelles il commet nombre d’attentats, avant de s’en prendre à sa propre personne.


En conclusion, le couple Pete/Benjamin apparaît comme un organe qui comprend deux individus complémentaires l’écrivain qui a réussi et veut croire aux valeurs de la création littéraire (c’est aussi un personnage mineur, effacé) et celui qui n’y croit plus et cesse vite d’écrire, pour se lancer dans l’action. Des actions un peu dérisoires : attenter à des statues de la Liberté… sans pouvoir s’en prendre à la principale… mais courageuses et d’une valeur symbolique.


Ce roman témoigne à travers ses personnages d’une nation en quête d’identité, qui a perdu ses repères.


  Plutôt intéressant mais les femmes présentées dans le roman sont un peu stéréotypées.

 

 

 

 

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25 janvier 2006 3 25 /01 /janvier /2006 11:40

274275833X-01--SCLZZZZZZZ-V44494308-SS500-.jpgPaul Auster : La Nuit de l’oracle. Actes sud, 20002.

 

Il s’appelle Sidney Orr, d’une famille polonaise Orlowski, et son nom a été amputé pour cause d’exil. Il se remet d’un grave accident survenu en janvier 1982 (chute dans un escalier, traumatisme, collapsus). Nous sommes le 18 septembre de la même année, il est sorti de l’hôpital depuis trois mois. Avant sa chute, il écrivait avec l’ambition de faire de la littérature et obtenait des succès moyens. 

 

Il s’aventure jusqu’à une nouvelle papeterie tenue par un chinois, choisit un carnet bleu portugais, dans quoi il reconnaît le support adéquat pour recommencer à écrire sur un canevas qui lui a été suggéré par son ami écrivain John Transe.

C’est une anecdote relatée par le détective Tom Spade à Brigid O’Shaugnessey dans le « Faucon de Malte » : un nommé Flitcroft échappe de peu à la mort- une poutre s’écrase tout près de lui dans la rue- et décide que c’est un signe du destin : il va commencer une nouvelle vie et disparaître. 

 

Tenté par le départ à zéro, Sidney invente son propre personnage « Nick Bowen », sorti pour acheter des allumettes, qui voit une gargouille tomber d’un mur à côté de lui. Déjà troublé le matin même par une femme qui n’est pas la sienne, ennuyé par son métier d’éditeur qu’il n’aime plus, il décide de recommencer sa vie et prend arbitrairement un avion pour Kansas City en lisant le dernier livre qu’on lui a donné « La Nuit de l’oracle » (un aveugle devin qui cède au suicide pour sa trop précise connaissance de l’avenir).

 

Deux jours après ses retrouvailles avec l’écriture, Sid s’inquiète du comportement de sa femme Grace, qui semble se sentir coupable, troublée , disparaît et reparaît de la maison sans lui donner d’explication, est enceinte et ne veut pas vraiment de l’enfant, alors que Sid et elle sont mariés depuis peu. Mais il a passé des mois à l’hôpital le plus souvent inconscient, en tout cas invalide.

 

Il continue à écrire, concoctant des fictions diverses pour broder autour de son problème personnel. "Nick Bowen" se trouve sans point de repère à Kansas City, travaille sous terre pour un collectionneur d’annuaires téléphoniques datant de la dernière guerre ; dans ces annuaires on trouve les noms des familles polonaises déportées pendant la guerre. Dont les Orlowski. Le propriétaire du sous-sol a engagé Nick pour garder son abri antiatomique dans lequel il s’installe malgré un sentiment de claustrophobie aigu… 

 

Sid commence par ailleurs un scénario de film à propos d’un garçon qui voyage dans le temps du passé à l’avenir, et d’une fille qui fait ce même voyage en sens inverse, de sorte qu’il se retrouvent en 1963 avec l’ambition d’empêcher l’assassinat du président Kennedy… puis Grace fait un rêve qui reprend l’histoire de Nick Bowen qu’elle n’a cependant jamais lue. 

 

Les fictions s’entremêlent sur papier et dans l’esprit de Sid pour tenter d’élucider les mystères de sa vie, ce qu’il ignore et voudrait savoir ( le comportement de sa femme, ses ancêtres polonais, ses actes personnels qu’il interroge, afin de connaître ses pensées inconscientes. 

 

Sa vision de la littérature tient de la superstition et du fantastique (on écrit ce qui va nous arriver comme un rêve prémonitoire plus ou moins masqué) interroge l’idée de toute puissance (peut-on en écrivant provoquer des évènements ? l’écrivain qui a conté une noyade d’enfant et vu sa fille se noyer par la suite, est-ce une coïncidence ?) et tente d’élaborer des mythes explicatifs de sa propre situation. Ces histoires aident le narrateur Sid qui traverse une phase critique de son existence. 

 

Ces fictions qui s’emboîtent les unes dans les autres, et l’interrogation sur la littérature, sa gestation, ses buts, son utilité, ne parviennent pourtant pas à une reformulation inédite du « pourquoi écrit-on ? » même si l’investigation est intelligente et bien menée.

 

On aime l’humour discret mais insistant, générant des situations absurdes et tragi-comiques qui inquiètent et font sourire : l’époux extrêmement amoureux qui a « sa misérable faiblesse masculine » ; les messages d’amour laissé sur le répondeur d’une femme qui les lit trop tard, l’étrange comportement du papetier Chang, l’histoire des deux jeunes qui remontent le temps pour « annuler » l’assassinat d'un président, le chauffeur de taxi qui collectionne les annuaires téléphoniques et vit dans un abri antiatomique, les messages téléphoniques nombreux que leurs destinataires écoutent trop tard, une abondance de messages qui restent lettres mortes.

 

Un très bon " Auster", davantage ludique que " L'Invention de la solitude", et tout autant générateur de réflexions sur la vie et l'écriture.

 

 

 

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14 janvier 2006 6 14 /01 /janvier /2006 18:18

51FSSCN7ZCL.-AA240-.jpgPaul Auster (3/02/1947 à Newark ( New-Jersey).

 

Eléments biographiques

 

 

Diplômé de Columbia University, vit en France de 1970 à 1974, puis à Brooklyn. Il cumule les activités d’essayiste ( « The Art of Hunger » ; « White Space » de traducteur, de poète. ( « Unearth »), et de romancier.

En 1982 , « The Invention of Solitude » inaugure cette carrière de romancier, tardive par rapport aux autres activités. La trilogie new-yorkaise témoigne de recherches poétique et linguistiques. C’est avec « Léviathan » qu’il obtient le prix Médicis étranger en 1993.

 

 

L’Invention de la solitude .

Le récit se divise en deux parties : « Portrait d’un homme invisible « et « le livre de la mémoire ». C’est un roman autobiographique : l’auteur du livre et le narrateur sont les mêmes. Le récit n’est pas chronologique : le narrateur met en présence diverses péripéties et éléments qui lui paraissent se faire écho, entrer en résonance.

 

La mort du père est l’événement déclencheur qui ouvre le récit. Le narrateur vivait loin de son père et les contacts étaient rares et difficiles. Divorcé, ce père continuait à vivre dans la maison familiale pendant quinze ans tout en la laissant à l’abandon. Sa vie se déroulait ailleurs.

 

 

Le fils décide d’écrire sur son père, ayant l’impression que ce dernier ne laissait pas de trace, « ne faisait que se prêter à la vie ». Avant le mariage, à trente-quatre ans, il vit une existence mondaine, et reprendra ce mode de vie après son divorce. Sa femme se rend compte très vite que cette union est une erreur, mais elle a déjà un enfant et ne peut le quitter. Le narrateur a le sentiment de n’avoir jamais réussi à attirer l’attention paternelle. En revanche lorsque sa sœur veut consulter un analyste, le père s’y oppose violemment. Le fils le soupçonne alors d’avoir dissimulé quelque chose. Il enquête sur la famille du père, en particulier à partir d’une photographie où l’on a volontairement fait disparaître l’image du grand-père, disparition qui laisse une trace.

 

 

En 1970, il apprend la vérité : le 23 janvier 1919, sa grand-mère avait tué son grand-père à coups de revolver, en présence des enfants.

Ce grand-père, immigré d’Autriche, spéculateur dans l’immobilier, s’était séparé de sa femme depuis quelque temps. A la suite du meurtre la grand-mère tenta de se suicider, son beau-frère de la tuer…toutefois elle fut acquittée, mais poursuivie par son histoire passa le reste de sa vie à déménager, avec ses cinq enfants , tous unis en un clan. Le père du narrateur, devenu adulte travaille dans l’immobilier et réussit bien sa vie sociale tandis qu’en famille il est « absent » et silencieux.

 

II

Dans la deuxième partie, le narrateur évoque son existence à Paris. Il met en évidence quelques coïncidences mystérieuses. Il a occupé la même chambre que son père, juif, habitait pendant la guerre pour échapper aux nazis. L’espace extérieur reproduit pour lui l’espace intérieur : Amsterdam et ses canaux s’imposent comme la projection de l’Enfer de Dante, et renvoient aussi aux cercles de la mémoire et aux strates du temps.

 

 

Il sauve son fils de la mort-in extremis- et, là aussi, perçoit des similitudes entre sa vie et celle de Mallarmé qui perdit son fils dont la ressemblance avec le sien lui paraît troublante. L’esprit qui conserve dans l’écriture le souvenir, procède à une traduction du réel en fonction des structures mentales dont il a hérité : dans un texte, ce sont les autres qui parlent. Pourtant, il existe une vérité dont on peut chercher le lieu. Les coïncidences témoignent d’une cohérence que le mot « hasard » ne recouvre pas.

 

La mort du père introduit une rupture dans l’existence du fils : grâce à l’héritage, il se consacre à l’écriture. En retour, le fils cherche à donner au père une existence littéraire pour le sauver de l’oubli ; cela oblige à une réflexion sur les fonctions de l’écriture et sur une difficulté fondamentale à quoi elle achoppe. Est-il possible de décrypter l’énigme constituée par un être. Peut-on pénétrer la solitude d’un être, n’écrit-on pas une traduction subjective de la réalité, une déformation inconsciente des souvenirs ?La question du père aboutit à une remise en cause du lien de filiation qui structure la parenté et plus encore aux rapports humains. L’individu ne peut se penser qu’en référence à la collectivité. Le premier groupe humain connu est la famille.

 

Il recherche une explicitation du non-dit, à travers la parole publique émise sur l‘acte commis par la grand-mère. Cet épisode occulté apporte une information pour la compréhension du caractère paternel. Les données nouvelles font vaciller l’image première du père. D’abord indifférent au monde, il s’humanise dans un cadre social qu’il s’est défini. Cependant la somme des hypothèses logiques, rationnelles, ne parvient pas à résoudre l’énigme posée par un individu. En exposant les faits, on se rend compte qu’ils ne parlent guère.

 

 

Pour rendre cohérente son approche de la réalité, le narrateur décide que « l’univers n’est pas seulement la somme de ce qu’il contient, il est le réseau infiniment complexes des relations entre les choses. »Les séquences d’une vie peuvent répéter des épisodes déjà vécus par d’autres qui ont une sensibilité en commun. » tout paraissait se répéter. La réalité ressemblait à l’un de ces coffrets chinois : une infinité de boîtes contenant d’autres boîtes .Ici encore, de la façon la plus inattendue, le même thème resurgissait : "l’absence du père, cette malédiction »

Juif, le narrateur reproduit , en tant qu’individu, le modèle de la diaspora. Il n’a pas de lieu où se fixer, excepté l’écriture qui fixe la mémoire. Le passé, toujours présent dans le souvenir, transforme la solitude individuelle en un témoignage universel.

 

 La réflexion est très poussée.

 

l'un des premiers ouvrages d'Auster, et celui que j'ai préféré jusqu'ici.

 

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