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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 19:22

Christian Bourgois, 213.

Publié en 1987 sous le titre « Las Fantasmas »

A Buenos Aires, un immeuble en construction. Un bâtiment pour riches propriétaires, six étages, un appartement par étage. Une piscine au dernier étage. Elle est encore vide. Les appartements manquent en partie de cloisons. Un trou préfigure l’ascenseur. Les escaliers n’ont pas de rampe.

Au dernier étage, vit une famille de Chiliens, les Vinas, un couple avec cinq enfants jeunes et une grande fille de 15 ans, Patri (Patricia). La famille est très pauvre et vit sans aucun confort. Aucun appareil ménager, pas même de frigo ou de lave-linge ne vient soulager Elisa la maîtresse de maison.

Nous sommes le 31décembre, on va fêter la nouvelle année et il fait une chaleur caniculaire. Au sixième étage, c’est pire évidemment.

Les ouvriers du chantier, ainsi que la famille Vinas, y compris les sœurs, et les cousins voient des fantômes à toute heure du jour, dans l’immeuble en construction. Les esprits apparaissent sous la forme d’hommes nus, pâles et couverts d’une substance plâtreuse. Ils naissent dans les endroits les plus invraisemblables. Ils semblent facétieux et serviables ; capables de refroidir une bouteille de vin et d’en améliorer le contenu par exemple si on place une bouteille entre leur main. Ils sont toujours nus et cela pourrait gêner mais nul ne semble en souffrir.

On se doute que ces personnages sont avant tout symboliques ; il n’empêche que c’est déconcertant, non qu’il y ait des fantômes, mais que nul ne s’en étonne, ni ne les craigne.

Elisa la maîtresse de maison, lave les vêtements de la famille avec de l’eau de Javel : cela déteint les vêtements et les abîme. Ce détail m’a attristée, comme si je la connaissais, et je ne sais d’ailleurs pas quelle signification accorder à cela. Imaginer ces personnes arborant tous les jours des vêtements sans couleur….

La journée avance; les ouvriers partent ; les Vinas attendent le reste de la famille pour fêter la Noël sur la terrasse de leur dernier étage. Patri, l’adolescente, vers le crépuscule, voit les fantômes d’une autre façon (comme des hommes) et voilà qu’ils lui adressent la parole…

Le récit, comme la plupart de ceux de l’auteur, présente une situation et des personnages réalistes, avec des détails très précis, et y ajoute une dimension qu’on peut admettre comme surnaturelle (ou non, c’est au choix). Fantasma signifie fantôme aussi bien que fantasme.

L’ensemble se veut un conte philosophique, portant sur les questions fondamentales (l’art, la vie, le rôle de l’art, la destinée) tout cela à travers le vécu d’une adolescente désenchantée, ressentant le « non-construit » de l’immeuble inachevé (trou pour l’ascenseur, cloisons absentes, ouvertures sur le vide, courants d’air, singularités des ombres) comme des insuffisances personnelles.

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 15:21

dans la forêt du miroir  

Sous titré «  Essai sur les mots et le monde » Actes sud, 2003.

 

C’est un recueil de textes paru dans diverses revues, certaines ont d’abord été proposées sous forme de discours à l’occasion de conférences, causeries, ou colloques. Le sujet du livre n’est donc pas très bien cerné : «  les mots et le monde »cela me paraît assez vague. Mises en exergue de chaque texte, les citations tirées d’ « Alice » doivent former un fil conducteur ; elles n’ont fait que m’égarer davantage !  Pauvre inculte que je suis…

Alberto Manguel considère Alice comme un livre essentiel dont il effectue des relectures régulières en y trouvant toujours du nouveau.

Le premier texte parle de nomination » la tâche de nommer incombe à tout lecteur ». Le débat sur le mot et la chose est posé sous la forme du dialogue entre lecteur et œuvre, « les livres que nous lisons nous apprennent à nommer une pierre ou un arbre, un moment de joie ou de désespoir… » .

Le second parle de judéité et contient des éléments d’autobiographie. Dans une famille peu pratiquante et où l’on ne parlait pas de religion, l’auteur se découvre juif le jour où un camarade d’école lui dit «  ton père est juif, donc il aime l’argent ? » Comment assumer sa judéité lorsque l’on n’est pas religieux, que l’on n’a pas connu la guerre, et perdu aucun membre de sa famille dans l’holocauste ? A partir d’une telle question, il sera beaucoup question d’assumer sa différence lorsque l’on fait partie d’une engeance souvent confrontée à l’hostilité. Comment assumer d’être gay ?

Manguel interroge le concept de littérature gay, constate qu’elle n’a pas que des avantages ; on s’y définit, certes, mais on s’y enferme aussi.

Ensuite viennent des textes sur les auteurs argentins que Manguel lit et relit , et auxquels il rend hommage - Jorge –Luis Borges en tête. Revenant sur sa fréquentation de Borges, alors qu’il était apprenti libraire et lecteur, il raconte Borges et les femmes. Le maître était chaperonné par sa mère ; en dépit de cette dépendance, plusieurs femmes ont compté pour lui. De là on en vient au fantasme de Borges «  ce n’est pas le labyrinthe mais bien l’aleph, un lieu où l’on puisse embrasser tous les lieux ; un moment où l’on puisse tous les contenir … « la bibliothèque de Babel qui contient tous les livres possibles, y compris le récit véridique de ma mort ».  Ce serait une bibliothèque réduite à un seul volume, l’univers même, telle la carte de la nation des cartographes, suppose Manguel.

Et dans L’immortel, un homme qui a été tous les hommes, qui a vécu toutes les strates de l’histoire universelle.

C’est là un fantasme de toute-puissance, sur lequel Borges revient dans toute son œuvre.

Les autre argentins célèbres dont il est question : Che Guevara, ici réhabilité, un homme de grand courage, vrai héros, idéaliste mais lucide, Cortázar avec des éléments biographiques, Vargas-Llosas et ses contradictions politiques, un auteur difficile à comprendre dont l’évocation entraîne Manguel à relater un épisode autobiographique bouleversant : adolescent, Manguel eut un professeur de littérature remarquable et fascinant. En 1968, et jusqu’en 1982, l’Argentine fut mise à feu et à sang…

D’autres textes parlent de l’editor, le « lecteur de maison anglo-saxon » qui intervient dans l’œuvre de sorte que la notion d’auteur devrait être partagée.

Nous avons aussi des réflexions sur la muséologie : comment sont nées les collections d’œuvre d’art , comment se sont développées les expositions pour le public et quel regard cela suppose-t-il sur les œuvres ? Comment se faire une réflexion personnelle hors-contexte sur une œuvre d’art ?

Un ensemble riche, quoique un peu verbeux et chaotique. Chacun aura ses préférences…personnellement j’ai surtout aimé les épisodes sur les auteurs argentins ( sauf celui consacré à Cortázar qui n’apporte rien de plus que ce que l’on savait) l’épisode autobiographique sur la jeunesse troublée de l’auteur, et  les chapitres sur les musées.

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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 23:33

sieclelumiereFolio, 1990.

1ere publication en 1962.

 

 

Ce titre qui désigne le 18eme siècle européen gouverné par la raison, est ironique ; on ne verra que des lumières s’obscurcissant.

C’est le seul roman historique de Carpentier qui veut montrer les effets de la Révolution française importée  dans les Caraïbes.

L’action débute en1789, et s’achève à l’insurrection des espagnols contre Napoléon en 1808.

Un action très riche en péripéties de toutes sortes, qui vous emmène de Cuba à La Guadeloupe, de Paris à Bayonne, de Pointe-Pitre à Parimambos, de la Havane à Madrid, en passant par la bagne de Cayenne, et j’en oublie…

Le roman débute par un prélude non daté mais que l’on pourra aisément resituer à la lecture du livre. Ce texte consiste en rêveries sombres d’un narrateur désenchanté, sur un navire, la nuit, à propos de « la Machine » instrument qu’on reconnaître aisément ( mais qui est aussi métaphore de l’Histoire ).

 

Ensuite, nous  sommes à la Havane, vers 1789. Trois adolescents, Sofia,  Juan  et Esteban viennent d’enterrer le père des deux premiers et oncle du troisième.  Ils vont vivre un temps dans la grande maison familiale, seuls, dans un hui-clos. Les domestiques s’occupent d’eux et du commerce des grains que l’adulte a laissé en plan. Vie trépidante, pleine de rêveries, de lectures  et d’expériences enivrantes, de théâtre et carnaval improvisé.  Le paradis prend fin avec l’arrivée de Victor Hugues commerçant à Port au Prince, qui s’installe chez eux en père et grand frère en même temps.  Victor Hugues leur plaît car il ressemble à un aventurier. Il se met à gérer leurs affaires, une bonne chose, car ces jeunes rêveurs se laissaient ruiner sans le savoir. 

Les jeunes gens s’ouvrent à une vie sociale, gagnent une sorte de maturité.  Sofia délaisse son cousin pour l’homme fait,pas vraiment contente mais fascinée tout de même. Les adolescents érpoouvent des sentiments ambigus pour Victor, mais dans l’ensemble, une admiration éperdue domine.

Le but de Victor Hugues,  qui est de les gagner à la cause révolutionnaire qu’il est décidé à importer dans les Antilles, semble gagné. Le quatuor quitte la Havane pour Santiago, par les voies navigables. Esteban est fasciné par l’aspect fantastique du  réel végétal, de la nature luxuriante, presque autant que par l’action sociale…

 

C’est pour moi une relecture que ce Siècle des Lumières, et je le trouve toujours aussi réussi. Roman complexe et ambitieux qui traite plusieurs sujets, l’engagement politique de l’artiste , les événements de la Révolution française et leur impacts aux Caraïbes ( comment faire pour que la Révolution soit  plus qu’une fête ou un mythe, comment faire pour que la pouvoir  n’avilissent pas ceux qui s’en emparent ?) , la formation des jeunes gens ( Esteban et Sofia) leurs évolutions, espoirs, déceptions , mûrissements, régressions ; des descriptions magnifiques, de la nature  ( c’est là qu’on se met à l’aimer), des mouvements de foule, des mouvements d’âme ; la transformation réussie de Victor Hugues, qui a réellement existé, en un personnage de fiction, sans compter des histoires d’amour pas du tout mièvres et très bien rendues. Dans l’ensemble, une écriture superbe.

 

 


 

Lu dans le cadre du" mois cubain" organisé par Cryssilda et Lamalie

  Le mois cubain

 

 

 

Alejo Carpentier ( 1904-1980)


De père français et de mère russe, Alejo Carpentier n’en passa pas moins son enfance à La Havane, et les Caraïbes sont sa vraie patrie. Cependant, il émigre à Paris et découvre la culture européenne, en particulier le mouvement surréaliste , auquel il collabore, et qui enchante sa jeunesse. Les quelques années qu’il passe à  Cuba, dans les années 20, en tant que  journaliste, il les vivra  dans les prisons du dictateur Machado. Ses séjours à Cuba le mèneront fréquemment à l’exil, jusqu’en 1959, où il devient ministre des affaires culturelles sous Fidel Castro. Cependant, plusieurs de ses romans dénoncent la tyrannie (comme celui que je viens de chroniquer) et c’est souvent à Paris qu’il les écrit.

Carpentier est aussi un musicologue émérite qui écrivit un ouvrage sur la musique cubaine et un roman ( Concert Baroque) se déroulant à Venise au 18eme siècle.

Il obtient le prix Médicis étranger en 1979, pour « la Harpe et l’ombre » un roman qui se situe aussi à l’intersection du Nouveau Monde et de l’Ancien. Car le héros en est Christophe Colomb, reconstitution et interrogation sur cette figure historique. Je lirai probablement celui-là d’ici la fin juin.  

On lui a célébré des funérailles nationales à Cuba en 1980, en dépit de ses critiques contre les régimes de dictature latinos, particulièrement évidentes dans son roman, le Recours de la méthode...

Sources : Encyclopédie Universalis, édition 2007.


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28 août 2010 6 28 /08 /août /2010 16:11


Christian Bourgois, 2008

 

Parution originale en 1990 La Pruba

120 pages

 

Dans le quartier de Flores, où si l’on a déjà lu  certains roman d’Aira,  on a coutume de faire de singulières et périlleuses rencontres (Les Nuits de Flores) .

Marcia, une lycéenne de seize ans qui marche en rêvassant, se fait accoster par Mao et Lénine, deux punkettes agressives qui prétendent vouloir la baiser, puis l’aimer. Les deux filles sont provocantes certes, mais aussi terriblement sérieuses. Marcia cherche à s’en défaire, mais en dépit du monde autour d’eux, elle se sent très seule…

Hésitant entre frayeur et fascination, Marcia les suit( jusqu’à quel point a-t-elle le choix, vu l’attitude des gens rencontrés) dans un troquet, leur parle, finit par les accompagner dans une dérive sanglante et spectaculaire, qui, pour elle en tout cas, constitue une « preuve » de leur amour pour elle…

Le roman, qui est davantage une longue nouvelle, est très bon jusqu’au milieu du livre, la tension ne se relâche pas, et l’exploration des mentalités des trois jeunes filles est bien menée et rendue. On apprécie l’ambiguïté des personnages secondaires rencontrés par les punkettes ( indifférence feinte, dissimulant la frayeur ou le désarroi lorsque la jeune fille sort un couteau ou moralisme pour couvrir une sorte de fascination).  

 

Pourtant, je trouve que la fin c’est un peu n’importe quoi ! L’auteur a voulu édifier un morceau de bravoure, et n’a réussi qu’un morceau de bravitude…

 

 

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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 23:59

 

 

 

les nuits de FloresCésar Aira Les Nuits de Flores

Edité aussi chez Christian Bourgois.

 

Aldo et Rosita un couple âgé, livre des pizzas le soir pour arrondir ses fins de mois. Ce qui est étonnant c’est qu’ils font ce travail à pied, comme si les clients vivant près de la pizzeria ne pouvaient pas se déplacer ! Mais Aldo et Rosita semblent aller loin et livrent régulièrement des pizzas à des bonnes sœurs ! Les autres livreurs sont bien sûr des adolescents et jeunes gens à mobylette qui se font de l’argent de poche. Ils ne semblent pas s’inquiéter du vieux couple.

 

Un jour, Jonathan l’un des jeunes livreurs est kidnappé et retrouvé mort. L’un de ses coéquipiers, Walter lui avait prêté son casque ; et cette même nuit, Walter poursuivait Diego, un autre jeune livreur, qu’il soupçonne d’être une jolie jeune fille déguisée.

Le vieux couple est bientôt escorté d’un personnage de très petite taille avec un bec de perroquet dont ils ne peuvent  se débarrasser.

Tous ces faits sont prétextes à des descriptions  somptueuses et originales du quartier la nuit, et  à des réflexions qui tirent le roman vers le social, tandis qu’une intrigue  policière se développe peu à peu…

 

Comme le précédent, l’intrigue se développe agréablement, le récit hésite entre délire surréaliste et discours rationnel, et la fin  est trop outrée à mon goût.

 

 

En dépit de ces réserves, les récits de César Aira sont très au-dessus de la production ordinaire de littérature, et davantage, ceux que j’ai chroniqué auparavant !

 

Moritz Rugendas,peintre et aventurier

 

  "J'étais une petite fille de sept ans"

 

  "Varamo"

 

Plutôt que de se tourner vers une morne rentrée littéraire où l’on n’entends déjà plus parler que du vulgaire macho de service et du chapeau de la gamine, tournons-nous vers l’Amérique du sud.

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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 00:37

Les Brumes du passé

 Titre original : « La neblina del ayer, » 2003.

Publié chez Métailié ( bibliothèque hispano-américaine), en 2006; 350 pages.

 

 

La Havane, début du vingt-et unième siècle. Une grave crise économique sévit à Cuba. Une partie importante de la population, y compris des gens autrefois à l'aise, vivent dans la précarité et souffrent de malnutrition.

 

Mario Condé, qui fut policier, s'est reconverti dans le commerce noir du livre précieux. Il parcourt l'île à la recherche de livres rares recherchés par des bibliophiles. Ses amis les revendent et tous se partagent le bénéfice.

Il est tombé sur une bibliothèque fabuleuse, qui à elle seule, contient une partie essentielle du patrimoine de l'île de Cuba.

Ce trésor est gardé par Amalia et Dionisio Ferrerro, frère et sœur âgés, qui survivent difficilement à la crise. Les livres appartiennent à la famille Montes de Oca qui a quitté le pays depuis longtemps et dont les héritiers sont introuvables.

Mario a trouvé aussi dans un livre de cuisine coûteux une page de revue arrachée où figure la belle Violeta de Rio, ancienne chanteuse de boléro, qui n'a enregistré qu'un seul disque avant de quitter mystérieusement la scène. Mario ressent une attirance irrésistible pour Violeta. Il se souvient que son père écoutait souvent ce disque lorsqu'il était enfant.

 

 

Cette enquête, d'abord toute nostalgique, suit la piste de la chanteuse et plonge dans une époque révolue ( les années cinquante à Cuba) pour révéler des drames enfouis et remettre Mario sur la piste d'une intrigue criminelle...

 

L'écriture est à la fois ironique, nostalgique, un brin romantique. Le roman nous entraîne dans le vécu de la crise socio-économique actuelle à Cuba, et les souvenirs des années 50 qui apparaissent en regard comme un âge d'or à jamais disparu.

A cette époque, Le pouvoir était encore aux mains de Batista. La corruption régnait, mais aussi, semble-t-il, une certaine joie de vivre, du moins pour Mario et ses amis.

 

Les personnages sont sympathiques et vivants. Les dialogues sont fort agréables d'autant plus que dans la narration,  le style est souvent lourd, quelque peu indigeste:

 

 

«Au cours de son existence, Mario Conde s'était entraîné à vivre avec les idéalisations et les diabolisations du passé les plus variées, avec les réécritures opportunistes, les affabulations et les silences impénétrables, perpétrés parfois avec un soin dramatique ou de la façon la plus arbitraire.

Au long de cette cohabitation, il avait appris que, même contre son gré, chaque personne, chaque génération, chaque pays, tout le monde doit traîner, comme les fers d'une condamnation, ce passé qui est inévitablement le sien, avec toute la vacuité des maquillages flatteurs ou la laideur volontairement exacerbée. »

 



Le billet de Dasola est très enthousiaste!

 

 

 

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5 avril 2009 7 05 /04 /avril /2009 16:42

 

Métailié ( Suites) 1998, 504 pages.


Un livre qui m'attendait depuis longtemps, puisque j'ai écrit sur 2eme de couverture  janvier 1998, 76 F.


Sont réunis une cinquantaine de nouvelles et trente auteurs de fiction de tous les pays d'Amérique latine dont quatre femmes ( Silvina Ocampo, Gloria Alcorta, Luisa Mercedes Levinson, Elena Garro ).

Chaque auteur est présenté par une mini-biographie en italique et une explication de son œuvre et de l'évolution de celle-ci.

Evidemment tout cela peut sembler daté ! De nos jours, onze ans plus tard,  on ne parle plus des mêmes auteurs, excepté quelques grands classiques... ! La mode change à une vitesse stupéfiante.

Cette année Métailié a sorti un recueil de nouvelles  mexicaines pour le Salon ; mais je ne l'ai pas acheté. Il me fallait lire celui-là.


Certains des auteurs présentés sont de grands classiques tel Borges et Cortazar ; d'autres ont été célèbres et on n'en parle pas en ce moment ( Alejo Carpentier...).

Les nouvelles participent de ce réalisme magique qui est l'apanage de la littérature latino. « Nous n'avons pas à être surréaliste, a constaté Octavio Paz puisque nos pays le sont par nature. »( cité dans la préface).


J'ai relu pour la énième fois et sans m'en lasser «  le Sud » de Borges, l'une de ses meilleures nouvelles et de ses plus accessibles. On souffre toujours avec Johannes Dahlmann, fonctionnaire en bibliothèque à Buenos Aires, qui désire secrètement une destinée héroïque comme l'un de ses ancêtres «  qui mourut sur la frontière de la province de Buenos Aires, percé par les lances des Indiens de Catriel » et la réalise en rêve de façon incroyablement  réelle, alors qu'il est sans doute en train de mourir dans un lit, ou de dormir dans un train.

«  Aveugle pour les fautes, le destin peut être implacable pour la moindre distraction » profère le narrateur à propos de l'accident qui mena Dahlmann à succomber à son désir. Le conte est tout aussi plein de sentences que de suspense et d'éléments poétiques. Un récit parfait.


J'ai bien aimé aussi le conte d'Oscar Cerruto  (auteur bolivien né en 1912),  «  les Vautours » qui met en scène un homme qui prend un tramway, y remarque une jeune fille ; le tramway est victime d'un accident, mais notre homme, le voit continuer sa route, indéfiniment, passer des territoires improbables du désert au pôle nord, tandis que tous les passagers sont figés et ne bougent plus. Lui-même ne peut descendre, et attribue de fait à l'attraction  que la belle jeune fille lui inspire. Enfin, lorsque les fameux vautours viennent envahir la tram et attaquent les passagers, il devient de plus en plus évident que ce que l'homme nou narre avec un luxe de détails étranges et baroques, c'est ce que lui inspire son agonie car le tramway a réellement été accidenté et l'allure curieuse des autre voyageurs s'explique parce qu'ils sont morts. Mais rien n'est dit explicitement...


Dans la Maison en SucreSilvina Ocampo évoque des cas de possession et dédoublement ( une femme se prend pour la précédente locataire de la maison où elle emménage et lui dérobe sa personnalité)


Dans «  Retour aux sources », Alejo Carpentier ( auteur cubain du célèbre« Siècle des Lumières ») narre le temps qui fait marche arrière, transformant un mourant en homme en bonne santé puis le transportant vers son enfance, sa vie utérine, tandis que les meubles de la maison où il vit, abandonnent leur  forme pour revenir à l'état naturel.

 

Horacio Quiroga rapporte des fables animalières et César Vallejo( péruvien) une histoire de fou qui se prend pour un homme sain d'esprit et se voit entouré de villageois qui se prennent pour des singes ( Les Caynas) de sorte que l'on ne sait plus à la fin qui est fou... 

Sergio Galindo( Mexicain)conte «  L'homme aux champignons,  tragédie familiale de vengeance filiale...


l'humour est au rendez vous avec Juan-Jose Arreola (Mexicain) qui dans l'Aiguilleur met en scène un voyageur qui n'arrive pas à prendre son train : l'aiguilleur lui explique que les trains sont censés circuler mais ce n'est que virtuel et hypothétique «  le prochain tronçon de chemins de fer nationaux va être construit avec l'argent d'une seule personne qui vient de dépenser son immense fortune en billets d'aller et retour pour un trajet ferroviaire dont les plans qui comprennent des tunnels et des ponts n'ont même pas encore été approuvés par la Compagnie ... dans son désir de servir les citoyens la Compagnie ... fait circuler des trains dans des endroits impraticables. Ces convois expéditionnaires mettent parfois plusieurs années pour effectuer leur trajet, et la vie des voyageurs peut subir des transformations importantes...les décès  ne sont pas rares mais la Compagnie qui a tout prévu, ajoute à ces trains un wagon-chapelle ardente et un wagon-cimetière. Il faut voir avec quel orgueil les mécaniciens déposent le cadavre d'un voyageur-luxueusement embaumé- sur le quai de la gare mentionné sur le billet... »


Comme plusieurs de ces nouvelles, le véhicule de transport assume sa métaphore avec le temps qui passe et la course à la mort...


L'excellente nouvelle de Cortazar «  N'accusez personne » que j'ai chroniquée autrefois, se trouve aussi dans ce recueil.


Enfin, la nouvelle politique est bien illustrée par «  La Tache indélébile » de Juan Bosch( auteur dominicain de l'excellent recueil «  Vers le port d'origine »)  qui se déroule dans un pays totalitaire, où les citoyens se voient convoqués pour s'enlever leur tête qui sont ensuite exposées dans une vitrine...


Le recueil est précédé d'une préface de Claude Couffon, qui a assuré un certain nombre des traductions du livre. Il est utile de la lire, mais seulement après avoir pris connaissance des textes proposés.

 

Lettre H du challenge ABC ( je n'en ai lu que deux ...!)

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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 17:15


folio-bilingue.

J'ai acheté cet ouvrage au Salon du Livre, voulant par là jeter un coup d'œil sur le texte original, que je peux suivre, sans toutefois bien connaître l'espagnol. Mais Folio-bilingue n'a retenu que trois nouvelles ! Le recueil en contient dix-huit...

Je n'avais pas vu la mention «  choix » en dessous du titre.

J'avais aimé l'atmosphère fantomatiques et le concert de voix d'outre-tombe ( chœur, discutions, confidences...) de Pedro Paramo.

Ici, c'est plus ardu de s'impliquer dans ces courtes nouvelles.

 

Le Llano : c'est la terre qui a été distribuée aux paysans après la révolution mexicaine de 1920.  La plus grande confusion règne. Le gouvernement est en dessous de tout, et une rébellion fait se dresser les hommes les uns contre les autres.

C'est le contexte, mais le choix fait par l'éditeur de ces trois nouvelles ne nous met pas en contact avec la situation politique.

La première fait entendre la voix d'un homme en fuite, qui vient de tuer toute une famille La narration décrit sa fuite, la conjugue à sa voix.  En alternance, une autre voix celle de celui qui le poursuit pour venger les siens.

«  Il a fait du bon travail. Il ne les a même pas réveillés. Il a dû arriver vers une heure quand le sommeil est plus lourd ; quand les rêves commencent ; quand après le «  dors bien, on remet sa vie entre les mains de la nuit et quand la fatigue du corps ronge les cordes de la vigilance et les casse ».

«  Je n'aurais pas dû les tuer tous, a dit l'homme. Au moins, pas tous ». C'est ce qu'il a dit.

... Tout en bas, la rivière court, fait ballotter ses eaux sur les genévriers en fleur, berce en silence son courant épais ».

... j'aurais dû me contenter de celui que je devais tuer ; mais il faisait sombre et les formes se ressemblaient toutes. Après tout, pour plusieurs en même temps, comme ça, l'enterrement leur coûtera moins cher ».

Ce n'est pas du cynisme, ni même de l'humour noir. On sent bien que notre tueur est absolument sincère dans ces considérations pragmatiques.

Nous comprenons que le fuyard voulait venger un membre de sa famille, et que le poursuivant voudra à son tour venger ce meurtre, d'où l'impossibilité que cela cesse. En plus, le fuyard s'est trompé de personne et les a tués tous, excepté celui qu'il cherchait ( le poursuivant) !

 Puis la voix d'un témoin qui l'a plus ou moins hébergé et nourri, et dont le discours est je n'y suis pour rien...

 

La seconde nouvelle  Talpa est aussi un road-movie désespérant : Une jeune femme Natalia et son frère rentrent  de Talpa, où ils avaient emmené le mari de la jeune fille prier la vierge pour le guérir « depuis le jour où il s'est réveillé avec des cloques violettes un peu partout sur les bras et sur les jambes... les cloques sont devenues plaies, ce n'était plus du tout du sang qui en sortait mais un machin jaune une sorte de copal d'où suintait une eau épaisse. » Ce mal ressemble beaucoup aux ulcères dont souffrait Job et pour lesquels il maudissait le Seigneur. 

Mais il n'a pas guéri «  parce que Tanilo Santos, c'est Natalia et moi qui l'avons tué. Nous l'avons conduit à Talpa pour qu'il meure...nous savions qu'il ne pourrait pas faire un aussi long chemin ».

Les survivants sont écrasés de culpabilité. Evidemment la longue maladie de Tanilo l'éloignait des deux autres ; le frère et la belle-sœur se sont  rapprochés.

 

La dernière nouvelle met en scène Macario, un simple d'esprit qui vit avec sa tante, s'occupe surtout de se nourrir le corps, et évoque la façon dont la femme qui s'en occupe l'empêche de se jeter sur les gens pour les étrangler, les caresses que lui prodigue la servante Felipa. L'auteur de la préface et des notes trouve une grande ressemblance entre lui et Benjy du «  Bruit et la fureur ». Je pense que le rythme est très différent. Bien plus lent dans le Bruit et la fureur, plus effrayant aussi. Et le mental  de même car Benjy avait peur tout le temps ou presque, ayant subi de multiples agressions.  Ce narrateur-là ne se sent pas trop mal dans la vie...

 

Dans l'ensemble ces nouvelles témoignent de l'existence dans ce qu'elle a  d'élémentaire. Ceci fait alterner des notations très réalistes avec une vision presque mystique.

 

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1 avril 2009 3 01 /04 /avril /2009 23:31

51QFRQE5ZYL.-AA240-.jpgJuan Rulfo : Pedro Paramo. 1992. Gallimard ( L’Imaginaire)

 

Un village du Mexique. Les morts ne s’y tiennent pas tranquilles. Ils évoquent leur passé dans de nombreux et bruyants chuchotements, sans compter les apparitions innombrables qu’ils s’autorisent. Du souvenir des morts, qui forme tantôt un chœur, tantôt se présente sous la forme de confidences verbeuses, surgit l’histoire d’une communauté qui a connu des jours difficiles, des tragédies.

 

Juan Preciado, a promis à sa mère mourante, de venir à Comala, le village de son père, et de le retrouver pour lui demander des comptes. A peine arrivé à destination, il apprend que son père est mort, et qu’il était le père de tous les jeunes gens de son âge, et même de plus âgés que lui, parmi les habitants du village car ce tyran disposait de toutes les femmes de la commune ainsi que de toutes les terres.

 
Comment en est-on venu là ?
 

Ce sont ses acolytes, des hypocrites et des lâches, qui, croyant y trouver leur intérêt, l’ont laissé faire. Puis ceux qui ne voulaient pas de cette situation s’étant trouvés en minorité, ont dû céder.

 

Le curé du village entendait en confession les pires horreurs, et il n’a rien fait pour aider ses paroissiens à lutter contre le tyran. Rongé de culpabilité, il meurt aussi.

 

Juan Preciado ne va pas résister longtemps non plus. Les morts et leur bruyante mémoire ont raison de lui.

 

Il partage un caveau avec Dorotea. Ils se parlent et écoutent les mélopées, plaintes à voix plus ou moins hautes, des autres défunts.

 

Même Pedro Parãmo, le tyran craint et abhorré y va de son histoire. Ainsi que cette étrange Susanna qu’il aimait tant, et qui se mourait de mélancolie dans son lit avant de récidiver au tombeau.

 

Plaintes directes et propos rapportés. Discussion poétique éplorée. Chacun à sa manière raconte comment il ou elle a participé à l’installation du tyran , en a eu horreur et y a aussi trouvé son compte. Pourquoi ?

 
 
 

Expression poétique originale que ce concert de blues funèbre à plusieurs voix qui s’entrecroisent, sans compter les fantômes. Mais c’est le parlé qui domine. Les morts n’en finissent pas de se plaindre et de s’expliquer.

 
 
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23 mai 2008 5 23 /05 /mai /2008 09:01

Points romans, 2007.  270 pages.

 

Ancien photographe de guerre, Faulque s'est retiré dans une tour à Punto Umbria un petit port d'Espagne.  Il y travaille à une fresque qui occupe un pan de mur de son logis. C'est sa grande œuvre : elle représente  deux cités dont l'une antique, est en guerre, et comporte une grande quantité de scènes  où des civils sont mis à mal ainsi que leurs maison, l'autre attend le même sort, et ces deux villes sont séparées par un volcan en éruption. Il s'inspire de Basquiat  mais surtout des maîtres du passé Uccello, Piero della Francesca, Goya et Brugehel dont «  le Triomphe de la mort » déjà avait joué un rôle dans le Tableau du maître flamand.

En tant que photographe il a cherché «  le miracle qui, d'un coup, dessinerait à travers la lentille de l'objectif, dans la chambre noire... de son appareil et sur sa rétine, le secret de ce canevas d'une incroyable complication qui ramenait la vie à ce qu'elle était réellement : une course folle vers la mort et le néant ». En peinture, il le cherche encore.

A cet homme persuadé que la vérité ne peut apparaître qu'au milieu des conflits, il advient de recevoir la visite d'un  ancien soldat de l'armée croate, dont il a fait autrefois une photo qui est devenue célèbre.

Ivo Markovic lui apprend qu'à cause de cette photo il est devenu un symbole reconnaissable, a été torturé, a perdu femme et enfant. Il veut tuer Faulque, pas tout de suite, pas avant qu'ils  ne se soient bien expliqués.

Ces entretiens font l'objet du roman.

A travers ces rencontres les retours de Faulque sur son passé, et l'évocation par lui de sa femme Olvido,  on  chemine d'interrogations en interrogations sur le sens de la vie, la nature de l'art, la mise en question du  fait de photographier les scènes insoutenables... Perez-Reverte, auteur de polar et de romans picaresques, s'est engagé dans un roman philosophique.

 Un  peu long surtout lorsque Faulque se souvient de son amie Olvido, il a tendance à se répéter, il vaut la peine qu'on le suive.    

 

 

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