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2 octobre 2010 6 02 /10 /octobre /2010 09:37

Définition ordinaire :

L’éloignement de deux personnes affaiblit l’affection qu’elles se portent mutuellement.

 

 

Origine

 


 

Proverbe latin. Ce proverbe trouve sont origine dans un poème de Properce (Ier s. av. J.-C.) extrait d’Élégies.

 

 

 

Loin des yeux …dans cette citation, Cela signifie que  cette personne a quitté l’aire (ou la réserve) de vos fantasmes, identifiables ou non.  Vous ne la « visualisez «  plus ou rarement.

Lorsque votre esprit vagabonde ( ça peut aller d’une seconde à une heure ou plus) il met parfois ou souvent en scène des personnes  que vous connaissez, soit dans la vie réelle , (vous les voyez tous les jours ou de temps à autre, ou vous les avez connues autrefois et ne les voyez plus) soit dans l’imaginaire (film, livres, silhouettes personnages fabriqués à partir d’on ne sait quoi…).

Vous les mettez en scène spontanément soit c’est une imagination éclair, soit c’est déjà dans un décor,  soit vous en faites le personnage d’une saynète. Il y a aussi ces personnes que vous avez vues en rêve et que vous croyez reconnaître.

Vous ne mettez plus guère  X  en scène,  cela signifie qu’il n’est plus de vos fantasmes familiers.

Il peut avoir été refoulé et subsister dans la zone plus profonde des fantasmes qui n’apparaissent  pas ou difficilement à la conscience.

Il peut aussi avoir réellement cessé de vous servir, ou de vous desservir, et ne plus subsister que dans des souvenirs peu  mêlés d’affectivité.

Comment le savoir ?

Si vous recevez des nouvelles de cette personne, vous n’éprouverez pas grand-chose, si elle vous contacte, vous voudrez être poli et répondre et cela sera un peu difficile. Mais pas trop. Si elle peut vous être utile, vous aurez quelque peine à faire ce qu’il faut.

En revanche, si vous ressentez du désagrément, un rejet violent, un sentiment assez fort, c’est qu’elle appartient encore à la réserve de fantasmes (ceux qu’on ne veut  pas  ramener à la surface).

Loin des  yeux, ne signifie pas que vous oubliez cette personne à force de ne plus la voir dans la réalité, ou de ne plus avoir de ses nouvelles. Cela ne veut pas dire non plus que les personnes que vous voyez souvent ou très souvent, vous pensez à elles.

Evidemment si cette personne partage votre vie, elle fait partie du matériel fantasmatique (superficiel, lointain, voire les deux) que vous utilisez. Souvent, c’est une image d’elle déjà passée que vous fantasmez.

Mais dans certains cas, rares, elle n’en fait plus partie. Seulement, vous, faites encore partie de son matériel à elle, et vous le savez. C’est ce qui vous préoccupe et vous fait penser encore à elle. Dans ce dernier cas, elle est loin du cœur, mais vous ne pouvez vous permettre de la tenir loin des yeux…

Loin des yeux, loin du cœur, c’est un constat : cette personne je la mets en scène rarement ou pas du tout. J’ai peine à me souvenir à quoi elle ressemble. Je suis obligée de regarder une photo, ou de rechercher un document.  Je n’éprouve rien pour elle. Ni peine ni plaisir ni regret. Quand je vois la photo ou le document qui me la rappelle, ce n’est pas différent de ce que j’ai tenté d’imaginer. Un peu plus net.

 

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28 mars 2008 5 28 /03 /mars /2008 11:00

 

 

 La lettre  venait des services du recyclage des agents non-titulaires en passe de ré-admission à une virtualité d'emploi.

 

Ma convocation a été acceptée par le préposé siégeant à l'accueil, lequel a confirmé que j'étais bien attendue au premier étage, troisième porte à droite.

C'était une pièce nantie d'un bureau encombré de toutes sortes de dossiers, la chaise de l'éventuel occupant était vide. Sur  l'écran de l'ordinateur, des photographies de loups défilaient en boucle.   

 

 Je suis restée  debout pendant des heures ; j'ai attendu. Si longtemps que je ne sais plus ce que je suis venue faire. Je connaissais les images de loups par cœur. Des blancs, des gris, des beige,  un endormi, trois qui montraient leurs crocs, deux qui s'éloignaient dans une forêt, de la neige parfois, du feuillage, souvent, un rocher bien sûr... des loups comme on en voit partout, quoi... !

 

  Une femme est entrée. Elle portait un tablier en tissu à fleurs et à bretelles sur son vêtement.

C'était peut-être une domestique, mais la coiffure trop apprêtée me semblait-t-il. Du doigt, elle me désigna un réveil  rond posé sur le bureau, un réveil presque assez joli pour l'appeler une pendulette.

« Avant quatre-heure et demie, dit-elle.

Surprise.

« La lettre doit partir avant quatre heure et demie.

-   Que dois-je écrire ? J'ai seulement une enveloppe.

-          

Elle me montre  une photo représentant une secrétaire à  chignon haut placé penchée sur son bureau  avec un degré de déclivité important qui suggère une application extraordinaire ; les écoliers font parfois de même.

-Vous devez écrire une lettre qui  partira avant quatre heures et demie. C'est tout.

Elle m'invite à m'asseoir au bureau et quitte la pièce.

 

  Je n'ai personne à qui écrire, et pas de papier à lettres. Il me faudrait aussi une adresse. Ne pouvant obtenir cela, je reste assise à ne rien faire. Me demandant si c'est du lard ou du cochon. Si je suis embauchée quelque part et dans ce cas je vais me faire licencier pour inactivité : le fait que nul ne m'ait donné la moindre tâche à effectuer n'est pas une excuse je le sais : on doit s'affairer lorsque nul impératif ne vous point, c'est le tour de force du travail de bureau, et de n'importe quelle activité professionnelle.

Mais il est possible que je ne sois pas du tout embauchée ; je suis peut-être venue pour régler une vieille affaire

Le texte de la convocation n'en disait rien,  ne me rappelait aucune affaire en cours...

 

 L'employée de tout à l'heure, revient, l'air conforme  à un chef, je le vois à son sourire pincé faussement accueillant, la main qui ne se tend pas, un bracelet un peu épais qui bouge lentement autour d'un poignet énergique, un maquillage  efficace, une coiffure sans âge.  

 

Elle me demande la place, fait un geste vague dans quoi j'interprète qu'éventuellement je pourrais aussi prendre place, mais où donc,  attrape un stylo bille de mauvaise qualité  dont l'encre a déjà quelque peu fui, pose devant elle une page ordinaire quadrillée arrachée assez proprement (semble t'il à un bloc bon marché), et questionne : 

Pourquoi n'a-t-on pas voulu de vous comme professeur ? »

Cherchant une réponse je me dis « parce que c'est une corp-une corporation. » Je me répète corporation en hésitant sur les mots que celui-là contient corps , porc, pore ,portion et ration ...

A voix haute je trouve  enfin mes mots : «  dans un corps déjà constitué, c'est un peu délicat de se faire admettre. »

La preuve, c'est qu'aucune âme ne vient dans un corps qu'il ne connaît pas, pensé-je... mais cela se conteste.

La  secrétaire, directrice, ou seulement adjointe (adjointe lui conviendrait assez bien mais  deviner à quel service, elle est ainsi  rattachée, voilà qui n'est pas aisé à résoudre).

-   Et la lettre ? lui dis-je, à voix basse ; celle que je dois écrire avant quatre heure et demie ?

 

 

Très surprise, cette personne déclare que je n'ai pas à toucher aux fournitures. Des lettres ! Nul n'en écrit plus. On se sert de la messagerie. Si l'on m'a induite en erreur ; elle n'en peut mais. Elle transmettra les informations me concernant à qui de droit. Ne me retient pas.

 

Je me demande comment font les autres employés.  Soudain, je vois que la salle est bien plus grande que je ne croyais, c'est le problème quand il vous faut des heures pour oser regarder au loin... et un grand nombre de tables sont occupées par des gens qui fabriquent des personnages avec des matériaux divers, du plâtre, du mastic, ou  du bois. Certains se servent d'instruments, couteaux, truelles, grattoirs... Je n'ose pas les interrompre dans leurs activités raisonnablement ludiques mais peut-être un peu puériles.

 Quelqu'un lève la tête, avec un sourire épanoui.

-         Tiens ? bonjour !

-         Oui ?

-          Vous venez pour réparer le distributeur de boisson ?

 

Pour le coup, je crois qu'il est temps de partir.

bof

la messe est dite

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21 janvier 2008 1 21 /01 /janvier /2008 00:44

1993:
Dans «  L’Age du rock » un documentaire illustré paru chez Gallimard (Découvertes), que j’ai acheté pour me remettre à niveau, je lis l’extrait d’un article paru dans Libé en 1990, à propos de Dylan.  

L’article est signé « Daniel Dobbels » on en donne des extraits :

 

 « Il faudrait quand on pense à Bob Dylan se rappeler ceci (…) :

 

« Oui je suis un voleur de pensées, non pas , je vous prie, un preneur d’âmes…ce n’est pas mon affaire, m’asseoir et méditer à perte et contemplation de temps pour penser des pensées qui ne furent pas du pensé, pour penser des rêves qui ne furent pas rêvés… »

Qui a écrit cela ? je ne le sais toujours pas…

 et ne plus chercher à instruire une sorte de faux recours en grâce où l’image fixe d’un homme se ranimerait au gré d’un souffle ou d’une vague déjà morts.

Dylan est ce voleur de pensées, toujours dans les parages et n’occupant un lieu, avant-scène ou studio, qu’accidentellement, jalousement, juste pour s’entendre sur un point, un seul, et qui, lui, doit être clair : «  Tu te perds toi-même, tu réapparais, tu découvres soudain qu’il n’y a rien à craindre seul debout avec personne autour quand une voix lointaine, tremblante, indistincte, tressaille et t’éveille et te force à écouter… » (It’s Alright Ma)

Ce point là, c’est ce tressaillement, une voix indistincte, qui ne se laisse entendre qu’à ce moment incontrôlable d’une réapparition, réelle comme un rêve et dont sa voix, sa propre voix, doit enregistrer, traduire et produire l’écho. Dylan sait que lorsqu’il chante il est déjà pris entre deux feux qui ne brûlent pas les mêmes matières, les mêmes sens et les mêmes raisons. Il n’a rien à espérer de leurs lumières. Ou elles frappent trop fort, ou elles le noircissent.

 

Sa seule tâche, son unique travail, c’est de faire que cette voix tremblante (qui n’est pas la sienne) ne disparaisse absolument ni ne devienne l’inquiétante intimité de son chant. Il y a toujours dans uns chanson de Dylan interprétée par lui, le double mouvement d’une invocation et d’une révocation.

 

Que cette voix distante soit faible ou forte, rien ne justifiera jamais qu’il lui laisse toute mesure. L’une de ses chansons les plus énigmatiques le répète à l’envi : «  I’m going, I’m going, I’m gone ». Et pourtant au moment même où le texte creuse une séparation irréparable, la voix maintient en elle une présence sans lendemain, sans fuite possible, lancinante. C’est ça qui rend – et uniquement en ce sens- la voix de Dylan inimitable : cette double injonction, ces deux lignes si profondément antagonistes qu’elle ne peuvent au mieux qu’endurer (…) leur malentendu. »

 
  Comme  c’est bien écrit me suis-je dit,  enfin la vérité sur Dylan !

  Ça nous fait un Dylan hégélien pensai-je.  Rien de moins !

A vrai dire ce texte  ressemblait  à ce que j’avais déjà pensé mais en beaucoup mieux. Et je l’ai recopié de ma main car je n’avais pas d’ordinateur et j’étais mauvaise en dactylo. Du coup, je réécoute les chansons citées et je me procure Going going gone, qui figure sur un album qui ne me disait rien qui vaille.

De temps à autre j’écoute un peu de Dylan, mais je ne vais plus aux nouvelles. Daniel Dobbels a eu le dernier mot.

 

Mais voilà, on dit que Dylan est presque mort ; on entend ça un matin de mai, à la fin des années 90, en 1997 à la radio.

Le soleil brille désespérément.

 Je me dis tiens, il vit donc encore ? J’achète Libé le soir : rien. Le lendemain et encore : toujours rien. Après tout me dis-je, il est peut-être tombé dans l’oubli. Sauf pour cette chaîne de radio,  que je cherche en vain. En septembre, au JT, on aperçoit Dylan, tout de blanc vêtu, à côté du pape quelque part dans une cérémonie. Le pape a l’air surpris, on le serait à moins. Un album est sorti «  Times going wrong » des chansons du folklore : assez agréables.

 

Lorsque François Bon préparait son livre sur Dylan, j’ai pensé «  quel dommage que ce ne soit pas Daniel Dobbels qui l’écrive, ce bouquin ! » car le texte de l’article que j’ai recopié plus haut me parle davantage, même si je ne saurais pas l’expliquer (je n’ai jamais eu autre chose que ce fragment).

 

Quant à cette chanson «  I’m not there », dont il parle, c’est à présent le titre d’un film. J’ai vu des extraits de Cate Blanchett interprétant dylan ; C’est elle le clou du spectacle. Les postures dylaniennes ont été minutieusement reproduites et la comédienne (que j’avais vue pour la dernière fois dans un film d’intérêt moyen « Chronique d’un scandale »), fait un travail de mime qui paraît réussi. Une femme pour jouer le Dylan de Blonde On Blonde, voilà qui fait monter la mayonnaise du fantasme.

Il me plaît de penser que cet androgyne là était en 1966, marié de fraîche date et venait d’être père…

 

Jamais, peut-être, n’en aurais-je fini avec dylan ! C’est pour moi, un peu  comme l’Italie pour Stendhal ou la madeleine pour Proust.

Je ne pense pas pouvoir me faire comprendre ; aussi cet article restera t’il « caché », encore que publié,  antidaté.

  8 février 2008.

 

30/09/12 : on reparle du Nobel pour Dylan! Je pense que les gens qui répandent cette rumeur depuis deux-trois ans, sont convaincus,comme moi, que la "poésie orale",comme l'appelait Paul Zumthor, n'est en rien inférieure à la littérature écrite. Et ces convaincus lancent le nom de Dylan tous les ans, pour insinuer le doute et provoquer des réactions de colère chez les snobs et les bien pensants. Et c'est une bonne chose!

Quant au jury du Nobel on peut lui faire confiance pour célébrer un vrai bonnet de nuit comme le Tranströmer de l'an passé.


Tout ce qui relève des productions de la Beat Generation et assimilés, sont de la poésie orale. Celle-ci nous est souvent livrée sous forme écrite, (comme les livres de Kerouac) raison pour laquelle, elle ne me touche pas. Ce qui est essentiellement oral est fait pour être dit ou chanté.


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30 octobre 2007 2 30 /10 /octobre /2007 11:30

Longtemps, Nelly avait été révoltée par la façon dont sa mère la vouait à la maternité et au mariage.  

Louisette lui avait souvent dit depuis ses douze ans, que ses formes épanouies, la prédisposait à avoir au moins quatre enfants : la nature le voulait. Quant à sa façon de fixer dans les yeux un homme qui l'intéressait, son refus d'être aguichante ainsi que son goût affiché pour l'étude, ils la conduiraient au mariage plutôt qu'aux aventures amoureuses. On se conformait à son anatomie et à son caractère.   

   En outre, Nelly avait constaté qu'envers elle les hommes se conduisaient comme des rustres. Leurs appétits étaient grossiers, leur intelligence nulle, et le jeu amoureux inexistant ne pouvait conduire qu'au mariage ou à l'aventure sans lendemain.

  Guillaume avait été l'exception. Il la considérait comme une interlocutrice, une amie sans pour autant dédaigner son corps.

   Lorsqu'elle avait loué un studio l'an dernier, elle avait attendu, sans le dire, qu'il vienne la rejoindre définitivement

Quelques jours par semaines ou par mois : il arrivait sans prévenir, la plupart du temps. C'était tellement plus agréable, disait-il, de surprendre. D'autant plus  que ces  rencontres présentaient tout de même une certaine régularité Pourtant, chaque fois qu'ils se quittaient, il disait A bientôt, A un de ses jours, sans jamais préciser. Ils pouvaient très bien se revoir le lendemain, ou des semaines plus tard. ... Jamais il n'avait utilisé les clefs du studio. Jamais elle ne s'était risquée à lui  rappeler l'existence de ce double qu'elle avait mis en sa possession. Jamais il ne les avait rendues.

   Avoir un enfant de lui ne serait pourtant pas une corvée domestique, ni une obligation de femelle, parce qu'elle l'avait décidé, et que Guillaume n'avait pas été n'importe quel individu.

    Elle l'avait voulu pour mettre fin à cette relation, sans partir complètement dépourvue. Elle partait et lui dérobait mieux qu'un souvenir, un être humain. Il ne serait pas dit qu'il ne lui aurait rien donné pendant toutes ces années qu'elle percevait parfois curieusement comme des années d'attente vaine. L'ancienne appellation «  Elle lui donna un fils, une fille «  se retournerait à son profit à elle.

   Mais, tout aussi bien, elle désirait ou croyait possible de l'impliquer davantage à sa vie. C'était donc en ce cas un « heureux événement » qu'elle se préparait à annoncer.

   Elle avait dans son sac un flacon d'eau de toilette, en vaporisateur, bleu, qu'elle avait acheté pour lui passage du Havre. Guillaume faisait usage de cette lotion depuis environ  deux ans, et le flacon était presque vide  sur la tablette au-dessus du lavabo depuis plusieurs mois. Comme s'il attendait un remplaçant. De fait, cet accessoire de toilette était relativement cher, avait-elle pu constater, et il ne pouvait peut-être pas en acheter en ce moment. Guillaume avait plusieurs sources de revenus : la bourse universitaire ( Il n'aurait pas dû l'avoir vu ce que gagnaient ses parents mais Wilson le Vieux, était particulièrement fort pour ce qui était d'obtenir quelques sous), les cours d'initiation artistique qu'il donnait dans une école de frimeurs bien nantis, des traduction de romans pour  La Fée du Logos. Ses parents aussi lui donnaient un peu d'argent, mais comme il  ne voulait rien demander, et qu'il acceptait tout, il fallait remercier, suite à quoi l'autre restait impassible, tout ça était très pénible, disait-il à Nelly,, pour toi, c'est tellement plus simple.

Maintenant, elle s'était assise sur l'un des cubes tabouret, et elle doutait de l'opportunité de sortir ce le flacon bleu. Depuis les achats  passage du Havre, ses pensées flottaient : s'agissait-il d'annoncer la « bonne nouvelle ?

Tout à l'heure, elle avait contemplé des robes de grossesse, et choisi un modèle à fond noir avec imprimé en forme d'étoiles asymétriques rouge et bleu vif , une robe d'automne à manches longues bouffantes., la jupe évasée qui tombait bien.

 A quelle réaction pénible s'attendre, si maintenant, elle lui disait qu'elle était enceinte ? 

Venait-elle lui dire qu'elle était enceinte ? Ou qu'elle voulait rompre ?




   Une feuille de papier à dessin  était collée à un grand carton, sur le chevalet. Des silhouettes inquiétantes émergeaient ou s'enfonçaient dans l'obscurité. Guillaume était encore tout à fait plongé dans cet univers.  Sur la toile, Nelly distingua une petite créature au nez busqué, emmaillotée derrière un pan de mur vitré. Agitant les bras, et paraissant crier. Le genre de créatures de Goya... L'intérieur de la maison était plus ou moins ébauché : meubles divers, dont on ne devinait pas à leur contour, à quoi ils pouvaient servir. Au premier plan, deux autres silhouettes devant la masse du piano, et les bougies.

   C'était un souvenir qui avait rencontré les Caprices, et y avait trouvé force et forme. Caprice, un mot qui lui convenait aucune règle ne gouvernait son existence. Et elle aussi maintenant : l'enfant était un caprice, elle ne savait plus  la cause de ce désir, qu'elle avait chercher à réaliser avec énergie...

   Il lui fit compliment de sa  longue jupe à panneaux alternés qui s'évasait avec ampleur jusqu'aux chevilles. Les uns étaient en toile de jean bleue, les autres en tissu blanc imprimé de petites fleurs jaunes et rouges. La jupe mettait en valeur sa taille, sa cambrure, le renflement de son ventre, les fesses. Au-dessus, un petit bustier, vraiment trop petit, l'avait-elle  voulu ainsi. ?

   Elle portait les pendants d'oreille qu'il lui avait offertes, ses feuilles d'or. Elle avait l'air troublé, épanouie, contradictoire.

 Rouge d'avoir longtemps marché, pourquoi n'as-tu pas pris le métro ?

   Avait-il  la physionomie de quelqu'un qui va apprendre sa future paternité ? Guillaume lui faisait aveuglément confiance pour prendre sa pilule. Pour lui c'était une affaire classée depuis toujours : que les filles prenaient la pilule et qu'on ne s'inquiétait de rien.

 « Ça parle de quoi ? fit Nelly, parce que soudain, il tournait la tête vers son bustier, dont une bretelle avait glissé. Et elle n'était pas venue pour cela. Surtout pas. Elle ne se sentait pas d'humeur amoureuse, éprouvait du ressentiment : sans lui, rien ne serait arrivé.

«  De quoi ça parle ? »

   Elle réajusta  sa bretelle : « Ce que je peux être mal foutue, dit-elle. A mon âge, je ne peux même pas mettre un bustier.

  Il ne voudrait pas la croire !  L'effet serait banal. Je suis encore trop jeune... même si la jeunesse avait vieilli prématurément. On était en juin 1974. Dans un mois, tous les français âgés  de dix-huit à vingt et un ans  seraient majeurs en même temps. Guillaume parmi les plus vieux.

   «  Tu est magnifique. » lui  dit Guillaume.  

  «J'ai  des boissons dans le frigo. » annonça-t-il après avoir constaté une certaine froideur à son embrassade.

   Cependant, Nelly  observait le tableau. : «  De quoi ça parle ? »  Redit-elle encore, faute de trouver une expression mieux appropriée

.«  C'est un souvenir  que je veux mettre au jour. Même dans l'obscurité. 

« Je prenais des leçons de piano dans une maison, aux contours indéfinissables, et aux contenus presque invisibles, chez une dame d'un certain âge, j'avais peut-être huit ans, Lorsque je garais mon vélo contre le mur tout gorgé de soleil d'été ou même de la lumière un peu mitigée mais tenace de l'hiver, je pensais que j'allais rentrer dans les ténèbres.  La prof n'allumait rien que deux candélabres qu elle posait à chacune des extrémité du piano Les flammes des bougies se déroulaient serpentaient  et frissonnaient, tremblotaient au moindre souffle d'air et aux mouvements qu'on faisait.

-Pourquoi des bougies ? Pourquoi pas le plafonnier ?

 -Elle se contentait d'éclairer le clavier et la partition. Au milieu de la leçon, fréquemment, on entendait crier. Un appel. Un gémissement. Ce pouvait être une bête ou un être humain. Des mots inarticulés ?pouvait-on croire. Elle s'absentait, dans les ténèbres, on l'entendait parler à la créature et revenir .Des intonations dures, apaisantes ou  de l'exaspération.

 - Et c'était quoi ? C'était qui ? Son vieux père ? Son clébard ?

 - Ou sa vieille mère. Je n ‘ai pas su. Elle ne voulait pas la montrer. Où cette créature ne supportait pas la lumière.

Le petit guéridon supportait deux plaques électriques. Sur l'une trônait la cafetière qu'elle fit chauffer. Sur le bureau, outre le matériel pour le dessin, il y avait des paquets de biscuits, des pots de confiture et une boîte de  thé. D'autres objets disparates tels une grenouille de fontaine d'un vert vif, et un petit pichet en grès gris contenant des jonquilles, voisinaient avec les denrées périssables. Plusieurs étagères superposées  bourrées de livres se dressaient sur le côté droit du bureau réduisant encore la surface disponible.

   A la vue du pot de confiture qui portait l'inscription «Original Spiced  Fruit Christmas», elle songea encore à cet événement inouï dont elle verrait l'aboutissement vers Noël. Sous la forme d'un corps humain vivant.

   Jamais les mots ne pourraient franchir ses lèvres...


 Guillaume s'approcha, remplit  un verre qui déborda de mousse blanche. .Nelly dit n'aimer pas la bière, et même ne pas en supporter l'odeur. C'était curieux : il ne l'avait jamais entendue s'en plaindre auparavant. Il insista qu'elle était très légère. En vain. Il la sentait irrésistible, plus douce, plus désirable que jamais, mais si visiblement contrariée...


   « J'ai quelque chose à te dire » fit Nelly d'une voix un peu étranglée.

   Il la décevrait par une réaction conventionnelle il parlerait d'avortement, d'argent à trouver (pour gagner du temps car l'argent, c'était elle qui l'avait). Lorsqu'elle lui dirait c'est moi qui l'ai voulu, il aurait l'air ahuri. Stupide. Pour la première fois il aurait l'air  vraiment stupide.

   « Qu'est-il  arrivé ? »

    Guillaume l'enlaça franchement, et ce fut encore un choc de constater à quel point elle avait changé sans que l'on puisse mettre un mot là-dessus : plus moelleuse, éperdue, accueillante, d'une douceur jamais atteinte : elle avait vingt trois ans, ou plutôt,  en août, elle... idiot, il n'y a aucune raison pour que cette plénitude soit due à l'âge. Elle n'avait que  deux ans de plus que lui.

   « Je ne suis pas venue pour ça. »

   Elle n'était même pas là pour proposer une sortie.

   Pour lui annoncer la nouvelle ou pour savoir si c'était possible.

   Guillaume s‘énervait de ne pas réussir à l'égayer. Il l'avait connue fière, orgueilleuse, guerrière en quelque sorte, éblouissante. Mais la femme anxieuse, effrayée par de petits événements, mécontente d'elle-même, demandant qu'on la protège et la rassure, coexistait avec l'autre, il l'avait découverte au moment de la connaître au sens biblique.

    « Tu me le diras plus tard, décida Guillaume, qui ne pouvait plus tenir tout d'un coup. Il prit sa bouche qui tentait une fois encore ce «  quelque chose à dire », Elle remua les lèvres pour parler, fit entendre un son étouffé, chercha à se dégager. Poigne de fer, il l'allongea et quitta ses lèvres seulement pour dire «  Je vais te prendre ». Il n'avait jamais rien dit d'aussi vulgaire, ni à elle, ni à nulle autre, pas en tout cas sans qu'on l'y invite expressément. Elle s'agita,  se défendit,  prise au piège,   son ami à présent converti en une brute inhumaine.

   Bien sûr, il l'avait toujours été ! Même lui. Il suffisait d'une occasion, ou plutôt d'un dérèglement de l'humeur auquel il obéissait, convaincu, sans même s'en aviser,  de sa supériorité masculine.

Affolé, Guillaume sentait le cœur s'emballer, marteler la poitrine,( lequel des deux ?) de plus en plus fort, et cet organe détraqué s'imposa à lui jusqu'à l'emplir de frayeur, faisant cesser toute autre sensation que ce battement effrayant, accéléré, irrégulier,  comme si la vie allait s'arrêter d'un coup. La sienne. La leur. Il desserra l'étreinte, la lâcha  avant de l'avoir pénétrée. Nelly se leva d'un bond,  le laissant plié en deux, muet de douleur.

   Ils étaient quittes, aurait-on pu penser. Moins d'une minute plus tard, elle était partie, sans même avoir oublié son sac.

   Revenu à lui, il chercha à la joindre à nouveau, sans résultats, fit quelques démarches un peu humiliantes, auprès d'établissements scolaires, de parents ou d'amis. Lui écrivit même, sur les conseils de Mathieu qui en pinçait pour les explications à distances, mais tenter d'éclairer son geste lui réussit d'autant moins qu'il ignorait quelques données importantes du problème. Nelly s'éloigna si vite, déménagea si promptement, qu'elle disparut en quelque sorte, et celle ou ceux qui savait où elle continuait à vivre ne renseignèrent pas les intéressés.

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30 juin 2007 6 30 /06 /juin /2007 17:45

Mercredi 20 juin 2007 

 

 

Rêve : je veux absolument accoucher d’un bébé et j’ai déjà choisi des noms : Colomba Carmen Aurélia. Comme je ne veux renoncer à aucun des ces noms très prometteurs, il me faudra trois filles. Mai lorsque la sage-femme veut m’examiner je commence à m’inquiéter : mon ventre n’a pas grossi et si elle s’en aperçoit elle ne me trouvera pas convaincante et tout va tomber à l’eau. 

Matin nuageux, nuit humide

Nous avons acheté des petits bars.

A 11 heures une pluie diluvienne s’est abattue les vêtements ne sèchent pas. France Musique diffuse Bach et Buxtehude.  

Au-delà de Rochefort, l’abbaye de Trizay, sur la route de Saintes.

abbaye de Trizay
abbaye Trizay 1

A l’intérieur de cette abbaye dont il ne reste que des pièces nues, une dizaine d’aquarelles animales de Caroline Biaggi, une artiste intéressante, ainsi qu’une fresque murale Salomé et la tête du Baptiste.

 

chouette Abbaye Trizay

Chouette

congrès au PS

Congrès des éléphants du PS

 

 

Expo dans l'abbaye Judith

 

la décollation du Baptiste

 

pieuvre expo abbaye

Pieuvre

Tigre moine à Trizay

Tigre

 

 

 

 

 

serpent

Serpent

 


 

tête abbaye trizayTête de saint,démon, sage, que sais-je?


Puis nous avons repris la route et sommes tombés sur le « lac du Bois fleuri » qui longe un hôtel. Nous en avons fait le tour. Feuillage, canards, nénufars, plans d’eau, fleurs)

l'étang du Bois fleuri   

 

 

Canards au Bois Fleuricanards-au-bois-fleuri.jpg

Blumen près de l'abbaye

Blumen près del'abbaye

 

 

façon gris-vert

façon gris-vert

 

Façon rose

façon rose

 

façon vert

façon vert

 

Lac du Bois fleuri 1

 

étang du Bois Fleuri







 

 


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Présentation

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  • : Comptes rendus de mes lectures avec des aspects critiques + quelques films de fiction Récits de journées et d'expériences particulières Récits de fiction : nouvelles ; roman à épisodes ; parodies. mail de l'auteur : dominique-jeanne@neuf.fr
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