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29 septembre 2016 4 29 /09 /septembre /2016 13:20
Eric Vuillard 14 juillet *****

Actes sud, 2016, 200 pages.

L’auteur relate le jour qu’on appelle « fête nationale », du point de vue du peuple, des ouvriers employés artisans installés à Paris( souvent exilés d’une province) et vivant dans une extrême précarité. La rébellion débute le 23 avril lorsque le patron de la manufacture de papiers peints (florissante) décide de baisser le salaire des ouvriers déjà sous alimentés et manquant de tout. En même temps, le patron d’une fabrique de salpêtre fait de même. Le 27 avril les ouvriers s’attaquent à la « folie Titon » la principale manufacture de papiers peints, et s’introduisent chez Henriot l’autre patron. La répression sanglante fait 300 morts, la révolte empire, et nous voilà au fameux 14 juillet. C’est par le menu, que Vuillard raconte l’introduction dans la Bastille de petites gens fascinés et révoltés qui n’ont pas grand-chose à perdre, et dont beaucoup d’entre eux manient une arme pour la première fois. L’auteur cite beaucoup de noms : ceux qui étaient là et disparaissent de l’histoire ( c'est-à-dire des traces écrites peu soucieuses du devenir du peuple) une fois leur geste achevée pour cette journée ; quelques uns œuvreront pendant toute la révolution ( Jean Rossignol ; Louis Maillard) sans que cela leur apporte rien de bon.

L’auteur présente une geste spontanée, autant que fougueuse et violente : dans son récit, rien n’est prémédité, les émeutiers avancent, forts de leur nombre sans cesse accru, vers la Bastille, symbole de ce qui les réprime. Certes, ils se sentent menacés.

A peine l’auteur met- il en scène pour quelques lignes Mirabeau et Desmoulins (« La volonté du peuple entre dans l’histoire »).

« Camille propose au peuple la colère. Il grimpe sur une table devant le café de Foy. « On prépare une st Barthélemy des patriotes »lance-t-il.

L’impression que nous laisse l’auteur est tout de même qu’ il n’y a pas de chefs, que la foule des insurgés n’est pas manipulée par une quelconque instance. Les hésitations sont nombreuses, tout se décide en l’instant.

Une écriture très efficace, souvent lyrique, le présent de narration bienvenu, nous mettre dans la peau d’inconnus en action, qui, leur héroïsme aidant, se retrouvent soudain seuls, ébahis, dans des lieux où ils n’avaient jamais imaginé se trouver.

Le choix d’un vocabulaire trivial et savant à la fois, la frustration de voir que rien de bon n’est advenu de cette journée pour ceux qui vraiment combattu et qui avaient le plus de besoins.

Pour moi qui ne suis pas historienne, ce récit est parfait, bien au-delà d'une leçon d'histoire, et, même si romancé, il laisse amer.

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27 mars 2015 5 27 /03 /mars /2015 21:30
Olivia Rosenthal Que font les rennes après Noël ? ****

Verticales, 2010, 211 pages.

Après les rennes d'Olivier Truc,simples animaux du grand Nord, ceux d'Olivia Rosenthal peuvent sembler quelque peu problématiques...

« Plus l’animal apparaît comme dangereux plus il est considéré. La reconnaissance de l’autre est un moyen pour pacifier le monde surtout quand l’autre est déjà aliéné. Offrir à l’autre le sentiment de l’égalité est une ruse pour le dominer ».

C’est un récit à deux voix qui se répondent sans pour autant se connaître. La question que font les rennes à Noël est posée par une petite fille, mécontente de n’avoir pas eu un animal à chérir comme cadeau. « Une petite boule de poil vivante à s’occuper à caresser… «

Pour se venger, elle songe à fuir avec les rennes après Noël. Mais elle est trop dépendante de ses parents, surtout sa mère. Rien d’orignal, sauf la façon dont c’est raconté ; l’auteur utilise la deuxième personne du pluriel ( comme dans la Modification) mais on apprécie ce choix. Les pensées de la fillette ( qui déteste les poupées et les détruit) devient un vrai récit d’apprentissage dans lequel on la voit grandir, devenir jeune fille, avoir un amoureux, une amoureuse, écrire un roman dont on va connaître les personnages.

L’autre voix est celle , tantôt d’un vétérinaire ou d’un soigneur qui s’occupe d’animaux divers dans les zoos ( il relate aussi une expérience au cirque), tantôt d’un chercheur qui utilise des bêtes, ensuite d’un boucher, bref de tous les gens dont le métier est de s’occuper d’animaux ( chacun de façon fort différente). Ces expériences sont pleines de renseignements concrets ( et parfois un peu bizarres : comment réintroduire les loups qu’est-ce que cela suppose comme infrastructure ?) ce narrateur qui parle à la première personne, se transforme : vers la fin du livre, ile st devenu boucher et explique ce choix.

Bien sûr ces récits ne sont pas à prendre au premier degré ( encore que parfois, si, justement !) et l’animal au cœur du livre est souvent une métaphore de l’humain, ou la représentation d’un fantasme humain.

« Votre désir d’humanité est à peu près équivalent à votre désir d’animalité. En réalité il est absolument impossible de les distinguer. Vous avez peur. »

Les récits contiennent des refrains des phrasés récurrente qui se répètent, des variations ironiques sur certains dictons : par exemples l’homme est un loup pour l’homme, devient l’homme est un homme pour le loup, le loup est un loup pour l’homme etc. Et ces variations malicieuses ont du sens. Cependant le sens de ce que nous lisons, en dépit d’un récit clair et apparemment simple ne se donne pas facilement. Il faut lire entre les lignes. Celui qui croit y lire un plaidoyer pour s’occuper mieux des animaux ou une démonstration comme quoi ils seraient très proches de l’homme, seraient surpris de lire les déclarations du boucher « j’aime tuer les bêtes, j’ai toujours aimé cela » suivi de la meilleure façon de tuer des veaux ou des génisses et quand le faire pour que la viande soit bonne.

Beaucoup réfléchir et relire avant de décider du sens de ce qu’on lit ! Un récit sympathique et en même temps assez retors ! très original; à ne pas manquer!

d'Olivia Rosenthal voir aussi On n'est pas fait pour disparaître

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1 octobre 2007 1 01 /10 /octobre /2007 22:14
Publié récemment aux éditions Verticales, voilà un de ces livres de la rentrée dont nul ne semble se soucier.
Sans doute parce qu'il est très intéressant.

Il se présente comme des réflexions sur la maladie d’Alzheimer prenant diverses formes littéraires du document à la poésie.

Dialogue au style direct d’une personne atteinte Monsieur T. qui répond à des questions après avoir poignardé sa femme un jour de juillet 2004.

Monologue à la première personne d’une femme qui s’efforce de vivre comme si elle était atteinte perte, effacement, sensation d’être un corps étranger, ressenti et vécu. Confrontée à l’idée de la maladie et définitivement concernée par Cette maladie cherchant à vivre avec.

Récit de la vie d’Alzheimer et de ses découvertes forme du documentaire. Rapports médicaux en italiques datés.

Récit de la vie de M. T. et de sa femme jusqu’au geste fou de M.T.

Questions posées au lecteur par la narratrice, ou affirmation, hypothèses, courtes tenant sur une page.

Récit de fragments de la vie de la narratrice. Qui mêle sa vie à celle de M.T. , à clle d’Alzheimer…

S’interroge sur la famille sur la maladie de A. comme psychosomatique. Le A. serait le bouc émissaire d’une famille pathologique qui ne se soutiendrait que de rejeter l’un des siens pour garder son équilibre.

Tous ces textes de forme et de narrateurs différents se fondent les uns aux autres de sorte que l’on ne sait plus, parfois, qui parle et de quoi. Nous sommes désorientés et confus comme des malades atteints de la maladie d’A.

« Je me laisse aller, je me laisse tomber, je me laisse plonger, je me laisse faire, je me laisse torcher et baigner et caresser ; c’est un plaisir incroyable de lâcher prise »

« Si on n’éprouvait pas en même temps des déficiences, la maladie d’A. serait la maladie des conquérants.rosenthal.jpg

« Faites un exercice

Souvenez-vous du plus intense moment que vous ayez jamais vécu et projetez-vous dans une vie om ce moment se répèterait à l’infini, exactement égal à lui-même.

Cette projection vous parait-elle définir convenablement la forme idéale que devrait prendre le bonheur ?

« Mon arrière grand père tenait une maroquinerie à Frankfort.

Phrases poétiques :
Tu n’aimes pas voir les malades de A.
Tu n’aimes pas les voir marcher
Les voir trébucher
Les voir balbutier
…….
Parce qu’à travers eux c’est toi que tu vois c’est toi que tu vois décliner.
Et mourir

Un texte magnifique sur l’angoisse la mort la difficulté de vivre avec tout cela. La narratrice est concernée par la maladie d’A. proprement dite, mais elle s’en sert aussi comme métaphore de la condition humaine, comme moyen d'interroger  le fonctionnement du psychisme humain.

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