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8 janvier 2009 4 08 /01 /janvier /2009 00:11

Challenge ABC " S"

 

Publié aux éditions Les Allusifs.

 

En fait, c'était un professeur agrégé un soupçon soûlographe, dans la cinquantaine, pourvu d'une épouse à l'embonpoint un soupçon trop prononcé, et avec qui il prenait chaque matin son petit déjeuner... »

 

Ce matin, Elias Rukla donne un cours de norvégien à ses élèves de Terminale ; il leur commente pendant deux heures quelques scènes du Canard Sauvage d'Ibsen. Une œuvre classique. Comme à chaque fois, il remarque que les élèves s'ennuient profondément et qu'ils le manifestent par de l'indifférence, des soupirs, une sourde hostilité. Lorsqu'il demande que l'on lise une scène, l'élève s'acquitte de sa tâche de mauvaise grâce, d'une voix atone ou exagérément appliquée...

 

Mais cet ennui se dit-il n'est pas le même que celui qu'il éprouvait lorsque lycéen, il s'attelait lui-même au Canard sauvage ou à d'autres œuvres classique. Autrefois les élèves l'admettaient comme un parcours obligé pour se cultiver et progresser dans la vie, ils adhéraient aux valeurs du professeur.

A présent, ils ont leur propre culture, et considèrent comme un scandale de devoir étudier les œuvres classiques.

 

Le professeur ressent cette exclusion ; en même temps il réfléchit sur le Canard sauvage, qui, loin de lui apparaître une répétition du même cours que l'an passé, lui semble au contraire tout neuf. Il s'intéresse plus que d'ordinaire au Docteur Relling, personnage apparemment secondaire, mais qui pourrait être le porte-parole d'Ibsen, et en qui il se reconnaît lui-même, le professeur.

« Le docteur Relling est l'ennemi de la pièce ; la totalité de ses propos ne suivent qu'un seul et même objectif, détruire, détruire ce drame qu'écrit Ibsen,... » Le docteur Relling est là pour rabaisser tous les personnages, pour en révéler la bassesse et la misère.

 

Ses cogitations sur Relling et ses réflexions sur ses élèves et leur mauvais vouloir prennent un tour  interrogatif. Comment pourrait-il les intéresser à Ibsen ? Serait-ce en leur disant qu'au fond le Canard sauvage est un roman policier avant la lettre ? Présenter chaque auteur classique comme l'ancêtre du roman policier, voilà un cliché auquel ont recours bien des profs avec des fortunes diverses... mais au fait pourquoi les élèves ne sont-ils pas touchés par Hedvig, l'héroïne, une adolescente qui se suicide ? Cela ne devrait-il pas les concerner ?

 

 

 

La matinée s'écoule et le professeur est plus énervé qu'il ne le croit par ce énième cours que les élèves décrient. Parvenu dans la cour du lycée, il veut déployer son parapluie qui lui résiste, et furieux, s'obstine sur l'engin récalcitrant, se blesse, et finit par le mettre en pièces. Bien sûr,  les élèves regardent la scène avec un intérêt qu'ils n'ont pas manifesté pour Ibsen, et,  pris de rage, il se prend à insulter une grande blonde qui le dévisage  d'un peu trop près...

C'est fini pense-t-il en sortant du lycée, je ne reviendrai plus, mais comment vivre à présent, comment annoncer cela à ma femme ?

De fil en aiguille, il remonte à ses années d'étudiants, lorsqu'il a rencontré sa future femme, alors la petite amie de ce « Johan Cornéliussen , son ami à lui, un brillant jeune philosophe, qu'ils admiraient un peu trop...

 

«  les regards qu'elle lui adressait, la manière dont elle le dévisageait, la manière dont elle lui souriait- autant d'expressions qui avaient forcé Elias Rukla à baisser les paupières , ému qu'il puisse être possible d'adresser de tels regards à un simple mortel. A un moment, elle avait épousseté la manche de Johna Corneliussen, enlevant une poussière ou une cendre de cigarette, et ce geste avait fait comprendre à Elias Rukla que la presque invraisemblablement belle Eva Linde était tout entière tombée en adoration devant John Corneliussen, si bien que, une fois encore, il avait dû détourner la tête, ébloui par la solennité de cette réalité ».

 

La dévotion fait bien du mal aux hommes comme aux femmes ! Le roman entier est, même si ce n'est pas ce qui apparaît de prime abord le principal à retenir, une mise ne garde contre la dévotion que l'on est tenté de porter à certaines personnes. Elias Rukla a fichu sa vie en l'air d'avoir mis son ami sur un piédestal, d'être resté toujours dans son ombre, et d'être son remplaçant auprès de sa femme (qu'il affuble de superlatifs ironiques, comme s'il ne pouvait la décrire).

Le Canard sauvage lui apparaît comme une mise en abîme de sa propre vie.

En effet, dans cette pièce, la famille Ekdal est entretenue par les Werlé qui ont causé leur chute et veulent réparer le mal, ne faisant que les entretenir dans l'irresponsabilité. Rukla n'a jamais été libre non plus vis-à-vis de Cornéliussen.

 

Son ami ayant quitté sa famille et abandonné son emploi d'intellectuel pour partir aux USA comme cadre commercial, Elias a épousé sa femme et adopté sa fille, sur son injonction, vit avec elles dans « ce mensonge vital » dénoncé par le docteur Relling et qu'en cette matinée cruciale, il va briser comme ce parapluie...

Si vous enlevez le mensonge vital à un homme ordinaire, vous lui enlevez aussi le bonheur »

Un monologue à la troisième personne, un homme de cinquante ans qui fait un bilan de son passé un bilan d'investigation ; il cherche à comprendre. Pourquoi il est devenu professeur, pourquoi il étudia la littérature, comment il en vint à épouser cette femme...

 

 

 

La narration est tantôt classique, comme une plongée dans l'autobiographie, qui va vers l'enfance, et se déploie dans le récit introspectif, tantôt épouse des formes modernes. Certains passages sont imités du style de Thomas Bernhardt : ressassement de tronçons de phrases somme des leitmotivs qui donnent au récit l'aspect de rengaines visant à montrer l'absurdité de l'existence, le piétinement de la pensée qui se répète et avance difficilement, la répétition significative de certains processus. L'utilisation de la troisième personne permet une distanciation, le récit ne manque pas d'humour noir, et de vivacité malgré le côté introspectif.

 

Il y a aussi de belles descriptions de la ville d'Oslo, un suspense intellectuel indéniable où vont mener les cogitations et déambulations du professeur ?

 

On est surpris toutefois, au début, pas vraiment, à mi-parcours davantage, par des erreurs de syntaxe dans la traduction, ainsi que par des effets de style dont on se demande s'ils sont voulus par l'auteur ? Une lourdeur de style (que vous avez pu observer dans le passage cité plus haut), des allitérations pénibles,  des phrases complexes qui alternent avec d'autres lapidaires, et le vocabulaire soutenu qui se mêle à des formules d'un parlé très usuel.

Ne sachant trop ce qui, dans la forme, est dû à la traduction plutôt qu'aux intentions de l'auteur, je ne suis pas certaine de pouvoir conclure.

 

L'ensemble est toutefois intéressant.

 

 

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commentaires

K
Le problème des traductions ...Et je ne connais même pas cette maison d'édition (encore moins l'auteur !)
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<br /> <br /> On parle beaucoup de ce livre notamment sur le blog de La Lettrine<br /> <br /> J'ai envoyé une demande de catalogue à la maison d'édition.<br /> <br /> <br /> <br /> <br />

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