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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 13:03

Et si c'était seulement la vieille bonne, que Grand-père avait mise dans un hospice, qu'on disait morte, et qui se vengeait en revenant le hanter sous cette forme ?

Si c’était une sibylle qui nous annonçait quelque malheur ?

 Pendant longtemps, il avait fait mine de trouver normale cette étrange personne immobilisée sur l’inclinaison du toit  se contentant d'y faire de temps à autre une brève allusion, le sourcil un peu froncé Parlant de se débarrasser d'elle.

Il ne pouvait la laisser geindre dans la raucité d'un fondu de tons monotones.

 

La créature fut déposée sur la table de la salle à manger, droite, figée, muette à jamais. Elle était plus petite que je ne l’aurais cru.

 

 Philippe fut chargée de la peindre parce qu’il passait pour très soigneux. Il la colora effectivement d’une laque épaisse d’un vert sombre. J’étais très désappointée  qu’on lui eût confié cette tâche, alors que  j’avais trois ans de plus que lui.

.

Sur la grande table de la chambre de mon frère, elle eut un avenir.  Ne sachant quoi faire de cette étrange statue en tôle, il m’appela à la rescousse. La magicienne devint tantôt le sous-marin, d’un capitaine Nemo,  tantôt une fusée, bricolée avec adresse par de hardis aventuriers, tantôt une déesse,  célébrée où crainte,  voire un monument interdit où l’on se risquait pour y trouver un trésor. Parfois, c’était un repaire de brigands, ou un de ces véhicules mystérieux venant d’une planète lointaine…

Une fois remplie ma mission de divertir  les plus jeunes, de leur octroyer leur ration d’imaginaire, et que ma mère voulait d’eux à nouveau, j’étais  congédiée et la créature se taisait à nouveau. 

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6 août 2013 2 06 /08 /août /2013 12:56

 

 

Une grande échelle s'élançait jusqu' en haut du toit. Grand-père montait les échelons pour chercher enfin, comme il l'avait si souvent projeté, la créature, vêtue d'une sorte de robe de bure qui ne flottait pas au vent.  Posée sur une tuile, elle émettait des sons rauques comme si elle appelait au secours, avec des moyens linguistiques réduits.

Elle recevait toutes les pluies, tous les rayons de soleil, et cela ne lui plaisait guère, car elle s'agitait, tournait à droite et à gauche, frénétique et gémissante, Son visage restait toujours soustrait aux regards. D'en bas, il était difficile d'imaginer l'autre côté de sa silhouette fourbue.

Les intempéries ne pouvaient seules expliquer sa mauvaise humeur. Son mal devait venir de plus loin.

 Ce pouvait être une mauvaise femme condamnée à purger sa peine sur le toit.  Etait-ce une bohémienne prise de remords, qui avait quitté en secret la roulotte, pour réclamer son enfant véritable qu'elle avait vendu-ou donné- à une infirmière ?  N’osait-elle le réclamer qu'en faisant des signes ?

  Elle voulait dire je me souviens encore de lui, le petit fardeau roulé à la hâte sous une mauvaise couverture, et déposé sur le paillasson devant la porte d'entrée.

 

Moi-même fille de l'étrange créature?

 

J’aurais dû être une petite mendiante crasseuse, voleuse…

Crasseuse ? Je l’étais déjà à moitié, me débattant périodiquement contre les attaques d'une main armée d'un gant de toilette, interdite de salle de bain, suspectée d'infecter les lieux sains.

Voleuse ? J’inspectais tous les jours les moindres recoins de poches de veste, de manteaux et d'imperméables, les tiroirs non fermés, peu nombreux, et même le panier à ouvrage de ma grand-mère. Mais trouvais-je le plus léger butin, je m’en emparais avec frayeur et le remettait en place après de longues autos tergiversations

Mendiante ? Je disposais selon Maman de toute sa tendresse, de tout son amour qui l'un et l'autre étaient incommensurables. Ce capital ne se pouvant compter en unités, je ne savais à quoi J’avais droit en réalité. Les beautés des déclarations maternelles ne permettaient pas le calcul, et de ce fait, on n'avait idée ni du bénéfice, ni du gain, ni des pertes éventuelles.

 

 

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17 décembre 2012 1 17 /12 /décembre /2012 21:45
J’avais huit à dix ans : il était toujours question de la guerre.
 La troisième guerre mondiale.
 Ce ne serait pas n’importe quel conflit armé, circonscrit dans quelques lieux assaisonnés de sang.
 Ce ne serait pas des fusils, des baïonnettes, des tanks et des chars d’assaut.
Ce ne serait pas des commandants des capitaines et des pauvres conscrits sacrifiés comme chair à canon ou héros de la patrie.
 Ce ne serait rien d’aussi humain.
 Ce ne serait rien de semblable à des pleurs, ni à des cris.

 Non : un monstrueux nuage blanc d’une consistance rare, consumerait sans la moindre flamme et en quelques secondes la totalité des êtres vivants qui étaient assez malheureux pour habiter la planète Terre. Il était connu cet incommensurable cumulus sous le nom de « champignon atomique. »e".

 Nul n’en réchapperait. Ni les Communistes (de qui c’était la faute), ni les Américains (tellement irresponsables) ni les Européens (tous victimes, tous complices), ni les Africains (si naïfs avec leurs danses de la pluie et du ventre) ni les Chinois (plus rouges que jaunes), ni les Tahitiens (déjà rongés par la syphilis sous leurs palmiers), ni même les génies de la grimpette qui progressaient à huit mille mètres pour coiffer le toit du monde (ils seraient refroidis.)
 La mondialisation, déjà, opérerait.
Hiroshima n’avait été qu’un modeste hors d’œuvre.
    Le soir venu, à la soupée, la bombe s’appropriait toutes les conversations. Ma mère psalmodiait son effroi. On en avait encore parlé au poste. Tous ces chefs d’état qui ne pensaient qu’à se taper sur la gueule ! Des fous ! C’était pourtant pas difficile d’être raisonnable : Y’avait qu’à nous voir !
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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 20:24

N°138 6 37 ; Feuille de route.

 
 
 
Objet : convocation
  

J’ai l’honneur de vous rappeler que nous réunissons des jeunes gens officiellement célibataires de tous le pays, âgés de 25 à 39 ans dans le but de favoriser le repeuplement dans un esprit démocratique.

Le concours se déroulera du 16 au 31 dans notre beau pays et comme chaque année nous avons réquisitionné plusieurs grandes propriétés à l’écart de tout habitation.

 Vous avez été tiré au sort. Et êtes affecté au service de la nation dans le cadre de l’expansion démographique. 

En conséquence vous vous présenterez à 7 heures piles le 19 /07/ 29 devant la grille de la propriété «  Les Granges » à Bonne dans l’Heur, avec  les documents suivants :

 La présente circulaire les documents suivants en règle :

Carte d’identité nationale

Certificat de nationalité établi depuis moins de trois mois.

Extrait d’acte de naissance,
Extrait de Casier judiciaire,
 Certificat de célibat,
 Carte ADN.

Carte d’affiliation à une association sportive officielle.

Brevet de natation. 

    Les portes s’ouvriront à 7heures 30 pour la visite médicale et le contrôle des documents officiels dans la salle à manger des Granges. La visite se compose d’un examen anatomique simple et d’une prise de sang.

Si vous n’êtes pas retenu après contrôle, vous passerez dans l’arrière-cuisine dite «  la patouille » pour consulter un spécialiste qui s’occupera de votre cas.

Si vous êtes retenu, vous rejoindrez les autres candidats dans le jardin de la propriété. En aucun cas, vous ne devez porter de vêtements, mais des chapeaux en toile sont distribués ou   des tentes installées si les conditions météorologiques l’exigent.

Vous avez une heure pour trouver un partenaire du sexe opposé au vôtre. Au terme du temps imparti ceux qui n’ont pas fait de choix sont affectés à un conjoint d’office.

 Avec votre partenaire vous devez vous installer dans une portion d’espace de la très belle et immense propriété choisie par les responsables du ministère de la Famille et de la Patrie.

Dans ce lieu choisi chacun doit rester un jour et une nuit et copuler au moins trois fois.

Chaque participant doit garder le bracelet permettant de l’identifier.

 Un photographe qui ne les connaît pas prendra chaque couple en action.

Nos photographes sont des professionnels du ministère de la santé publique.

 Les plus belles photos 500 cent à 1000 suivant les cas, donnent droit et obligation à un mariage somptueux ; Les tout premiers gagnent une somme d’argent pour démarrer, somme qui n’est pas encore fixée.

 Si une conception s’est produite, l’enfant bénéficie d’une pension  de décollage pour cinq ans.

 

Les autres couples seront affectés par nos soins à des appartements à loyer modérés et sont soumis aux mêmes devoirs que les gagnants. Un inspecteur viendra contrôler la situation tous les deux mois.

Ceux qui sont convaincus de simulation et autre désobéissance se voient déchus de leurs droits civiques. 

 

Les participants qui refusent de se marier doivent dix ans de service bénévole à l’état à raison de cinq heures par jour.

 

En cas de non procréation, dans les cinq années qui suivent, vous serez convoqués, entendus, et traités.

 

 Si une personne convoquée pour le concours ne s’y rend pas, elle est « déserteur » et s’expose à des sévices et nuisances sur sa personne. De même tout couple déviant, ainsi que 

toute personne ayant déserté le domicile conjugal officiellement attribué.
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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 20:02

(précédent Le Jeu des mille anciens francs)

 

Ah, dit Mathieu, c'est une Bible de Second...une série B...

 Il ajouta que  pour être sérieuse, une Bible devait être accompagnée de notes explicatives sur les légendes qu'elle rapportait. ça s'appelait un appareil critique.

-" Un appareil critique...!!!  Maman, secoua la tête. Tu ne peux pas t'exprimer simplement . Tu cherches à m'énerver. De toute façon cette sorte de livre coûte bien plus cher. Et on n' a pas besoin d'explications lorsqu'on a la foi. Moi, il a longtemps que je l'ai attrapée


-Ce n'est pas contagieux.Au fait,  pourquoi dit-on " la foi du charbonnier"? Pourquoi pas celle du mineur?, le métier est plus dur, et c'est ça qui serait vraiment étonnant, la foi du mineur! D'ailleurs, ils ne marchent plus dans la combine, depuis un sacré bout de temps! Et s'il faut que ce soit noir, pourquoi pas la foi du ramoneur?

-Tu me bassines avec tes élucubrations Tu as bien suivi les cours d'instruction religieuse?

Tu ne t'en plaignais pas.

 

Comment se serait-il plaint d'avoir une occasion de sortir? Il ne se plaignait pas non plus d'assister aux séances du cinéma, heureusement proche de l'appartement. Il ne se plaignait même pas d'aller à l'école.

" Je ne vais pas faire ma communion maintenant!  Ce serait ridicule! Les autres reçoivent de vrais cadeaux ! Pas des bibles à trente-quatre francs! Et puis, il n'y a que les filles qui font encore leur communion, de nos jours. Et encore, pas toutes!"

 

Maman parla du Pasteur. Elle aurait tellement voulu montrer que son fils … car elle était sûre que ça n'intéresserait jamais les plus jeunes enfants. Ils étaient d'ores et déjà dispensés de communion. Ce qui ne les empêcherait pas de recevoir des montres et des stylos car ils étaient si soigneux, si précieux. Comme ils sont malins! Se ferait-il rouler toute sa vie? Ni Paul ni Caroline n'avait jamais prêté la moindre attention au Pasteur de Maman.

 

Près de Louins, le petit village où habitaient ses grand-parents se trouvait une ville distante de 15 kilomètres.

 

Le dimanche, on suivait le service religieux de l'église luthérienne, qu'on appelait le Temple.

 Au  Temple, ni à Paris, ni vers Louins, Mathieu ne se souvenait y avoir vu un homme ailleurs que derrière une chaire. Dans l'espace froid et triste de l'édifice religieux où les fidèles s'agglutinaient sur des bancs, il ne pouvait se figurer que des femmes et des enfants et parfois, ici ou là, une grande fille à la mine ennuyée. La fille du Pasteur, une belle brune à l'air farouche, amenait son père le matin et l'allait chercher à la fin de la représentation.

A l'âge de huit ans, on commençait à suivre les femmes au temple. C'était présenté comme une promotion. Pendant ce temps-là , le grand-père partait faire des emplettes au Marché et prendre l'apéritif, avec le simili-papa, tout content de cette escapade dominicale. L'âge auquel Mathieu aurait dû être dispensé du culte et autorisé à suivre ces messieurs, lui semblait largement atteint. Il n'était plus un enfant, ne serait jamais une femme, et il ne s'imaginait pas en train de faire sa communion.

 

Le Pasteur de Maman avait beau être un spectacle , cela ne changeait rien à l'affaire.

Pour Mathieu il oeuvrait à une sorte de représentation de la Passion. Il ne se produisait pas tous les dimanches, mais certains l'attendaient avec impatience, à l'égal d'un interprète estimé et l'on entendait des murmures de déception lorsqu'il n'officiait pas. Maman elle-même se rendait au temple sans aucune régularité : avoir la foi était la seule exigence, les rites importaient peu. Toutefois son Pasteur valait la peine du déplacement : il fortifiait la foi à l'égal d'une concentration extraordinaire de vitamines.

Le Pasteur n'officiait pas derrière la chaire d'où on ne l'aurait pas vu mais sur un siège spécial orthopédique. Le voyant habillé comme un homme avec un complet, une chemise, une cravate, on pensait néanmoins qu'il y avait peu de chose en dessous et que le vêtement flottait sur un maigre support. Deux mains blêmes sortaient des manches, l'une tenant un bâton pourvu à son extrémité d'un coussinet blanc avec lequel il tentait, parfois avec succès de s'éponger le visage ou le front. Ses gestes retenaient une bonne part de l'attention du jeune spectateur. Si Mathieu avait eu un ami ou un simple copain, ils se seraient poussés du coude et auraient étouffé un petit rire en comptant les fois où il réussissait à saisir le bâton et à le diriger au bon endroit.

Son visage était affligé de tics et de mouvements de lèvres auxquels on s'accrochait. Elles remuaient longtemps avant qu'une parole ne fût proférée. Il était incessamment sur le point de dire quelque-chose.

C'était un grand tétraplégique ( c'est le mot exact, je l'ai trouvé dans le dico, disait Mathieu à son camarade imaginaire, Ralph, qui fronçait les sourcils, un comment tu dis? Tétra?)

Seuls lui restaient la voix hachée et saccadée, et un peu de souffle, un peu d'âme qui montrait là l'essence, la fragilité et l'irréductibilité de la foi.

Ses yeux, qu'il avait clairs était intensément fixes. Le regard dépend de ce qu'on y voit, et certains fidèles y lisaient l'intensité de l'effort, d'autres la lueur de l'espoir. Le Pasteur ne parvenait pas exactement à faire le sermon, mot qu'il n'eût pas aimé. Pourtant ce sermon qui est le plat de résistance de ce type de service religieux  et qui prend la forme du commentaire de texte ou de la dissertation chez tout pasteur officiant (Arrêtons-nous sur  ce"V. des V. tout est V.",auquel j'ai pensé pour vous, mes frères… Vérité, Vanité, Volonté, Vacuité, Volupté, Vénérie,  ) se transformait chez l'autre Pasteur en phrases courtes ou tronçons de phrases, durement énoncées, arrachées à l'inertie de la matière.

Mamie, qui s'efforçait toujours d'écouter et de chercher un sens, le trouvait difficile à suivre, et elle n'était pas la seule. Certains préféraient le pasteur-adjoint, le stagiaire ou le remplaçant. Pour Maman le Pasteur était un Elu. Un dessein de Dieu avait amené cet homme-là à représenter une forme de la Passion, ses grimaces et ses balbutiements ses témoignages authentiques de souffrance valant mieux que les plus raffinées des éloquences verbales.

Maman venait féliciter le Pasteur , quand il avait ainsi assuré le service, et parfois lui parlait à toute allure, toute une vie déferlait en quelques minutes, petits détails et grands mots associés. Mathieu se sentait obligé, Maman le désignant, de serrer une main d'agonisant décharnée et tremblante. Certainement, il lui était  arrivé d'éprouver de la crainte, de l'exaltation et une certaine ferveur.

 

 Mathieu avait lu dans Pascal, en Quatrième, l'assemblage de textes intitulés " Misère de l'homme sans Dieu". sans que ce fut demandé par aucun professeur. Des fragments qui lui avaient plu. En observant simplement la condition humaine , on tirait des effets dramatiques considérables. Mathieu s'était facilement persuadé que l'homme, héros de part son être même, s'il en était conscient, si de plus il vivait cela sans Dieu, et sans le Divertissement, atteignait les sommets prestigieux du mérite. Or, le divertissement, c'était tout ce qu'on faisait dans le monde, et le monde, il n'y avait pas sa place, et par suite se divertissait fort peu.Grâce à Pascal, il avait constaté, croyait-il, sa dérisoire condition et son héroïque grandeur en contemplant l'étendue de sa vertigineuse petitesse. Certes, il fallait que Dieu lui manque absolument. Cruel envers lui-même, il se méprisait-moins, peut-être. Mathieu était plein de dépit, mais fier en même temps, que son existence soit aussi gaie que celle d'un pensionnaire de Port-Royal avec cette différence que l'enseignement qui lui était dispensé était de beaucoup inférieur.

 

Il lui arriva parfois au cours de son existence ultérieure de craindre d'être devenu croyant. Il révisait alors avec angoisse ses pensées et les tâtait craintivement comme pour vérifier qu'une tumeur divine n'était pas en train de proliférer dans son esprit…

 

 

 

 

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 14:53

Une salle de théâtre presque vide, quel théâtre difficile à dire.  

Et je suis mal placée, très loin de la scène mais je n’ose approcher car si je ne reste pas à cette place, on m’obligera à y retourner. On joue « La Nuit de Valognes », cette pièce où Dom Juan va être obligé de se marier, pour sa pénitence, et également de refuser une relation homosexuelle qu’il souhaitait. Personne ne croirait que ça s’appelle « La Nuit de Valognes », d’ailleurs moi-même je ne sais plus pourquoi. L’auteur s’appelle Eric-Emmanuel Schmitt. Vous le connaissez surtout pour Oscar et la Dame rose, mais autrefois il a écrit deux ou trois bonnes pièces, pas du tout à l’eau de rose…

  Je n’entends pas, je ne vois rien, dommage, j’aime beaucoup cet acteur que je vois sur la scène avec son accent allemand irrésistible. Il est parfait pour ce Dom Juan là. Pourtant je ne suis pas d’accord que Dom Juan soit homosexuel. Voilà une idée qui ne me plaît pas.

 Tout à coup, une des femmes de la pièce donne une forte somme d’argent à Dom Juan, cela est déplacé, ce n’est pas le texte.

 

 Les lumières s’allument, c’est la mi-temps. Je vois une autre spectatrice, il me semble que c’est B, mon ultime ex-amie, elle est assez loin pourvu qu’elle ne me voit pas : elle dira que c’est médiocre cette pièce, que c’est minable cette mise en scène, et je serais obligée d’acquiescer.

  J’arrive à la buvette : long comptoir, absolument vide, devant le mur.  En face de moi l’acteur principal qu’il ne me déplaît pas de rencontrer. Il est français et allemand à la fois. Je le trouve élégant, ambigu, timide (pourtant) méfiant.

Je lui pose des questions..

« Vous êtes d’accord que Dom Juan est homosexuel ? »

Il répond ne pas devoir se le demander avant la fin.

- Vous, est-ce que vous êtes homosexuel ?

- Non ; pas vraiment.

 Tout cela est dit avec un léger sourire, un jeu très retenu. Comme toujours !

- Ambidextre ?

A ce moment, l’homme devient noir et blanc comme dans ces vieux films où je ne l’ai pas vu jouer. Muet aussi car il parle mais je n’entends rien. Cependant je suis sûre d’enregistrer la réponse

- Puis : « Avez-vous au moins eu un rôle dans le Grand Faust ? »  Il s’agit de ce Faust monstrueux que Michael Grüber fit jouer et qui durait deux ou trois jours. Il avait embauché tellement de comédiens…

Je n’entends pas de réponse, ne le vois plus très bien. Je n’ai rien dit pour lui plaire, que des réflexions fâcheuses, et l’image va s’évanouir. Quelle idiote ! Comment l’empêcher ? Puis il me semble que B est derrière moi, elle va lui faire du plat, elle ira jusqu’au bout.

  Tout le décor, pourtant minimal, disparaît, la buvette, l’homme, et je me dirige vers le lieu de la scène : en passant dans un couloir, je vois qu’on tire le rideau de fer, c’est un gardien, il tire le rideau comme dans un magasin le soir. Vite, dit-il glissez-vous là-dessous, vous avez juste la place, sinon vous allez être enfermée, il ne faut pas s’attarder comme cela !

Je vais devoir ramper sous le rideau de fer, à plat ventre.

 

 

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 00:04


UTILISER CHAQUE VOYELLE POUR COMPLETER CE MOT :

P-P-L-R-


      « Papelour, papenlair, papelure?

Papesse : Jeanne la papesse ! et Papin qui inventa la chaudière où ses sœurs ébouillantèrent leurs maîtresses !  

Papu, ;papulire, papucroire... Pépie ?

Il sortit son paquet et en détacha une cigarette. Des poils roux dépassaient du mince cylindre de papier  qui lui picotèrent la langue. Il hésita à se donner du feu. 

 Pip. Pip. Haendel, Estelle. Pipistrelle, pipeur, pipen laire... Pip et Estelle ne seront pas heureux. 

      -Attention, Jehan, regarde ta montre ! 

     Il en était à « po »...

Po. Popa, popart, bof ! popcorn : avec sa sœur ils avaient fait éclater des grains de maïs dans une casserole, admiré Les excroissances les boursouflures. Elle criait d’une façon un peu déplacée comme si elle voyait ça pour la première fois.... Le champ de maïs. Popeye ! Ce salaud. Le Popeye qui vous assène le monde d’une autre façon. Un assassin de petite taille  qui, avec l’épis de maïs, à défaut d’autre chose, faisait à Temple subir les derniers outrages. 

Le copain de Temple? un imbécile.

Et les autres ? ces drôles de paysans dépravés...  Si j’avais accompagné Temple, moi, je parie que rien ne lui serait arrivé. Il aurait vaincu le monstre!

 Jamais je ne me serais aventuré dans cette  bicoque de dingues pour vendre du whisky ou en acheter… Qu’est-ce que je fais ici ? 

Cesse donc !  Si tu te poses des questions, tu  es perdu !  

Po...pocatepetl ; n’est-ce pas le volcan qui  te cause ?  Lorsque tu grimpes sur son flanc, tu entends un grondement,  il te raconte ta vie et la sienne. Allonge-toi et  colle ton   oreille contre son ventre herbu et caillouteux.

Oui, je sais : ce n’est pas un nom propre que l’on me demande !  Ouf ! Pu, pupitre, pupille, pupil… Pfuitt ! j’arrête.



TROUVER DEUX MOTS QUI SE PRONONCENT PAREILLEMENT MAIS S’ECRIVENT DIFFEREMMENT ET SIGNIFIENT: 

Un élu/ Un parent.


 Deux ? Qui se ? Mais qui ?  Mais quoi ? C’est dingue ! se pro S’écri Pareil ? 

Au bout de quelques minutes de panique, il soupira de soulagement. Des homophones, quoi ! Ne peuvent-ils  pas s’exprimer simplement ? 

Et qui signifient ...?  Pourquoi deux ? Bon, élu et parent sont apparemment synonymes...

 Un élu, un parent. Le pauvre gosse fait de son parent un élu. Il n’a pas le choix !

Plus tard, il fera de son élu un parent. Sinon, aura-t-il le courage d'aller voter  encore pour lui? On ne s’en sort pas. 

Injuste ciel ! Jehan, relis l’énoncé. Qu’est-ce qu’on te demande ? 

Oui, oui ! Parent égale Maître. Le parent est un maître pour l’enfant. Qu’y puis-je ? 

« Ce sera une excellente occasion de reprendre confiance en toi, Jehan, lui avait dit son père. Tu te rendras compte de tes capacités. Objectivement. Rationnellement. Positivement.


« Il est temps de faire un bilan raisonnable de tes possibilités, avait ajouté sa grand-mère afin de  les travailler au mieux. »


La psychologue qui l’avait accueilli tout à l’heure patientait dans le bureau contigu. Il l’imaginait en train de déplacer des dossiers. La pile de dessous sur celle de dessus. Et que j’te  détache une feuille couverte de mots,  et que j’me penche et feigne de lire. Comme si la surveillait une invisible caméra. 

Et bien, pas moi ! 

Rempoche ton paquet, Jehan, cesse de humer ce tabac blond. Lis ton énoncé. Elle ne verra pas les volutes de fumée s’échapper de dessous la porte.

      Peut-être : mais il y a peu de chance qu’elle soit anosmique.

M’en fous ! … Un élu, un parent, un maître...


De précieuses minutes s’enfuirent avant qu’il ne s’avisât de son erreur. Parent et maître ne sont pas synonymes, même si dans sa famille les parents sont tous enseignants. Il s’agit seulement de consanguinité. 

Consangouin, consagouin. Ascendant ?Affilié ?


   Perplexe, il s’occupa de l’Elu : choisi, préféré. Chouchou. Président, sans doute ? Recteur, dirlo, gouverneur, Auguste, César, Alexandre, Pape, Tout-puissant, Roi-soleil, fürher, Dame de fer, Dame de Pique, damned !  Timonier, capitaine, pilote, Tintin… ne t’égare pas !

Reine-mère Petit père des peuples,  Big Brother, tonton Mackhout ? Ah, voilà des parents !


     Si tu ne trouve pas, passe à la suivante !


 

QUEL EST L’INTRUS ? 

H M X N A.


 A est ici la seule voyelle. H ,la seule de ces lettres qui s’écrit et ne se prononce pas. Subrepticement, elle se glisse entre deux lettres parfois pour les empêcher de s’accoupler : Tohu n’est pas tou? bohu n’est pas bou, bahut n’est pas baut. Cahin  et Caïn ma foi, tant pis !

Reste que H est une lettre intéressante…

Oui, et alors ? Qu’est-ce qu’on te demande ? 

M et N sont inséparables comme oiseaux dans cage. 

Un poisson se fit éjecter d’un aquarium, un  poisson rouge d’une belle couleur vieil or..  Etendu  au milieu d’une flaque sur le sol de ma chambre, privé d’eau, Max agonisait. Son jumeau Moritz gisait, ventre en l’air à la surface du bocal, entouré de ces petits grains pour eux comestibles et qui resteraient inemployés. La  frangine  avait jeté mon poisson parce que le sien était mort. Je suis devenu ce poisson…

 

Vraiment cela me touche ! Mais regarde ta montre ! 

 M et N sont liés par des sentiments opposés et rares. Qui mérite que tu l’aime mérite pareillement ta haine. N’honore pas n’importe qui de tes précieuses ressources. M et N sont frères. 

A, l’ouverture absolue et M, la fermeture  le sont aussi. 

X est la seule lettre qui possède deux sons. KS. KSS ! KSS ! Une sorte de baiser-serpent.


Pour résumer, j’ai trois lettres singulières et deux couples. Ça ne fait pas un seul intrus.

Changeons de stratégie : en retournant la cohorte  A devient une étrangère, M se change en W, les autres ne sont pas affectées. Et alors ?

A l’épreuve du miroir, N est la seule de ces lettres qui ne se reconnaît pas.


 

QUE VAUT LA MOITIE DU TRIPLE DE MAISON ?


    Maison compte six lettres, multiplions-les par trois, dix-huit, divisons par deux, neuf.

Il ne put chasser de son esprit la querelle familiale  périodique. :   Son père prétendait  avoir remboursé trois fois mémé  du prêt qu’elle leur  avait octroyé  pour l’achat de  leur maison. Et la vieille s’étranglait de colère : «  Vous êtes fou ! Je ne suis pas une usurière ! »

    C’est beaucoup trop simple, se dit-il. Eus égard aux questions précédentes en tout cas. Ah! je crois que le génie habite ma lampe: et me dit remplace chaque lettre par son rang dans l’alphabet. M=13 ; a=1 ; i= 9  etc… additionne-les et effectue les mêmes opérations que précédemment. Ça vous a tout de même une  autre touche. 

Horreur ! le triple est égal à deux cent treize ! Divisé par deux, il ne donnera qu’un foutu nombre décimal ! Je ne sortirais pas entier de là. 

Autrefois, je m’en tirais en arithmétique ! Surtout les problèmes de train. 

Je veux bien te croire ! L’Orient-Express, le 4h40 à Paddington, t’as deviné facilement. N’empêche que ta grand-mère te disait : assez, Jehan avec ta littérature de gare ! Sois plus ambitieux ! 

Je me suis scrupuleusement employé à lui obéïr. A présent, je me lance dans la littérature d’aéroport.  La « Mort dans les nuages » me tend les bras. 

Jehan ! Encore une fois ! Cesse de caresser cette cigarette. Oh ! Retire-la de tes lèvres, n’allume pas le briquet. Vois cette fumée opaque ! Qui ne s’en apercevrait ?

 

LAVE EST A VOLCAN CE QUE EAU EST A ?

Glace- montagne –vallée –cheminée -source.

 

Je sais qu’ils attendent source mais c’est inexact. Volcan est solide, lave est liquide. Source est toujours déjà liquide. L’eau ne coule pas de source.


DEUX MOTS QUI S’ECRIVENT DIFFEREMMENT ET.. ouais, toujours des homophones, ET SIGNIFIENT: 

Courage /entaille.


Cette-fois-ci, il ne se lassera pas égarer !Courage ! Cœur, couilles, sang-froid, sang-chaud, estomac,  bavoure, audace, rébellion, révolte, risque, vaillance, valeur, honneur, intrépidité, témérité, ténacité. Hardiesse. 

Pas de doute : question lexique, il assumait à présent. Un gros Robert tout entier généreusement s’offrait à lui.

  Entaille : coupure, blessure, morsure ; bistourure, scalpelisation, cicatroce. Marque. Incision, ex-, circon- 

Toujours rien... Raie, fente.

Encoche, estafilade. Trou ? Vide ?


Il ne rencontrait pas l’ombre d’un homophone.


Je ne te plains pas de t’être vilainement brûlé la main gauche à force de vouloir cacher l’objet du délit dans ta manche, qui d’ailleurs se troue lentement. Maintenant, ça sent le roussi. Eteins !


DANS CETTE SUITE DE LETTRES, OTEZ UN CHIFFRE , IL EN RESTE UN AUTRE.


D T R O E U I Z Z Z E E. S


ce sont des chiffres ce ne sont pas des lettres? Dois-je remplacer chaque lettre par son rang dans l’alphab…. Ça s’est révélé infructueux naguère. 

Avec le O on peut faire 0 ; avec le I on peut faire 1. Dois-je donner une réponse ? 

Ce sont des tests de provocation se dit Jehan. Comparables à ceux qu’on lui faisait parfois subir  à  l’hôpital pour détecter les produits auxquels il serait allergique. Pour lui les résultats s’avéraient toujours négatifs. Zéro ! Il résistait bien à la provocation.


Le zéro, tu te doutes un peu à qui il sera attribué, Jehan ?


 

Il  rendit son épreuve de tests à la psychologue, auréolé d’une odeur de brûlé et de tabac froid. Il avait presque tout raté dans les chiffres et les lettres, rien compris aux suites de chiffres, ni aux dominos. Restaient les figures géométriques et les oiseaux, plus amusants qui l’ont sauvé du zéro.


« Eh bien, dit la dame, ce n’est pas vraiment une catastrophe, mais…il faudra beaucoup vous entraîner. Ces tests sont démocratiques, comprenez-vous ? Ils sont conçus pour que même les individus dépourvus de culture et handicapés par un milieu social défavorisé puissent y répondre, grâce aux apprentissages techniques qui, eux, leur sont accessibles car ils les acquièrent à l’école. Ces opérations qu’on vous soumet sollicitent les centres logiques, l’intuition, l’inventivité, les capacités d’initiative, la souplesse de l’esprit. Voilà des aptitudes qui vous font presque entièrement défaut.. Pourquoi ? Parce que votre famille vous a renseigné sur trop de domaines sans vous laisser procéder à des investigations personnelles. Parce que vous avez méprisé la technique et vous êtes contenté d’un petit vernis culturel… A quoi vous sert de connaître le mot «  homophone », si vous ne savez pas les repérer ? ».

 


Elle commenta l’obstacle infranchissable rencontré par Jehan à la première question : Croyait-il n’être pas populaire en classe ? Le regrettait-il ? Visiblement il n’aimait pas ce mot ! Et s’il craignait le peuple ?


  Jehan répondit que la popularité se paie,  même dans un groupe comme la classe. Si vous êtes unanimement  apprécié, on vous demande beaucoup de services, on vous saoule de bavardages, on vous prend votre temps. On : toujours « on. »  Vous ne pouvez pas choisir vos fréquentations. Au  plaisir initial de se croire indispensable, craint, aimé, succède très vite l’asphyxie causée par  l’asservissement. A un haut niveau, ce devait être pire à son avis.


Quant au peuple, c’était  un magma douteux que l’on invoque à des fins d’intoxication communautaire.  Ne parlait-on pas de classes sociales à présent pour y voir plus clair ?


La dame le diagnostiqua égocentrique, un  défaut qui n’empêchait pas de réussir ses tests, encore moins sa vie. Il devait s’entraîner … à ces petits exercices, que sont les tests. Les plus paresseux se rendent vite compte  de leur charge ludique et y prennent goût. Les capacités s’augmentent, l’esprit s’assouplit, l’intelligence  s’affine. 

  Jehan s’interrogea en aparté : était-il vraiment paresseux ? Il lisait beaucoup, dessinait encore plus, s’exerçait à la guitare, au gymnase, nageait, plongeait, irriguait… Si ça le travaillait, il n’était pas non plus en repos… 

Mais j’oubliais, fit-elle plus doucement, que vous êtes né prématurément. Elle soupira. Je verrais vos parents. 

« Avez-vous compris un peu ce que je viens de vous dire ? » s’enquit-elle soudain avec cette fois un zeste de compassion.


Cœur, hardiesse, bravoure, rébellion ? Jehan n’en fit pas preuve. Politesse, non plus. Il se retira sans un bruit, refermant la porte derrière lui à grand fracas, la gorge contractée. Avant d’aborder l’escalier, il alluma une cigarette.
Bien sûr, se dit-il, certains clament haut et fort leur répugnance à l’égard de ces repérages de capacités intellectuelles. Nombreux sont ceux qui tonnent contre.
Mais ces mêmes personnes, voulant justifier la valeur d’Untel, mise en doute, ou inversement souligner leur admiration pour Untelautre, se servent du même argument s’il est avéré. Ils vous lancent :
« Il a un quotient intellectuel de cent cinquante ( au pire…). D’où son problème. D’où sa réussite. »Tout le monde y croit.


 

 

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17 octobre 2009 6 17 /10 /octobre /2009 16:24

   Escortée de deux haut de forme, inquiétants et muets, qui se sont joints à moi à l’arrêt du bus, si sérieux et si droits que je ne peux les prendre pour des dragueurs, je me dépêche vers ma destination n’osant leur demander la raison de leur présence, ni leur dire de me lâcher.


Je me cherche laborieusement une explication : à présent il y aurait des mesures sécuritaires telles que des femmes de mon genre, non je veux dire des femmes tout court, (toutes courtes) ont droit à un accompagnement dès qu’elles circulent la nuit tombée.


J’ai reçu une lettre me disant de me rendre à une curieuse adresse. Je me dirige vers une auberge ; ou un hôtel. Sur la façade est écrit en grosses lettres « Hostellerie Overnight »

Je suis invitée à l’émission « Du jour au lendemain », et je m’étonne d’être conviée dans un hôtel avec une inscription qui n’est pas la bonne : tu ne dois pas le montrer, bâillonne ta pensée ; je ne vais pas faire la difficile : on m’a désignée alors qu’aucun des mes manuscrits n’a jamais été publié, ni exploré ; ce doit être une erreur…Tu ne dois pas le montrer ; fais comme si c’était naturel.

C’est un hôtel petitement constellé.

A la réception, se trouve Alain Veinstein. A tout le moins je pense que c’est lui ; grand maigre avec une profusion de boucles couleur de feuilles mortes. Il porte un pullover à col V mangé aux mites en deux endroits et une chemise fleurie qui en dépasse. Bordeaux à fleurs jaunes. Des ajoncs.

Etonnant tout de même, ce vêtement, ça n’a pas de sens, et recevoir les débutants dans un… un quoi au juste ?

tu ne dois pas poser de questions ! C’est ta seule chance.

Personne ne l’aide à tenir l’hôtel.

L’atmosphère est gaie. A.V. écrit des mots sur une feuille de papier quadrillée, je hoche la tête en signe d’assentiment sans avoir rien pu lire tant ma fièvre est aphtreuse.

Je lui dis :« Vous êtes bien Alain Vahinénchtailln ? Vaillene chtailln« J'essaie de prononcer à l’allemande ; je m'embrouille...

Il corrige en secouant la tête : « Ven(e)stène. »

Je me dis que c’est bien lui : cette voix m’est familière que je reconnais aisément à cause du nombre incalculable de nuits magnétiques et de jouraulendemains que je me suis octroyées depuis une vingtaine d’années dans le secret de mon baladeur.

« Pourquoi ? " Dis-je, soudainement déçue. "Pourquoi Ven(e)sténe?"

- Ben, me dit-il, voyez-vous, Lustiger égale lustigé et non pas loustiguerre.

- C’est périmé, dis-je maintenant c’est Vingt-trois. Vingt-deux les flics, vingt-trois les curés"
.

Ai-je marqué un point ? Il n’y pas de réponse.

"Vous n’avez pas l’air de vous rendre compte, poursuit-il, que Einstein et Veinstein, c’est presque le même. Ne devrais-je pas me protèger contre cette influence ?"

Moi, je suis embarrassée, je me demande si c’est du lard ou du cochon. D’abord, évite de penser !

"je suis bien contente d’être invitée à votre émission, fis-je la jouant polie et insipide. Surtout que mon livre n’est pas publié.

- Oui, dit-il, c’est la trêve de noël. Vous aurez le droit d’en parler à l’antenne ; une demi heure au moins, comme les écrivains que je reçois ordinairement. Il ne reste qu’un obstacle à franchir : vous devez prononcer correctement ce nom qui est écrit sur l’ardoise :

THOREAU.

Ah me dis-je, presque soulagée Oui je sais ! Henry David … auteur de la Vie dans les bois.

Pas ça qu’on te demande ! Tout le monde sait que tu passes ton temps à tenter de montrer ta science et ça emmerde les gens surtout les hommes.

Alors je fais un bilan de tout ce que j’ai entendu comme manière de prononcer ; ça me fascine tant il y a de variantes !

D’abord le rustre « toro », avec le premier « e » ouvert et le second fermé, ou l’inverse.

« Zeuro, ou dzeuro, ou teuro, avec un « th » diversement abîmé dans l’s ou le Z, proche de Zéro le pauvre... quand ce n’est pas Zoro, tout bêtement.

Mais aussi soreuho, avec un r vaguement roulé parfois, ou sowo (prononcé sorrow) : le chagrin de Zoro !

Et le « tseurwo », qui est l’une des variantes préférées en français, une manière de petit aboiement si cocasse…

Tso houeu, et son petit parfum oriental, est prisé aussi.

Ensuite, dans le contourné, on n’hésite pas toujours devant : z/soriou ; z/sorio ; tsoriou ; s/zeuriou. Préférence pour le « sss » au démarrage.

Puis vient l’heure de faire mon choix.
J’ai une préférence pour « Seuriou ».
Ma bouche profère et mon  cœur bat.

« Où allez-vous me chercher ça ? fait mon hôte, amusé. Je dis « toro »; comme tout le monde !

Vous avez perdu... »

Al V. Stein me raccompagne jusqu’à la porte.

déjà je rumine que c'est vrai, Michel Cournot à l'émission, autrefois, avait dit " Toma Bernar" et non "tomass bernardtt" ça m'avait frappée ce " franco-français".

Je retrouve les deux messieurs chapeautés. L’un d’entre eux me souffle à l’oreille « The solution can’t be found overnight ».
-Qui êtes-vous ? fais-je , déroutée

-Baron de Carolusse, prince d'Olérone, duc de Brabannte, pô vô seuvi'...

Je ne réponds pas, et reprends le chemin qui mène à l’arrêt d’autobus, sachant que je ne pourrais pas revenir chez moi.


 
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15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 23:10

i-bananier-acuminata-belgique.jpg

Une petite fille blonde, les cheveux séparés en larges couettes qui giclaient de chaque côté du visage, dodelinait rêveusement assise sur trois lattes de bois accrochées à deux cordes que supportait une barre de fer horizontale qui étayait la tonnelle. La balançoire oscillait dans une trouée entre deux treillis de fils entrelacés. Francine avait six ans passés. Jamais plus elle ne s’élançait aussi haut qu’elle l’aurait souhaité sans faire trembler et grincer la barre. Elle devait plier les jambes à l’horizontale sous le siège pour ne pas racler le sol. L'instrument avait perdu ses capacités ludiques à mesure que l’utilisatrice grandissait. Mais ses grands-parents ne semblaient pas s’en apercevoir.
        Dans sa main droite, l’enfant tenait une banane que sa grand-mère lui avait donnée pour le goûter. Le fruit était à demi débarrassé de son enveloppe dont trois pelures jaillissaient comme des pétales autour de la substance comestible ivoire qui se dressait fièrement au centre, suivant les lentes évolutions du mouvement de bascule. C’est du moins ce que croyait Francine mais lorsqu’elle porta son regard sur le fruit qu’elle avait en main, elle ne vit qu’un moignon de chair qui dépassait à peine des pelures retombées. Eperdue, elle sauta à terre, en quête de la partie supérieure du fruit, scruta l’espace de terre battue en dessous de la balançoire, là où ses pieds chaussés de sandales heurtaient si souvent le sol, et crut voir une abjecte bouillie qui se mêlait à de la glaise mouillée. Secouée de sanglots, elle franchit le carré de pelouse, puis l’espace gravillonné qui la forçait à ralentir l’allure, atteignit la véranda, et y trouva sa grand-mère à qui elle débita un flot de paroles confuses entrecoupées de gémissements convulsifs à propos d’une banane sectionnée à laquelle elle ne toucherait plus désormais et dont elle produisit le tronçon. restant. L ‘aïeule s’esclaffa et lui dit, croyant la consoler, que ses pleurs étaient inutiles: des bananes, on n’en manquait pas ! Elle pouvait lui en offrir une, deux, trois, et même dix ! »
     Francine secoua la tête. Cette banane serait sa dernière. Elle le savait.
     Sa grand-mère ne s’avouait pas vaincue.
 « Ce matin, au Marché, ton grand-père a acheté des frécinettes, si tu veux y goûter.
    - Des ? …
    Lorsque Francine revint aux environs de la balançoire, elle épluchait du regard trois bananes naines d’un vert vif que l’aïeul avait rapportées du Marché. C’était de jolis fruits agréablement sucrés qui venaient d’un pays lointain, où le soleil brillait toute la journée jusqu’à minuit, où la pluie était plus chaude que la douche tiède dans la salle de bain, où l’on cueillait des nénuphars et des lotus bleus, où des alligators se vautraient dans des marécages, où l’on entendait jouer du tam-tam et du bongo, où les grandes filles dansaient toute la journée avec des fleurs blanches piquées dans les cheveux, où les petites filles mendiaient dans les rues…
     Francine savait gré à sa grand-mère de ne pas l’avoir sermonnée ou menacée d’être privée de goûter comme l’eût fait sa mère. Toutefois, son chagrin ne pouvait cesser avec l’octroi d’une nouvelle banane même exotique. Jamais plus elle ne supporterait d’évoquer la première, hardiment érigée au milieu de son éventail de pelures. Elle n’oublierait pas non plus l’horreur ressentie à la vue de cette informe bouillie terreuse, restes méconnaissables du fruit rompu et tombé à terre qu’elle avait elle-même foulé aux pieds après la chute. Elle n’accepta plus que les bananes naines. Pour divertir les adultes sa grand-mère racontait périodiquement l’énorme chagrin si peu en rapport avec le menu incident. La fillette reçut en souvenir le surnom de Frécinette. Elle porta vaillamment son sobriquet et osa parler d’une balançoire neuve. Un an plus tard, son grand-père fit installer un petit portique, duquel pendait une échelle de corde, une nouvelle balançoire, et un trapèze. Le même jour, sa mère revenait de la clinique avec deux bébés braillards dont on espérait faire des acrobates.
    Frécinette commençait à escalader le trapèze, et à s’y maintenir d’aplomb, lorsque sa grand-mère l’appela à l’aide : il fallait donner le biberon aux deux jumeaux et « ta maman n’est pas là, ce soir »
«  Où est-elle ? s’enquit Frécinette 
 - Elle est partie se marier.
 - Comme les princesses ?
   La grand-mère se troubla. « Pas tout à fait. Elle épouse un monsieur plus âgé qu’un prince. Mais beaucoup plus raisonnable !
 - Elle se marie avec grand-père, alors ?
 - Voyons ! Que dis-tu là ! C’est moi que ton grand-père a épousée, dit l’aïeule en se tapotant plusieurs fois la poitrine comme si elle cherchait à éructer.
   Qui sa mère pouvait-elle bien épouser ? se disait Frécinette, complètement perdue. Quel parti serait meilleur que son grand-père ? Il s’occupait de la maison, du jardin, de la voiture, recevait de l’argent tous les mois. C’était l’homme. La mère de Frécinette arrivait tous les samedis par le train, et repartait lundi matin. Depuis que son ventre avait poussé, et les nourrissons fait leur apparition, elle ne quittait plus les lieux. Ce n’était pas forcément une chance. Aujourd’hui, elle exagérait ! Peut-être sa grand-mère, atteinte d’une légère surdité, avait-elle mal compris : sa mère et son grand-père étaient partis à une réception entre adultes et ils n’avaient rien fait d’autre que discuter, boire et manger. Pourtant, le lendemain, Frécinette fut présentée à un autre monsieur bien plus petit que son grand-père, ventru, obséquieux, à la voix de banane écrasée. Les bajoues dégringolaient lâchement du visage. On la somma de l’appeler papa.
   Frécinette se sauva et gagna le trapèze où elle se jucha. Elle n’en descendrait plus.
 
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28 mars 2008 5 28 /03 /mars /2008 11:00

 

 

 La lettre  venait des services du recyclage des agents non-titulaires en passe de ré-admission à une virtualité d'emploi.

 

Ma convocation a été acceptée par le préposé siégeant à l'accueil, lequel a confirmé que j'étais bien attendue au premier étage, troisième porte à droite.

C'était une pièce nantie d'un bureau encombré de toutes sortes de dossiers, la chaise de l'éventuel occupant était vide. Sur  l'écran de l'ordinateur, des photographies de loups défilaient en boucle.   

 

 Je suis restée  debout pendant des heures ; j'ai attendu. Si longtemps que je ne sais plus ce que je suis venue faire. Je connaissais les images de loups par cœur. Des blancs, des gris, des beige,  un endormi, trois qui montraient leurs crocs, deux qui s'éloignaient dans une forêt, de la neige parfois, du feuillage, souvent, un rocher bien sûr... des loups comme on en voit partout, quoi... !

 

  Une femme est entrée. Elle portait un tablier en tissu à fleurs et à bretelles sur son vêtement.

C'était peut-être une domestique, mais la coiffure trop apprêtée me semblait-t-il. Du doigt, elle me désigna un réveil  rond posé sur le bureau, un réveil presque assez joli pour l'appeler une pendulette.

« Avant quatre-heure et demie, dit-elle.

Surprise.

« La lettre doit partir avant quatre heure et demie.

-   Que dois-je écrire ? J'ai seulement une enveloppe.

-          

Elle me montre  une photo représentant une secrétaire à  chignon haut placé penchée sur son bureau  avec un degré de déclivité important qui suggère une application extraordinaire ; les écoliers font parfois de même.

-Vous devez écrire une lettre qui  partira avant quatre heures et demie. C'est tout.

Elle m'invite à m'asseoir au bureau et quitte la pièce.

 

  Je n'ai personne à qui écrire, et pas de papier à lettres. Il me faudrait aussi une adresse. Ne pouvant obtenir cela, je reste assise à ne rien faire. Me demandant si c'est du lard ou du cochon. Si je suis embauchée quelque part et dans ce cas je vais me faire licencier pour inactivité : le fait que nul ne m'ait donné la moindre tâche à effectuer n'est pas une excuse je le sais : on doit s'affairer lorsque nul impératif ne vous point, c'est le tour de force du travail de bureau, et de n'importe quelle activité professionnelle.

Mais il est possible que je ne sois pas du tout embauchée ; je suis peut-être venue pour régler une vieille affaire

Le texte de la convocation n'en disait rien,  ne me rappelait aucune affaire en cours...

 

 L'employée de tout à l'heure, revient, l'air conforme  à un chef, je le vois à son sourire pincé faussement accueillant, la main qui ne se tend pas, un bracelet un peu épais qui bouge lentement autour d'un poignet énergique, un maquillage  efficace, une coiffure sans âge.  

 

Elle me demande la place, fait un geste vague dans quoi j'interprète qu'éventuellement je pourrais aussi prendre place, mais où donc,  attrape un stylo bille de mauvaise qualité  dont l'encre a déjà quelque peu fui, pose devant elle une page ordinaire quadrillée arrachée assez proprement (semble t'il à un bloc bon marché), et questionne : 

Pourquoi n'a-t-on pas voulu de vous comme professeur ? »

Cherchant une réponse je me dis « parce que c'est une corp-une corporation. » Je me répète corporation en hésitant sur les mots que celui-là contient corps , porc, pore ,portion et ration ...

A voix haute je trouve  enfin mes mots : «  dans un corps déjà constitué, c'est un peu délicat de se faire admettre. »

La preuve, c'est qu'aucune âme ne vient dans un corps qu'il ne connaît pas, pensé-je... mais cela se conteste.

La  secrétaire, directrice, ou seulement adjointe (adjointe lui conviendrait assez bien mais  deviner à quel service, elle est ainsi  rattachée, voilà qui n'est pas aisé à résoudre).

-   Et la lettre ? lui dis-je, à voix basse ; celle que je dois écrire avant quatre heure et demie ?

 

 

Très surprise, cette personne déclare que je n'ai pas à toucher aux fournitures. Des lettres ! Nul n'en écrit plus. On se sert de la messagerie. Si l'on m'a induite en erreur ; elle n'en peut mais. Elle transmettra les informations me concernant à qui de droit. Ne me retient pas.

 

Je me demande comment font les autres employés.  Soudain, je vois que la salle est bien plus grande que je ne croyais, c'est le problème quand il vous faut des heures pour oser regarder au loin... et un grand nombre de tables sont occupées par des gens qui fabriquent des personnages avec des matériaux divers, du plâtre, du mastic, ou  du bois. Certains se servent d'instruments, couteaux, truelles, grattoirs... Je n'ose pas les interrompre dans leurs activités raisonnablement ludiques mais peut-être un peu puériles.

 Quelqu'un lève la tête, avec un sourire épanoui.

-         Tiens ? bonjour !

-         Oui ?

-          Vous venez pour réparer le distributeur de boisson ?

 

Pour le coup, je crois qu'il est temps de partir.

bof

la messe est dite

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