Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 février 2021 3 03 /02 /février /2021 11:19

Un étudiant occupant une minuscule chambre à Paris, ne se rend pas à son examen de sociologie qui doit valider sa licence. A partir de ce manquement à ses obligations, il en vient beaucoup d'autres : il ne fait plus rien; rien qui ait un sens en tout cas.

Il s’adresse à lui-même ou à n’importe qui d’autre, à la deuxième personne du singulier. De ce fait, nous sommes censés nous sentir concernés (davantage qu’avec un je ou un il)

Et se sentir concerné c’est pas évident, car  le sujet va abandonner toute préoccupation sociale, s’essayer à l’indifférence, par jeu, curiosité, et manque de conviction soudain pour la vie active voire même la vie routinière ; par dépit de son avenir tout tracé ( travail, famille, patrie en quelque sorte)  il reste dans sa chambre sa chambre de bonne d’étudiant, ou chez ses parents , il ferait penser à ces jeunes japonais qui ne veulent plus sortir de chez eux ( les hikikomori).  

Est-ce une dépression ou profond ras-le bol, ou une expérience ? Les deux semble-t-il. Il vit sa dépression comme une expérience. Pour ne pas trop en souffrir ?

Dès lors son quotidien sera : l’observation  des choses autour de lui, choses usuelles, domestiques , sans intérêt, et répétition de ses observations : la fissure au plafond, la bassine de plastique rose avec les chaussettes dedans, le lavabo du palier qui goutte ( mais pas toutes les secondes…) 

-l’arpentage de rues parisiennes, en suivant des itinéraires compliqués ou les promenades dans la campagne ( sous-bois ou chemins de terre) plus monotones encore.

-le refus de tout contact social

- des lectures ou des relectures de livres qu’il connaît déjà par cœur, ou du Journal le Monde, en n’exceptant rien , ne choisissant aucun article. Comme il détaille longuement les différentes rubriques, on se rend compte que le Monde a bien changé depuis 1967 !

Dans une seconde partie cette torpeur qui ne le faisait pas souffrir se met à lui causer de la frayeur.

Dans le miroir brisé où il vérifiait l’intégrité de son image corporelle, il commence à moins s’y reconnaître. Surtout, lorsqu’il traîne au lit, dans un demi-sommeil, en divaguant, dans un état d’autohypnose, ses sensations corporelles commencent à lui jouer des tours. L’appréhension qu’il a de son corps se morcèle ; on dirait que des monstres viennent l’assaillir….  C’est comme un trip, acceptable au début, qui dégénère  lentement ! 

Le sujet va finalement céder à l’anxiété laquelle vire à la panique… et revenir à la vie. Il s’intéresse à son voisin de chambre (l’autre) imagine son existence, se demande s’il l’a déjà croisé. Voit les gens dans la rue, des gens marginaux comme lui, et les perçoit de plus en plus proches.

Il agit aussi sur le plan de la raison : son expérience lui a montré que l’indifférence absolue, d’une part est impossible, d’autre part ne mène à rien de plus que de la déréliction, il revient « à lui » ou « au monde » ? Et recommence à éprouver des sensations, et des sentiments. Le premier sentiment qui s’impose à lui à nouveau, on l’a vu, c’est la peur.

Tu as déjà vécu cela ? Mais pas exactement comme lui… et pas décrit de façon aussi complète, scrupuleuse , intelligente…

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
Pérec était effectivement un très grand écrivain. J'avais adoré "La vie mode d'emploi". Cette attention nouvelle à tout ce qui est banal mais fait notre quotidien. Ce banal, il le transfigure, il en fait une poésie. Je n'ai pas lu cet "homme qui dort" mais je vais le rechercher.<br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> Carmilla
Répondre
La Vie mode d'emploi, un des plus grands livres du vingtième siècle. L'Homme qui dort " est la suite de "les Choses" qui témoigne du penchant de deux jeunes pour ce qu'on appelait alors la "société de consommation", au milieu, des années 60 Ce roman en est l'antonyme si l'on peut dire. Le personnage s'en détache et finit par n'avoir plus le goût de rien... puis il se ressaisit si l'on peut dire...

Présentation

  • : Nuagesetvent
  • : Comptes rendus de mes lectures avec des aspects critiques + quelques films de fiction Récits de journées et d'expériences particulières Récits de fiction : nouvelles ; roman à épisodes ; parodies. mail de l'auteur : dominique-jeanne@neuf.fr
  • Contact

Rechercher

Archives Récentes