Actes sud, 2016, 200 pages.
L’auteur relate le jour qu’on appelle « fête nationale », du point de vue du peuple, des ouvriers employés artisans installés à Paris( souvent exilés d’une province) et vivant dans une extrême précarité. La rébellion débute le 23 avril lorsque le patron de la manufacture de papiers peints (florissante) décide de baisser le salaire des ouvriers déjà sous alimentés et manquant de tout. En même temps, le patron d’une fabrique de salpêtre fait de même. Le 27 avril les ouvriers s’attaquent à la « folie Titon » la principale manufacture de papiers peints, et s’introduisent chez Henriot l’autre patron. La répression sanglante fait 300 morts, la révolte empire, et nous voilà au fameux 14 juillet. C’est par le menu, que Vuillard raconte l’introduction dans la Bastille de petites gens fascinés et révoltés qui n’ont pas grand-chose à perdre, et dont beaucoup d’entre eux manient une arme pour la première fois. L’auteur cite beaucoup de noms : ceux qui étaient là et disparaissent de l’histoire ( c'est-à-dire des traces écrites peu soucieuses du devenir du peuple) une fois leur geste achevée pour cette journée ; quelques uns œuvreront pendant toute la révolution ( Jean Rossignol ; Louis Maillard) sans que cela leur apporte rien de bon.
L’auteur présente une geste spontanée, autant que fougueuse et violente : dans son récit, rien n’est prémédité, les émeutiers avancent, forts de leur nombre sans cesse accru, vers la Bastille, symbole de ce qui les réprime. Certes, ils se sentent menacés.
A peine l’auteur met- il en scène pour quelques lignes Mirabeau et Desmoulins (« La volonté du peuple entre dans l’histoire »).
« Camille propose au peuple la colère. Il grimpe sur une table devant le café de Foy. « On prépare une st Barthélemy des patriotes »lance-t-il.
L’impression que nous laisse l’auteur est tout de même qu’ il n’y a pas de chefs, que la foule des insurgés n’est pas manipulée par une quelconque instance. Les hésitations sont nombreuses, tout se décide en l’instant.
Une écriture très efficace, souvent lyrique, le présent de narration bienvenu, nous mettre dans la peau d’inconnus en action, qui, leur héroïsme aidant, se retrouvent soudain seuls, ébahis, dans des lieux où ils n’avaient jamais imaginé se trouver.
Le choix d’un vocabulaire trivial et savant à la fois, la frustration de voir que rien de bon n’est advenu de cette journée pour ceux qui vraiment combattu et qui avaient le plus de besoins.
Pour moi qui ne suis pas historienne, ce récit est parfait, bien au-delà d'une leçon d'histoire, et, même si romancé, il laisse amer.