2017 , Gallmeister, 301 pages, 1ere publication 1996. USA
Journal d’une jeune fille de 17 ans, Pénélope, (surnommée tantôt Nell, tantôt Pumpkin…) qui vit dans la propriété de ses parents avec sa sœur Eva (18 ans) sur une période d’un an. Les deux filles sont dans une situation critique : à 50 km de San Francisco, et 15 de Redwood, la ville la plus proche, elles vivent seules, orphelines depuis environ six mois.
Les parents sont morts l’un après l’autre et, en même temps, (comme si c’en était la métaphore), la qualité de vie aux USA s’est détériorée à toute allure : coupures d’électricité, puis cessation complète de distribution, y compris d’eau, et d’essence, magasins qui se vident et ferment, gens qui abandonnent leurs maisons et s’en vont à l’aventure, parfois chassés par des bandes de pillards. Une guerre (ou plusieurs) ont mis le pays KO, on ne sait trop s’il y a encore un gouvernement et ce qu’il fait… la vie se dégrade à tel point, que les gens meurent de maladie faute de médecins et de médicaments, introuvables…. Toute cette situation de science fiction reste dans le flou : guerre, épidémies, assorties de catastrophes nucléaires et naturelles localisées mais répétitives. La romancière se saisit de la dégradation de la société comme argument pour son récit, mais ne se préoccupe pas de nous expliquer le pourquoi de cette sorte de « fin du monde » : on pense au roman « la Route » de Mc Carthy ; ma lecture est lointaine, il me semble que « La Route » avait davantage de puissance, mais il faudrait que je le relise…
Les deux filles sont restées chez elles, et se sont débrouillées ; car avant le désastre, la famille pratiquait déjà une quasi- autarcie : loin de tout, à la lisière d’une forêt ; leurs parents avaient développé une façon spéciale de vivre : la mère avait délaissé sa carrière à la naissance du premier enfant, le père étant seul à avoir un lien social d’ailleurs modeste. Ils n’ont pas envoyé leurs filles à l’école et les ont éduquées à la maison, les jeunes de leur âge, elles les voyaient peu, et n’en fréquentaient pas sérieusement. C’est de l’expérience de leurs parents disparus qu’elles vont tirer leurs ressources. Il y a dans ce récit un côté « parents exemplaires, filles qui marchent sur leurs traces ».
Apparemment cette éducation leur permet de se débrouiller plutôt mieux et différemment des autres …pour ce qu’elles en savent, et autrui quant il se manifeste représente une menace ou une option vaine ( le personnage d’Eli par exemple) …
La narratrice est très attachante et on s’identifie à elle ; l’intrigue progresse bien, et
La façon dont les filles tirent parti des plus petites choses, et des situations critiques, avec courage et adresse, rendent la lecture agréable. La puissante relation sororale ajoute à l’intensité du texte. cette relation influence la fin de cette histoire; on aura l'impression que c'est la soeur qui gagne; la soeur dont les tendances schizophrènes sont renforcées par la situation
La traduction est globalement bonne, et l’original, on le sent bien, écrit avec un bon sens du suspens, des descriptions soignées, parfois inventives, bref on ne peut pas s’empêcher d’aimer ce texte, même si dans la deuxième partie, la romancière ajoute une péripétie un peu trop romanesque, inutile, et peu convaincante.
La fin nous fait réfléchir : le retour à l’état sauvage étant impossible, le retour à la civilisation également, on se demande comment la situation pourrait évoluer. Je n'ai pas digéré que
Nell renonce à l’encyclopédie qui la reliait au monde, c’est moche.