Noir sur Blanc, 2018, 330 pages.
Sept jours dans la vie d’un homme et d’une femme, voisins, qui, nous le sentons sont appelés à se rencontrer même si de prime abord, ils ont tout l’air de s’éviter. Enfants, ils ‘étaient perdus ensemble et retrouvés dans la forêt, à présent ils ont plus de 40 ans. La femme est venue pour vendre sa datcha, l’homme réside dans la sienne et n’aime pas franchement la compagnie…
Cela se passe de nos jours au nord de Saint-Pétersbourg à l’orée d’une forêt dense, à la fin d’un mois de juillet torride.
Les sept chapitres portent le titre des sept jours de la création selon la Bible. La vie des héros du roman suivent donc cette évolution, bien que la fin du roman évoque davantage la fin du monde que le début.
La narration épouse tour à tour les pensées et sensations de chaque personnage ( l’homme et la femme-ils ne sont pas nommés donc ils sont plus ou moins exemplaires ?) selon un flux de conscience (un quasi monologue intérieur) qui mélange les remarques sur leur ressenti corporel , leurs actions au quotidien, leurs problèmes concrets, le souvenir de leur vie passée et des êtres maintenant disparus, les parents , et pour l’homme un ami cher, des dialogues venus de l’extérieur prononcés par les gens qui les entourent ( des gens ordinaires , des voisin, un soi-disant réparateur, des vieilles femmes…), des bruits, des tout cela se fond en un méli-mélo vivant et fourmillant où parfois l’on se perd… on ne sait plus qui a dit quoi, il faut revenir en arrière.
On peut penser à Faulkner à Virginia Woolf … bref, c’est ce type de construction narrative qu’a choisi l’auteur, et elle y excelle. Diverses tonalités traversent le récit , le mal être, le tragique, les mauvais rêves, voire le délire dominent, mais aussi les soucis quotidiens et parfois, on a presque envie de rire : lorsque l’homme tente de faire de la confiture de cassis et perd son dentier en goûtant l’affreuse mixture qu’il a obtenue !
Quoique non nommés, l’homme et la femme ont de personnalités très affirmées : l’homme est traducteur de métier, il est sur un roman de science fiction qui l’ennuie et en même temps ça le sauve de ses pensées morbides : car son quotidien est infesté de soucis lié à la datcha où il vit : la serrure de l’abri de jardin est cassée et il n’arrive pas à la faire réparer, le fonctionnement des appareils ménagers est précaire, l’approvisionnement en nourriture difficile, et surtout à chaque instant il croit entendre ses parents décédés lui faire des remontrances sur sa façon de vivre et de gérer le tout venant (on se demande même s’il ne les entend pas réellement parler ses parents, si la frontière du réel et de l’imaginaire ne s’abolit pas pour lui). La femme est plus réaliste mais elle aussi est gênée par ses parents défunts : ils auraient aimé qu’elle soit une intellectuelle comme eux, et elle a opté pour des études commerciales, et y a réussi ; cela n’empêche pas un vécu douloureux et des remords à propos de mauvais souvenirs et de regrets ( elle voudrait avoir un enfant mais elle a déjà 47 ans) et elle est venue pour vendre une maison pleine de fantômes . Une maison où dans la pièce à vivre son père avait accroché une reproduction du Jugement Dernier de Bosch, ce n’est pas de tout repos, mais pourquoi ne l’a-t-elle jamais décrochée ?
L’un et l’autre n’arrivent pas à vivre bien et la nature ne va pas les y aider.
Et les champignons ? Eh bien ils sont maléfiques, vénéneux et empoisonnent la vie et même l’estomac ; la femme consomme des champignons peu comestibles et s’en ressent..
Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris le message final, mais le récit est captivant et d’une haute tenue littéraire.
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