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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 21:34

  Lettre B du Challenge 

 

(The Angel On the Roof, 2000)

J'ai Lu, 156 pages, 3 euros 80.


Recueil de 10 nouvelles qui mettent en scène des hommes et des femmes à un moment de leur vie où un petit  événement contrariant  les remet en question et les plonge dans la confusion, la perplexité ; quelquefois le drame.

 


La première histoire « en guise d'introduction » est autobiographique. L'auteur y évoque les mensonges de ses parents lesquels l'ont mis mal à l'aise et forcé à réfléchir. Mythomane,  sa mère inventait des histoires la mettant en scène avec des personnes célèbres, prétendait ainsi avoir dédaigné un beau lycéen qui jouait avec elle dans une pièce, pour sortir avec son père. Mais l'auteur a enquêté et rétabli la vérité. Ainsi justifie-t-il sans doute son goût pour les fictions, et  a-t-il retenu les leçons de  sa mère, pour ne pas l' imiter «  Mes histoires n'ont pas de gens célèbres ».


Le père de Banks, lui, a raconté qu'il l'avait nommé Russell en souvenir d'un vieil oncle  qu'il aimait bien, or l'auteur découvre à l'âge adulte, que cet oncle n'a jamais existé. « ». lorsque j'ai su qu'il n'existait pas et que l'histoire, par conséquent, parlait non pas  de moi mais de mon père et qu'en outre, ce qui est pire, elle était inventée, je l'ai rejetée en m'en servant comme d'un indice qui me permettrait de résoudre le puzzle de la terrible psychologie de mon père  espérant sans doute démêler du même coup l'écheveau de la mienne et la mettre à bonne distance de la sienne. » 


Dans «  Assistée » , un fils et une mère âgée débattent de la façon dont ils doivent interpréter les faits et gestes du père, ancien époux de cette dame, à une époque où il s'est conduit de façon choquante, et quelle est la version des faits qui leur permettra de supporter la chose.


Le Maure met en scène un homme de cinquante ans et une femme âgée ;  ils ont eu une liaison trente ans plus tôt et se rencontrent de façon inopinée, lui, acteur occasionnel déguisé en prince arabe, et elle fêtant ses quatre-vingts ans. Pour ne pas abîmer leur ancienne histoire, ils vont se raconter des histoires,  auxquels ils ne croiront peut-être pas...


«  Moment privilégiés » relate quelques heures de vie commune entre un  père divorcé et sa fille : des moments qui n'ont rien de merveilleux, l'ironie amère du titre se dévoilant peu à peu...     .

Une de ces nouvelles «  Juste une vache » fait sourire même si elle n'est pas drôle. La narratrice raconte la vie familiale dans un mobil-home, la précarité, l'alcoolisme du couple, et la vache qu'ils élevaient pour avoir de la viande l'hiver, vache dénommée «  Protéine ».

Mal enfermée, Protéine s'est enfuie, et le couple part à sa recherche en pleine nuit...


Certaines histoires sont terribles : un homme à l'enfance malheureuse, devenu conférencier, revient sur les lieux de son enfance, cette maison, où sa mère le força à avouer qu'il avait vu son père avec une femme, puis la terrible correction du père. La maison où le traumatisme fut vécu est devenue un restaurant : le narrateur y voit un cuisinier découper des quartiers de viande et lui déclarer (ironie amère) qu'il a bien connu  son père, qu'il admirait sa forte personnalité...

La Soirée du homard : Une jeune serveuse de restaurant, Stacey, est attirée par son patron, cruel avec les animaux, dur avec ses employés,  et ambigu avec tout le monde.  Elle lui révèle un secret traumatisant de son adolescence, et redevient cette personne... les sentiments sont déplacés sur les animaux (en particulier ces homards promis à l'ébouillantage, qui se cognent contre les murs de l'aquarium).


Réalistes,  remplies de petits détails bien choisis, de personnages et situations ambigus,  dynamiques dans le ton et l'action, jamais convenues, ménageant la surprise même lorsque la fin est prévisible, ces nouvelles sont parfaites et nous les recevons comme des expériences vécues.

J'ai donc commencé mon «  challenge » avec plaisir, et avec la lettre B ; mais je pense que pour le mener à bien, cette année 2009 devra comporter vingt-six mois.


Amanda Meyre a aussi chroniqué cet ouvrage, qui lui a plu également.

 

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19 janvier 2009 1 19 /01 /janvier /2009 00:22

Le Corbeau par Gustave Doré

 

 

 

Poe : il lui a manqué un » t » pour être un vrai poet en anglais et un T + un E en français, disent les mauvaises langues. Injuste ! Car  il est vraiment poète ! Je viens de lire son corbeau. C'est musicalement réussi !

 

Corbeau ( Raven est un de mes mots préférés je le répète souvent seule «  raven » raven : ça me fait penser à ravage, à rave et à rage  ; corbeau c'est moins bien. Le corbeau dans la littérature française est perché sur un arbre avec un fromage... ou encore il s'acharne sur sa proie «  Pies et corbeau nous ont les yeux cavés et arraché la barbe et les sourciz! »

 

 

A lire le Corbeau, j'ai ressenti quelque chose de bizarre : au lieu du nervermore je me suis surprise à répéter « encore « ! je voulais pourtant pas que le poème dure plus longtemps. Pas davantage n'étais-je charmée par la situation. Un corbeau qui entre chez vous et s'incruste en ânonnant le même mot, supposé fantôme de votre défunt bien aimé (il ne vous aimait pas tant  pour vous faire ce coup-là...un vrai coup de Poe)  avec ce que l'on imagine de croasserie, et qui ne veut pas se tirer, l'odieux personnage,  n'a rien d'alléchant.

Non, je ne sais pas ! Le sortilège des mots ?

Par ailleurs, ce poème me fait penser à l'Aigle noir de Barbara. 

 

J'ai relu un récit de Poe au hasard «  Le Cœur révélateur ». C'est un homme qui vit avec un vieux monsieur. On ne sait rien du contexte : on  ignore ce qu'est le vieux monsieur à l'œil effrayant pour le narrateur, on ne sait pas non plus ce que ces messieurs font dans la vie. Le fait est que cet œil se révèle avoir un cœur en plus !

Je remarque que le narrateur est puni de son crime : chez Poe il l'est toujours. Et le châtiment, longuement décrit, est la chute du récit, parfois aussi le corps, de sorte que vous ne pouvez le manquer. Le narrateur du chat noir est puni par le chat, William Wilson est puni par son double, l'arracheur de dents (Bérénice) est puni, l'arracheur d'œil est puni par le battement de cœur, le ministre est puni car Dupin retrouve la lettre, les sujets d'un certain roi attrapent la peste, Roderick Usher et sa sœur sont punis de leurs relations trop intimes, le magnétiseur est puni d'avoir exercé ses talents morbides sur Mr Valdemar, par l'infâme spectacle de sa dépouille mortelle vieille de neuf mois de décomposition ...bon sang que cet univers est donc moral !

Rien d'étonnant. C'est à la même époque que sévit Nathaniel Hawthorne (une sacrée épine....) et sa Lettre écarlate. Souvenez vous de ce pasteur coupable, qui défaille tout le temps, éperdu, le cœur lui manque, il s'effondre sur son estrade à cause du cœur lui aussi, de trop intenses battements. Pulsations.

Battement d'aile de corbeau.

 Une époque terrible, pleine de péchés, de remords de punitions atroces.

Et cependant Poe est drôle parfois : ce n'est pas pour rien que Breton a sélectionné son «  ange du bizarre » pour l'anthologie de l'humour noir.

 

Poe est né aujourd'hui il y a deux cents ans, trois semaines avant Abraham Lincoln ; avant que cet homme ne devienne président, Poe aura des milliers de fois trempé sa plume dans le goudron,  et aura perdu la vie. De toute manières, à lire Poe, vous n'apprenez  rien sur la société et la politique et vous ne saurez même pas que vous êtes aux  Etats-Unis. D'ailleurs la plupart du temps vous serez  dans un vieux manoir éloigné de tout, dans une prison espagnole au temps de l'Inquisition, dans une salle de bal  royale au Moyen âge, dans un hôtel particulier à Paris, dans une public school vaguement britannique, dans le ciel néerlandais perdant du lest, sur un bateau qui tangue dans les eaux tourbillonnantes d'une rivière scandinave, dans un tombeau quelque part dans une cave ....  Alors partez en voyage avec Poe ; n'hésitez pas à sauter les premières pages, concentrez-vous sur le cœur du récit, oubliez les points d'exclamation et la moitié des superlatifs.

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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 17:32

Titre original «  The Point » 1995, trad.2000 pour le compte des éditions Gallimard ( Du monde entier)

Des nouvelles pleines d'ironie sans laisser de côté l'émotion.

Des notations précises et concrètes mais qui suggèrent plus qu'elles ne disent et ces nouvelles sont tout à fait remarquables dans le genre réaliste.

Le fils qui gagne de l'argent à reconduire les gens ivres chez eux et établit une relation improvisée avec une vieille poivrote. Sa mère est alcoolique et il passe tout son temps avec de tristes fêtards.

Une nouvelle qui raconte l'histoire entre deux hommes dont le premier s'est suicidé et l'autre a épousé la copine de son ami.

Cette femme va à la messe tous les matins et craint que son bébé ne soit condamné, elle se sent coupable de la situation peu claire.

Et aussi cette terrible histoire «  Jacinta » ; une jeune femme instruite mais qui s'ennuie à l'université épouse un garçon qui n'a pas de conversation, fruste, Enceinte de lui, elle ne saura jamais ce qu'il en pense. Elle se veut positive, mais le couple est protégé, sinon chaperonné par un célibataire quinquagénaire qui les loge dans une maison spacieuse et fait travailler le jeune homme qui, désœuvré, s'alcoolise.

La petite Jacinta naît, le jeune mari s'y attache. Un an plus tard, la fillette meurt d'être montée dans l'abreuvoir et de s'y être noyée. Le jeune homme repique la boisson et commence à battre sa femme, ne veut plus la toucher, prend une maîtresse antillaise et s'en vante. Le quinquagénaire continue de la protéger et de faire travailler le jeune homme qui se spécialise dans le sauvetage en montagne, ne vit plus que pour cela. On y voit une façon de « sauver » sa gamine à travers d'autres gens dont certains sont des enfants.

Dorothy, voyant qu'il n'y a plus rien à faire pour sauver son couple, prend un billet d'autobus pour aller vivre chez sa sœur. On espère qu'elle ne reviendra plus mais on n'en sait rien... Dorothy s'était mise à fréquenter l'église assidûment comme l'héroïne précédente.

 

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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 09:26

Actes-sud, 2008. ( The Sorrows Of An American, 2008), 394 pages.

Erik Davidsen psychothérapeute  et sa sœur Inga, prof de philo essayiste, viennent d'enterrer leur père Lars, depuis longtemps malade et vident la propriété familiale. Ils trouvent les Mémoires rédigés par le défunt, mais plus surprenant une lettre datée de 1937 ( le défunt avait 15 ans) écrite par une certaine Lisa parlant du décès d'une personne de sexe féminin dont les circonstances doivent rester secrètes. Inga et Eric  estiment que leur père a gardé cette lettre pour qu'ils la trouvent et qu'ils se mettent en quête de la mystérieuse Lisa avec qui il partageait un lourd secret.


Nous croyons que cette recherche sera le fil conducteur du roman...

Le lecteur se souvient de «  L'invention de la solitude » d'Auster : le fils découvre un secret qui est au cœur de l'intrigue...

Mais dans ce livre, Il n'en est rien !

Plusieurs histoires s'entrelacent entre elles (des tranches de vie racontées ou lues) et  ne mènent à rien de particulier.

Erik Davidsen s'éprend de sa locataire Miranda belle jamaïquaine artiste dessinatrice. Mais Miranda vit une relation complexe avec son ex-ami Jeff Lane surnommé le « Stalker », dont les agissements intriguent ceux qui lui sont proches.

Erik lit les Mémoires de son père, sa vie difficile d'émigré norvégien dans une ferme du Minnesota, ses années de guerre, ses relation avec sa nombreuse famille...

Un autre fil déroule l'existence d'Inga, la sœur d'Erik, veuve de Max Blaustein écrivain célèbre, dont le récent décès a traumatisé toue la famille. On évoque ses souvenirs à lui, son agonie, sa maîtresse, le film qu'il  mit en scène.  Dans cette partie le deuil joue un grand rôle. Inga et sa fille Sonia évoquent souvent les événements du 11 septembre qui les ont frappées car elles vivaient aux alentours du lieu de la catastrophe.

Ajoutons-y les hommes qui gravitent autour d'Inga, une journaliste jalouse,  les patients à risque d'Erik, dont Sarah qui s'est suicidée en 1992 et continue de la hanter,  la nombreuse famille d'Erik (grand-mères, arrières grand-père, cousins, oncles, voisins, amis du défunt) la famille de Miranda  .

Le très grand nombre de personnages (j'en ai dénombré une bonne soixantaine) convoqués dans la mémoire d'Eric, celle de son père, et dans sa vie,  rendent la lecture difficile : On ne les assimile pas tous.

Qui sont Rachild Lund et l'oncle Fredrik qui débarquent au cours d'une page?  Yvar était-il le grand-père ou l'arrière-grand père d'Eric ? Et Olaf ?

Qui Diable est ce Joel ? Ah oui le fils naturel de Max conçu avec une actrice !... Les personnages du film qui a tant compté pour Max, jouent un rôle secondaire mais reviennent à plusieurs reprises, et  se télescopent avec les acteurs ! On ne reconnaît pas le titre du film que l'on confond avec un lieu, là-bas dans le Minnesota, cette brasserie où le père d'Erik travaillait, où Lisa vint le voir  ...  on s'affole lorsque survient « Rosalie » qui a une piste pour retrouver Lisa. Qui donc est Rosalie ? Une cousine, oui, mais  quand et comment a-t-elle fait son entrée dans le récit...

J'ai eu l'impression d'avoir un Alzheimer naissant...

Plus de soixante personnages qui  se partagent 395 pages... c'est trop pour moi ! La plupart sont récurrents, mais ont fait l'objet d'une présentation très rapide, et lorsque je les croise à nouveau, je ne les remets pas.  


Donc plusieurs fils qui ne conduisent à rien de concluant ni de précis. C'est la vie qui va et qui vient...certaines thématiques sont développées avec succès : celle de l'être défunt ou disparu, devenu fantôme, du deuil impossible ...


Le secret de Lars et  Lisa  se révèle moins important que prévu, et même les héros sont déçus : en quoi cette histoire donnerait-elle des clefs pour comprendre mieux leur père ? Pourtant les pages qui  concernent cette dame sont d'une belle force dramatique.

Ce roman ne manque pas d'intensité mais nous n'avons pas de dénouements, de «  chutes »   des différentes intrigues. Après tout, le titre est «  Elégie », cette donnée  n'annonce pas  d'intrigues fortes.  


Il y a un certain nombre de pages intéressantes noyées dans un océan de détails.


Les rêves des différents protagonistes, l'histoire de Miranda de sa fille et de son ex-ami méritait un traitement particulier et eût dû faire l'objet d'un autre roman (court) car elle ne s'intègre pas correctement avec cette histoire familiale complexe. Le docteur Davidsen essaie d'avoir une vie personnelle,  ça on le comprend, envahi qu'il est par les problèmes familiaux remontant jusqu'à la énième génération !! Mais il aurait pu rester simple narrateur pour simplifier le récit.


On peut penser que Hustvedt s'est mise en scène elle-même dans le personnage d'Inga et qu'Auster « est » Max Blaustein. Bien que la différence d'âge soit plus importante : Inga épouse un homme qui pourrait être son père. Huit ans seulement séparent Auster et Hustvedt.

Sophie Auster a aussi plus ou moins a servi de modèle pour « Sonia » l'adolescente révoltée qui » ne veut pas vivre dans ce monde-là ».



Bref des défauts de structure, ou des choix volontaires, qui rendent ennuyeuse la lecture de ce roman pourtant intéressant et ambitieux.


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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 10:44

L'Olivier, 2007.

Une explosion atomique, suite à un conflit dont on ignore les circonstances, a profondément altéré l'environnement.

La faune et la flore ont été détruites presque en totalité. Infertile, la Terre est vaine. Une couche de cendre revêt toutes choses, les arbres sont morts et les eaux à l'aspect noir ne renferment plus de vie.

Un homme survit depuis plusieurs années avec son petit garçon, né juste après la catastrophe. Il pourrait avoir sept ans (il sait lire et tracer des mots dans le sable), raisonne, et a  développé une éthique de vie.

En sept ans, si le gamin a bien grandi, la Terre est toujours dans le même état : la destruction est trop profonde pour que quiconque ait pu faire mieux que de survivre au jour le jour. Sur la route, on rencontre des cadavres calcinés, figés là depuis des années.

L'homme et l'enfant se dirigent vers le sud, espérant y trouver plus de chaleur et la mer,  subsistent en pillant les maisons trouvées sur leur chemin, les maisons désertées où l'on peut trouver encore des vivres et des vêtements.

Il leur arrive de bonnes surprises : un pommier qui  donne des fruits, une canette de coca dans un distributeur.

Les mauvaises surprises ce sont les rencontres avec d'autres survivants. Ceux-ci sont assez nombreux, parfois organisés en bandes, souvent retournés à l'état sauvage,et assassinent les passants isolés pour les dévaliser. Des actes de cannibalisme ne sont pas rares.

Les armes à feu n'ont pas disparu. L'homme et l'enfant en possèdent une, heureusement.

Le roman est composés de paragraphes jamais très longs entrecoupés de dialogues entre le père et le fils propos laconiques, réservés à maintenir  l'essentiel de l'acte de communication.


 La fonction phatique (dirait Jacobson) tient une place énorme dans ces dialogues, (ainsi que l'informative), et c'est ce qui  en fait la force.


« Il faut qu'on sorte de la route.

Pourquoi papa ?

Quelqu'un va venir.

C'est des méchants ?

Oui. Je le crains.

Ça pourrait être des gentils. Pourquoi pas ?

Il ne répondit pas. Il regardait le ciel par habitude mais il n'y avait rien à voir.

Qu'est ce qu'on va faire, Papa ?

Partons.

On ne peut retourner à notre feu ?

Non. Viens. On n'a sans doute pas beaucoup de temps.

J'ai très faim.

Je sais.

Qu'est-ce qu'on va faire ?

Il faut qu'on se cache quelque part. Qu'on quitte la route.

Ils ne verront pas nos traces ?

Si.

Qu'est-ce qu'on peut y faire ?

J'en sais rien. »

Un dialogue  aussi long est à peu près inutile : chacun des deux sait parfaitement ce qu'il faut faire. Il sert à maintenir la communication. Souvent, le gamin, déprimé par la difficulté de la survie en milieu hostile, se tait, et  le père lui dit «  Il faut que tu me parles ».


La construction du roman épouse le rythme du cheminement au jour le jour. Le sujet c'est bien « la route » et rien d'autre, en tout cas, c'est ainsi que je le reçois. L'auteur nous promène dans une existence réduite à l'essentiel, à l'élémentaire de ce qui fait la vie de deux êtres qui ont un passé, mais pas d'avenir. La transmission des valeurs s'est faite du père au fils,  et peut-être l'auteur veut-il nous dire qu'elle s'est d'autant mieux faite que les deux êtes vivent dans le dénuement, et  frôlent quotidiennement la déréliction.

L'impact de la morale religieuse du roman peut  irriter, mais  on doit en parler : dans la Bible, Caïn est le premier à faire la route. Dieu l'a condamné  à l'errance.  L 'enfant qui chemine est contraint à une morale stricte,  il semble  vouloir  incarner une sorte de rédemption.


Comme dans l'autre roman de Mc Carthy que j'ai lu (L'Obscurité du dehors), la langue est riche, précise, somptueuse, et sobre en même temps et la traduction admirable.

Beaucoup de blogguers l'on lus:

Amanda Meyre



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26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 15:16

 

 

 

 

 

Belfond, 2007, 378 pages. 


      J'ai emprunté ce roman à Montigny la Bibliothèque Georges Brassens. Il était dans un rayonnage intitulé « romans de plage ». Ces ouvrages sont censés être faciles à lire, divertissants, romanesques.


J'ai été surprise de trouver Milena Agus dans cette sélection : bien que je ne l'aime guère, je crois que ses ambitions se situent à un autre niveau ! 


 

Revenons à Douglas Kennedy, dont je trouve les romans plaisants, en principe. 


Celui-là met en scène Harry, américain et professeur de cinéma, débarqué à Paris en catastrophe, avec peu d'argent,  pour échapper à la justice de son pays : Il a eu une liaison désastreuse avec une étudiante. Les parents de la fille, sa femme, l'amant de celle-ci, l'université,  se sont déchaînés contre lui...

Ses tribulations le mènent à une chambre de bonne dans la rue de Paradis, qu'il loue une modeste somme à Sezer, ressortissant turc. Le même lui propose un poste de veilleur de nuit à 65 euros pour le compte d'une mystérieuse société. Les agissements de l cette entreprise sont forcément illégaux, et Harry ne doit pas chercher à savoir. Il ne doit ouvrir la porte que si le visiteur déclare «  je veux parler à monsieur Monde ».


Ce clin d'œil à Simenon n'est pas le seul ! Harry ne cesse de lire du Simenon dans sa cellule entre deux exercices d'écriture, car il s'est lancé dans un redoutable roman pour raconter sa vie, en partant de zéro.

Il en a déjà écrit six cent pages, pour relater dix-sept ans d'existence,lorsqu ' 'il décide d'aller dans un salon littéraire que lui recommande son ami Douglas, avec qui il est resté en contact.( remarquez que c'est le prénom de l'auteur!).


 


La matrone qui  tient ce salon est affreusement snob, mais  Harry  va y faire connaissance d' une femme plus âgée que lui, encore belle,  pleine de souvenirs ambigus de sa Hongrie communiste natale. Elle vit rue Linné, au cinquième, d'une façon délicieusement surannée, dans  un appartement des années 70, machine à écrire, disques vinyles, élégantes tenues noires...

Une femme merveilleuse... mais aussi  la pire rencontre que l'on puisse faire...!!!


C'est là une lecture très agréable, un rythme alerte, de l'humour, une intrigue bien menée, et la description du quartier de la Goutte d'or excellente, pleine de vie.


 

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19 juin 2008 4 19 /06 /juin /2008 13:20

Editions Fayard 2001

L'auteur,  Ed Mc Bain, une référence dans le domaine du polar,  a commandé trois « novellas »  (plus longues que des nouvelles, et plus courts que des romans, soit de 70 à cent ou cent vingt pages environ) à des romanciers reconnus.


Des billets sur la planche

Le premier texte est de Westlake et c'est une aventure de Dortmunder. Ce dernier et son complice Kelp acceptent d'aider Querk,  employé d'imprimerie, à fabriquer des billets de banque pour un petit pays d'Amérique latine. Pendant la fermeture de l'usine, ils en émettront un certain nombre et devront ensuite se rendre dans ce pays les échanger contre des dollars... mais  Kelp et Dordmunder se méfient de l'amie de  Querk qui tient une agence de voyage...


Otages

Le deuxième opus est d'Anne Perry. En Irlande du nord la famille d'un pasteur intransigeant se trouve prise en otage par un groupe catholique qui veut faire prendre au pasteur Connel sa retraite pour le remplacer par un modéré. Le pasteur ne veut pas céder même si ces messieurs sont armés et sa famille en danger. C'est Bridget,  jusque là épouse soumise et vouée aux rôles subalternes, qui  va créer une stratégie de survie...


La princesse Maïs : une histoire d'amour.


De Joyce-Carol Oates, qui a excellé aussi bien dans le roman psychologique que dans le polar.

Passionnée par les psychopathes, elle met ici en scène Jude Trahern, élève de 4eme d'un collège privé. La gamine vit avec sa grand-mère, malmenée par l'âge, incapable de l'élever. Avec deux copines qui se trouvent laides, elle a tenté sans succès de plaire au jeune professeur d'informatique.

Toutes trois  échafaudent un plan terrible : kidnapper  Marissa une élève de sixième un peu farouche et mal adaptée, qui possède de magnifiques cheveux blonds très clairs, en l'entraînant chez elle, sous le prétexte de lui offrir une bière dans laquelle elles ont mis de la drogue.

                                         « Bandes de cons !

Quoipourquoi mais ses cheveux pardi voilà pourquoi.

Non mais ces cheveux ! Et bon moi comme je les ai vus au soleil ils sont blonds doré pâle comme des soies de maïs le soleil y allumerait presque des étincelles. Et ses yeux qui me souriaient  avec comme de la nervosité et de l'espoir l'air de ne pas savoir ( mais qui pourrait savoir ?) quel vœu Jude a fait. Car je suis Jude l'Obscure, je suis la maîtresse des regards. »


Marissa est ensuite enfermée dans la cave ;  Jude veut procéder au sacrifice de la fillette pré pubère, semblable à ceux qu'accomplissaient les Iroquois pour demander au dieu de bonnes récoltes de maïs.

L'auteur nous montre des victimes qui s'attaquent à d'autres victimes : Jude Trahern et ses amies ont un physique ingrat, se sentent abandonnées par leurs familles. Leur souffre-douleur, marginale aussi, vit seule avec sa mère, dans un cocon. Toutes sont en échec scolaire.

Le seul avantage de Marissa, aux yeux de Jude, sont ses « magnifiques cheveux » et sa mère qui s'occupe d'elle jusqu'à la couver.  

Les adultes pâtissant aussi de la vengeance des fillettes (la mère de Marissa, et le jeune professeur d'informatique)  sont également fragiles,  et mal intégrés dans la société.


La construction est habile : on entend des monologues  en « j e » et en « il », les voix des  différents personnages alternant entre elles, semés de  rapports de dossiers psychologiques sur la fillette ( dont les résultats se contredisent), de coupures de journaux relatant la disparition et l'enquête, au final une utilisation judicieuse de différents procédés narratifs.  


Cette dernière histoire est fort réussie,  le portrait de la psychopathe intéressant ainsi que le suspense bien conduit. Voilà une novella qui devrait être éditée à part.


En tous cas j'ai bien l'intention de lire les quatre volumes de «  Transgressions »...


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1 mai 2008 4 01 /05 /mai /2008 23:47

Titre original " The Sweet Thereafter".

Actes-sud (Babel), 1994. 327 pages.


    Un accident d'autocar a eu lieu dans le nord de l'état de New-York à Sam Dent, une petite bourgade enneigée. Les victimes sont quatorze enfants du coin que le bus ramasse tous les matins pour les emmener à l'école.


Le roman consiste en cinq monologues de personnes ayant un rapport proche ou lointain avec l'accident. D'abord la conductrice Dolorès Driscoll, qui a freiné brutalement ce matin là, ayant cru voir un chien juste devant elle. Le bus a fait un plongeon dans le ravin (sans garde-fou) et  la moitié arrière s'est abîmée en contrebas dans une sablière pleine d'eau.

Dolorès donne au lecteur les informations nécessaires à une première appréhension de la tragédie et  raconte ce trajet qui s'avéra  mortel, cherchant, sans les trouver, des pressentiments et des causes plausibles. Dans son examen (qui est aussi un examen de conscience)  elle présente les principales familles concernées, leurs enfants maintenant morts (ou non), leurs différents problèmes sociaux et personnels. Ainsi que sa vie à elle, son mari Abbott, paralytique, et parlant par borborygmes qu'elle interprète comme s'il était une pythie...

Ensuite c'est Billy Ansel, le garagiste, veuf, et maintenant privé aussi de ses deux jumeaux.  Depuis l'accident, il a renoncé à sa liaison avec Risa et tous deux ne se parlent plus. Ce monologue est une longue méditation sur la culpabilité et le deuil.

L'avocat Stephens s'exprime  à son tour : il a voulu s'occuper de l'affaire pour  accuser de négligence   la municipalité, les services sociaux et la compagnie de bus, et tenter de faire verser des indemnités aux familles. Il visite les sinistrés et nous en donne une idée différente de celle des deux précédents narrateurs.

L'avocat  a aussi des ennuis familiaux, sa fille Zoé qui se drogue et se détruit à petit feu, raison pour laquelle il se sent en phase avec les victimes.

Nicole Burnell une rescapée de quatorze ans, se retrouve désormais en chaise roulante. Avant l'accident, elle songeait au suicide, son père  la forçait à des relations incestueuses. A présent, il n'osera plus la toucher, et elle pourra toujours s'enfermer dans  sa chambre. Etant donné qu'elle est interrogée par des avocats, elle lui fait peur et tire satisfaction (amère) de sa vengeance.

Elle trouve des avantages à sa nouvelle situation. Le titre «  The Sweet Thereafter » trouve ici une justification, tout aussi ironique que pour les autres narrateurs, mais plus concrète...

Là aussi le thème de la culpabilité est à l'œuvre et l'accident a mis fin à des relations sexuelles prohibées.

Le dernier monologue est à nouveau  Dolorès Driscoll, mais je n'ai pas eu envie de le lire. Je pense qu'il n'apporte rien de plus...

Un roman réaliste, en prise avec les problèmes sociaux. Des gens qui, à l'occasion  d'un coup dur, très dur, tentent  non seulement de survivre (parfois au prix de se considérer mort) mais de  tirer de cette nouvelle situation des vérités sur eux.

Le premier monologue m'a bien plu ; Dolorès à la fois naïve et réaliste, vive et  méticuleuse dans sa restitution des événements et des sensations,  augure bien du roman. Billy Ansel paraît étonnamment lucide, mis à distance de sa vie passée et capable d'en tirer ce qui en était déconcertant, ce qui suscite des questions. Au milieu du monologue d'Ansel, j'ai commencé pourtant à me lasser, et cet ennui relatif a perduré tout le long du rapport de Stephen Mitchell.

L'intérêt s'est relancé pour Nicole Burnell : le point de vue de l'adolescente  nous fait changer de monde.

Mais je n'ai pas lu le dernier monologue.

D'où vient cet ennui relatif ?


A chaque monologue, l'auteur épouse bien le point de vue du personnage, son entourage, ses expériences personnelles sont bien décrites de sa place.

Un autre travail est de changer  de  voix et de ton pour donner à chacun son accent particulier. L'auteur s'est efforcé de faire parler l'adolescente d'une façon plus directe et plus vive, avec  du mordant. Dolorès a aussi un certain brio, tandis qu'Ansel est porté sur l'introspection, et l'avocat considère les êtres de l'extérieur avec l'objectivité particulière de celui qui ne dépend pas de cette communauté.

Cela ne suffit pas toujours à garantir l'originalité du récit. Lorsque le même événement, la même description est répétée par un personnage différent,  il ne rend pas toujours un autre son, n'apporte pas toujours de nouvelles informations. Un certain piétinement, un ressassement sont à l'œuvre.


Dans l'ensemble, c'est tout de même un livre important.

L'avis d'Amanda

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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 02:49

Cormac Mc Carthy. L’Obscurité du dehors

Titre original «  Outer Dark »publié en 1968, traduit en 1991 pour les éditions Actes sud.

236 pages.
 

J’ai eu l’idée de lire Mc Carthy en voulant lire l’original de No Country For Old Men, le film des frères Coen. J’ai trouvé ce roman qui réunit à peu près les mêmes ingrédients.

Mc Carthy est un auteur important ; on dira inspiré par Faulkner, comme tant d’autres et même un peu plus mais c’est une évidence, et il faudrait plutôt voir jusqu’à quel point il est différent.

 

 Quelque part dans le sud, Culla Holme et sa sœur vivent misérablement et dissimulés dans une cabane au fond des bois. Et maritalement aussi, puisque Rinthy accouche seule d’un petit garçon que son frère subtilise et abandonne dans la forêt. Après un épisode violents ils partent chacun de leur côté, elle pour retrouver son bébé qu’elle sait avoir été récupéré par un vieux colporteur, lui pour fuir, sans but précis. Deux errances parallèles et tragiques. Elle va de maison en maison acceptant un repas une couche pour la nuit, un parcours en carriole… des indications sur le colporteur. Il se fait journalier, et tous les jours fuit vers un autre village. Un trio de tueurs fous rôde dans les environs, s’attaque à des villageois et des passants au hasard, les pendent dans les arbres, profanent des tombes.

 

L’écriture est somptueuse, luxuriante parfois, précise ; on imagine aisément la silhouette le moindre petit détail d’une personne d’un lieu, d’un objet…

 

L’auteur a le goût du clair-obscur : «  Elle fut accueillie à la porte de la petite maison par un homme qui tenait en l’air une lanterne au-delà de laquelle se dessinait dans une frange de mince lumière les visages serrés de plusieurs femmes de tous âges, dont une antique commère qui n’avait point de nez »   

 

« son balluchon qu’elle tenait haut devant elle, la lampe juste à hauteur de son coude, tourmentée par un papillon de nuit dont la sombre forme projetée sur son visage semblait emprisonnée dans le crâne délicat, l’os mince et luisant d’une lueur rose comme une chose conservée dans un masque de porcelaine ».

«  Tard dans l’après-midi, elle entra dans la clairière, arrivant par le sentier où les étroites ornières des charrettes avaient écrasé les herbes et prenant ainsi à travers bois, à demi sauvage et hagarde dans son linceul informe, usé par le soleil, et pourtant si délicate comme l’est toujours une jeune biche, donc pénétrant dans la clairière et s’arrêtant un instant enclose dans une grâle de verdâtre et venteuse lumière, mince et tremblante et pâle avec des mains pareilles à des baguettes magiques pour interpeller ces formes sans squelette qui l’entouraient ».

 
 

Les dialogues sont remarquables de vérité, entre personnes qui parlent un langage simple pauvre même, mais que l’auteur sait rendre essentiel.

 

Le récit, vers la fin, tourne à la parabole biblique : des pourceaux qui courent et attaquent leurs maîtres, Culla, devenu bouc émissaire, doit fuir devant un prédicateur pervers et des porchers vindicatifs, il rencontre plusieurs fois un aveugle sur sa route et s’en suivent des considérations pseudo-philosophiques  sur les chemins qui vont et ne mènent nulle part, pour les voyants surtout…

Je dois dire que le récit me plaît moins vers la fin…

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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 00:03

 

Christian Bourgois, 2007.247 pages.


A l’âge de 17ans, Kristy Sweetland passe quelques jours de vacances à Pine Ridge avec d’autres pom-pom girls. Gymnastique, feux de camp, et conditionnement à outrance dans le style "aimer la patrie, faire le bien, positiver », etc.…

Au deuxième jour, elle n’en peut plus et part en balade dans son auto neuve avec deux amies Desiree et Kristi. Les filles rencontrent deux adolescents dans une vieille voiture, qui les suivent tant bien que mal . Elles  leur font un peu de strip-tease en les croisant sur la route, près d’un lac, et  rentrent au camp.

L’angoisse ne tarde pas à s’emparer de Kristy : selon sa voisine, les deux garçons rôdent aux alentours, selon Desiree, ils sont fous, selon les flics ils ont disparu de chez eux, et elle nie les avoir vus près du lac. Kristy a toujours vu des fantômes par les nuits obscures, elle se souvient d’expériences traumatisantes de sa vie, d'accidents mortels… Son amie Desiree sort avec le maître-nageur, et passe toutes le nuits dans les bois…les deux jeunes l’invitent le soir du 4 juillet à faire du canoé sur le lac des Amants et une partie triangulaire sur la plage.

Au matin, Kristy découvre la bagnole des garçons croisés deux jours avant près du lac : elle a dérapé dans le ravin …

 

Le récit est bien conduit, comme toujours avec cet auteur, le suspense est à l’œuvre, la critique sociale bien menée, les descriptions d’états d’âme justes, l’ambiguïté des deux amies de la narratrice est réussie.Cependant, on s’égare un peu dans les fantasmes de Kristy, mais on apprécie dans l’ensemble.

Dans «  La Vie devant ses yeux » du même auteur, une femme aussi était rongée par la culpabilité à propos d'une catastrophe survenue dans sa jeunesse, et plongeait en plein délire, bien restitué. Là aussi, ça s’achevait dans l’épouvante… 

 
 

 

 

 

 

 

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