Seuil, 2013, 411 pages
Titre original : Clearing
Au début du 20eme siècle, une scierie en Louisiane près de la petite ville de Poachum, où l’on travaille sur une grande forêt de cyprès chauves.
Le chantier c’est le père de Byron, de Pittsburgh en Pennsylvanie, qui l’a acheté, ayant appris que son fils s’y était établi comme constable ( agent de sécurité). Parti faire la guerre en Europe sur l’ordre de son père, Byron en est rentré, traumatisé surtout psychiquement. Il n’ plus de contact avec sa famille. Le père envoie Randolph le cadet, diriger l’exploitation.
Le récit relate la vie du chantier pendant la durée de l’exploitation ( environ 4 ans). Tout d’abord, les retrouvailles des deux frères, et l’évolution de leur relation. Randolph a toujours eu de l’admiration pour son aîné, qu’il juge supérieur à lui, comme son père, dont il est le préféré.
Il doit faire face à une importante transformation du comportement de Byron, dû à ce qu’il a enduré pendant le guerre. De la violence, du désespoir, et cette façon de se consoler avec les chansons sentimentales sur son pick-up.
Le problème essentiel de la scierie, c’est le saloon qui ouvre tous les dimanches ; les ouvriers s’y saoulent, jouent leur paie aux cartes, et des rixes éclatent dues au fait que le patron Buzetti ( affilié à la mafia sicilienne) envoie des gens de sa famille pour tricher et fomenter l’agitation. Les ouvriers se querellent aussi à propos des prostituées. Enfin, ils sont violents, parce qu’exploités, mal payés, vivant dans des conditions misérables. Randolph en est conscient, mais il na va pas changer le monde… l’améliorer peut-être.
Il faudrait fermer le saloon, mais Buzetti et sa bande menacent et n’hésitent pas à se venger, lorsqu’on veut les empêcher de nuire.
La violence et la corruption sont des sujets au cœur du roman, comme dans les Disparus ; s’y adjoignent aussi le racisme : la jeune gouvernante métisse de Randolph, voudrait partir vers le nord, s’émanciper et « avoir un enfant tout blanc ». On la comprend, vu la façon dont les noirs sont méprisés, et séparés des blancs pour tout ce qui fait la vie ordinaire.
En ce début de siècle, il est normal d’exploiter les forêts ; pourtant, il arrive à de nombreuses reprises à nos héros, de regretter l’abattage de ces magnifiques arbres.
Tout aussi intéressant que « Nos disparus » ce roman d’être connu davantage. A la bibliothèque, les deux romans parus de Tim Gautreaux ne sont jamais empruntés, et c’est dommage.
Tim Gautreaux est vendu comme « le Conrad du bayou » ce qui est plutôt inexact. Le monde de Conrad est complexe, retors, et ambigu, pas celui de ce romancier. Ces récits sont intenses, foisonnants, mais clairs et nets. Tout y est expliqué, il n’y a ni non dits, ni zones d’ombre.